Mère tortue
Publié le 18 Janvier 2025
Encore quelques brassées... c'est toute une histoire de donner la vie, c'est physique comme chez l'Homme, mais nous c’est aussi avant.
Il nous faut traverser des milliers de kilomètres pour atteindre notre plage fétiche, celle de notre naissance ; à défaut, une autre, inconnue, offrant les mêmes conditions optimales, quand une piste d'aéroport a décimé la nôtre...
L'eau sombre, trouble, agitée, dénaturée et ratissée par les machines humaines et nos prédateurs attitrés, dont l’ombre rôde, entravent notre périple.
L'eau sombre, trouble, agitée, dénaturée et ratissée par les machines humaines et nos prédateurs attitrés, dont l’ombre rôde, entravent notre périple.
Tous ces obstacles rencontrés nous rendent la tâche difficile.
Tous nos sens sont en alerte: vue, odorat, ouïe, toucher quand il nous faut partir pour cette longue odyssée, trouver ce lieu de ponte adéquat, notre plage de naissance à température et humidité idéales et attendre le moment opportun pour notre délivrance, la nuit principalement, car exempte de chaleur et de prédateurs, puis, creuser de nos nageoires le sable accueillant, sécurisant, s'écartant volontiers à notre royal passage afin de former des cavités qui abriteront notre progéniture.
Enfin, l'heure venue, d'expulser nos œufs mais en s'assurant qu'aucune âme, si bien intentionnée soit-elle, ne vienne nous détourner de notre devoir, comme c'est arrivé à une congénère sur une plage de Villeneuve-Loubet : alors qu'elle cherchait à pondre, deux ombres l'ont assaillie, quatre pattes l'ont encerclée faisant crisser le sable et trembler le sol, deux têtes émettant des sons inconnus, stridents l'ont surprise, l'ont empoignée, l’ont remise à l’eau croyant ainsi jouer le bons samaritains…
Je vous jure ! elle venait d’atteindre la plage, pas même eu le temps de creuser un nid douillet !
Il a fallu attendre leur disparition, remonter à la surface, refaire le chemin déjà parcouru et s'employer à accomplir sa tâche.
Il a fallu attendre leur disparition, remonter à la surface, refaire le chemin déjà parcouru et s'employer à accomplir sa tâche.
Mais le temps passant, la fatigue se faisant sentir, elle para au plus pressé en expulsant ses œufs à fleur de sable sans avoir pu les recouvrir, au risque qu'ils soient endommagés ou dévorés. Elle n'a d'ailleurs jamais su si le paternel s’était bien "penché sur son cas" et avait bien fécondé tous les embryons et si oui, combien de tortillons pointeraient leur nez.
Sans compter qu'après notre accouplement il faut se méfier de nos amoureux qui peuvent devenir agressifs envers leur femelle ; et chez nous, pas de MLT (mouvement de libération des tortues).
Pour déposer nos œufs nous n'hésitons pas à les accompagner dans leur nid à l'aide de nos pattes postérieures car il ne s'agit pas de les lâcher (nous ne sommes pas des mères indignes) et un par un s'il vous plaît ! (Enfin, ça, c’est la légende.)
Pour déposer nos œufs nous n'hésitons pas à les accompagner dans leur nid à l'aide de nos pattes postérieures car il ne s'agit pas de les lâcher (nous ne sommes pas des mères indignes) et un par un s'il vous plaît ! (Enfin, ça, c’est la légende.)
Après le dernier œuf, on attend un moment, on recouvre soigneusement la cavité et l'on fait même disparaître les traces de nos exploits en balayant le sable de nos nageoires (messieurs Holmes et Poirot y perdraient leur latin).
Seulement alors commence un repos bien mérité, à l'ombre, afin de désengourdir nos pattes arrières avant d'entamer l'inéluctable retour dans notre habitat familier mais toujours aussi imprévisible.
Même le plus élémentaire geste vital, se nourrir, est source de méfiance : "soupe plastique" au menu ! Vos déchets "plasticoides" nous font prendre des vessies pour des lanternes, ou plutôt, des plastiques pour des méduses, pseudo proies odorantes couvertes de micro-organismes faisant d'ordinaire notre festin.
Seulement alors commence un repos bien mérité, à l'ombre, afin de désengourdir nos pattes arrières avant d'entamer l'inéluctable retour dans notre habitat familier mais toujours aussi imprévisible.
Même le plus élémentaire geste vital, se nourrir, est source de méfiance : "soupe plastique" au menu ! Vos déchets "plasticoides" nous font prendre des vessies pour des lanternes, ou plutôt, des plastiques pour des méduses, pseudo proies odorantes couvertes de micro-organismes faisant d'ordinaire notre festin.
Nous reviendrons dans quelques temps pondre à nouveau.
Tel est notre destin.
Tout cela pour parfois donner des œufs stériles, la première ponte étant délicate et qu'enfin, sur cent tortillons, un seul échappera aux prédateurs guetteurs de nids (oiseaux et autres crabes terrestres) et aura lourde charge d’assurer la survie de notre espèce.
Il faut savoir aussi qu'avec le réchauffement climatique, il est à déplorer une disproportion mâles-femelles et donc, à terme, l'extinction nous guette : selon les scientifiques, passés les 31 degrés Celsius ce sont les ovaires qui se développent au détriment des testicules.
Si le MLT existait il se rengorgerait de cette information quand les scientifiques le déplorent déjà.
Le "sexe fort" des tortues c'est nous avec 99 % de représentantes, qu'on se le dise !
Le "sexe fort" des tortues c'est nous avec 99 % de représentantes, qu'on se le dise !
Letizia ANGILETTI