LA FENÊTRE

Publié le 10 Janvier 2025

La rue de mon immeuble n’était pas bien large. Face à mon logis, une autre maison, aussi modeste que la mienne, menaçait de s’écrouler. Ses fenêtres, ouvertes sur la vie, lui donnaient, malgré tout, un certain charme. L’une d’elles était animée par une dame d’un âge certain. Ce qui ne l’empêchait pas de vaquer à ses obligations journalières. Chaque matin elle me faisait l’offrande de sa présence. A mon réveil, l’esprit encore embrumé par une nuit où les nuées avaient disputé à la lune le droit d’être présentes dans un ciel privé d’étoile, j’ouvrais les yeux, avec difficulté et, rassuré, je la retrouvais. Il me suffisait d’écarter un coin de rideau pour profiter de sa vue.

Cette dame habitait chez son chat. Magnifiquement habillé d’une robe blanche immaculée et aux yeux dorés, celui-ci allait et venait avec l’assurance du maître des lieux. La fenêtre, ouverte à mon regard, était la cuisine. Les ustensiles, pendus ci et là à des clous, ne respiraient pas l’aisance. Sur un côté, un petit poste de radio, posé sur une étagère en bois, laissait venir à moi une musique si légère que la moindre brise du printemps lui donnait l’élan nécessaire pour rejoindre le ciel. Sur le mur du fond, un vieux calendrier, patiné par le temps, indiquait une année qui s’était transformée en souvenir... Peut être lointain. Dans un cadre incertain, une photo jaunie et craquelée représentait des personnages qui n’avaient fait que passer, l’espace d’un instant, fugace... Le temps, trop court, d’une vie anonyme.

Une fenêtre ouverte ne sait pas mentir. Le voudrait-elle qu’elle ne le pourrait pas. Les odeurs de cuisine qui venaient réveiller mes entrailles ne pouvaient pas dire le contraire. Tous les matins ces effluves qui ne pardonnaient pas à mon frigo d’être presque vide, m’indiquaient qu’il était temps que je me prépare pour partir gagner ma vie. Je laissais retomber mon rideau. Au loin, le tonnerre annonçait un orage qui n’allait pas tarder à s’inviter. La dame allait certainement fermer ses volets.

Un matin la fenêtre ne s’est pas ouverte. Le lendemain…. Non plus.

 

 

 

Rédigé par Fernand

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