Derrière la vitre
Publié le 10 Janvier 2025
De ma fenêtre j’observe souvent cette rue calme, surtout les jours où la pluie s’invite comme une visiteuse discrète. Ce soir-là, sous le ciel gris, tout semble figé. Un crachin tombe tissant des perles translucides sur les pavés.
Mon regard s’attarde sur la maison d’en face, une vieille bâtisse où la lumière d’une fenêtre illumine l’obscurité. Derrière cette vitre, encadrée comme un tableau, une petite fille se tient immobile, son visage pressé contre la surface froide. Ses cheveux aux boucles dorées encadrent des yeux brillants, deux éclats d’étoiles dans le silence de l’hiver.
Elle tient un doudou usé, serré contre elle qu’elle ne cesse de caresser. A travers la vitre, je distingue à peine les lueurs d’un sapin décoré et les silhouettes mouvantes des adultes qui s’affairent sans prêter attention à l’enfant.
C’est alors que j’aperçois cet homme, à la barbe blanche, marchant à pas lents sur le trottoir. Il porte un manteau sombre, le col relevé, les mains dans les poches pour se protéger du froid. A hauteur de la fenêtre, il s’arrête fasciné par le regard, comme une feuille captive du vent.
Je ne pouvais voir les gestes silencieux de leurs échanges mais je les devinais. L’homme lève la main, hésitant, comme s’il craignait d’en briser la fragilité. La petite fille répond d’un signe timide, effleurant la vitre de ses doigts si légers qu’ils semblaient à peine réels.
Ce contact presque affectueux est aussi discret qu’un souffle sur un miroir. Il paraît briser l’étrange solitude de cet homme en ce début de soirée de fêtes.
Mes pensées divaguent...
Que pense l’enfant ? Est-elle triste ? Rêveuse ou simplement curieuse de savoir si ce vieillard n’est autre que l’homme au traîneau qui va déposer des jouets au pied du sapin !
Le crachin s’intensifie en petites boules blanches dessinant des filets d’argent sur les vitres. L’homme reste un moment immobile, pris d’une réflexion profonde. En regardant cette scène, je ressens une douce sensation, celle d’une innocence oubliée, un souvenir de sa propre enfance.
Certainement happée par une voix intérieure, la fillette recule. Son visage disparaît laissant une trace sur le verre embué.
Depuis mon refuge feutré, je regarde l’homme reprendre sa marche. Il semble emporter avec lui un éclat particulier de cette rencontre éphémère, un instant suspendu que j’ai eu le privilège de contempler.