Narration policière
Publié le 5 Décembre 2024
Pierre sortit de sa cabine après s’être reposé, avec l’intention d’aller retrouver Mathilda et son fils. A peine venait-il de refermer sa porte qu’il constata une effervescence inhabituelle dans le couloir du train. Des passagers, par groupes de deux ou trois, discutaient des évènements de la matinée. Des bribes de phrases ou de conversations, des exclamations lui parvenaient aux oreilles au fur et à mesure qu’il tentait de se glisser en s’excusant entre les voyageurs qui l’empêchaient presque de poursuivre son chemin. Chacun avait l’air de savoir mieux que les autres ce qu’il s’était exactement passé. Et pourtant, à surprendre leurs paroles, il semblait bien à Pierre que peu de gens connaissaient la vérité.
Apparemment presque tous avaient été interrogés soit par la police Roumaine, soit par Hercule Poirot, ou même par les deux. Pierre entendait voltiger des mots ou des morceaux de phrases qui démontraient bien que diverses opinions avaient vu le jour dans l’Orient – Express.
Déjà, certains, conscients de leur statut social au-dessus de la moyenne, avaient été vexés des soupçons pesant sur chaque passager.
Pierre dépassa deux messieurs à l’air imbu de leur personne :
- Vous imaginez, moi, le meilleur avocat d’Istanbul, avoir été soupçonné du vol d’un violon, même si c’est un Stradivarius ! Comme s’il fallait que je le vole pour m’offrir un vulgaire instrument de musique. Je possède une fortune assez conséquente pour m’offrir tout ce que je désire…
- Je suis bien de votre avis, mon cher Maître ! J’ai moi-même à ma disposition l’Orchestre de l’Opéra de Budapest – le Chef d’Orchestre étant un ami proche – c’est un honneur pour lui de me faire plaisir lorsque je l’invite avec ses musiciens à venir interpréter de grandes œuvres dans mon château Hongrois. Alors, être interrogé par de vulgaires policiers Roumains, Je n’ai pas vraiment apprécié, c’est un manque de délicatesse !
Un peu plus loin, un groupe de dames :
- Oui, je vous le confirme, ma chère, on m’a dit que cette histoire de vol a été inventée de toutes pièces : de source sûre, l’étui du Stradivarius était vide lorsque M. Herbert Von Poulen l’a mis dans sa cabine…
- Ce doit être pour toucher l’assurance, c’est une escroquerie, il n’y aucun doute…
Deux hommes Turcs, reconnaissables à leur caftan traditionnel :
- Moi, je vais en informer mon ambassade. L’attitude de la police Roumaine est innommable, elle n’a pas le droit de traiter de cette manière d’honnête citoyens Turcs…
- Chez nous, les policiers qui se conduiraient de cette façon seraient aussitôt incarcérés, croyez-moi !
Plus Pierre avançait dans le couloir, plus le mécontentement était palpable. Apercevant le Chef de train avec sa belle tenue marine et or un peu plus loin, il eut une idée : il fallait absolument qu’une annonce faite aux passagers rétablisse la vérité : le Stradivarius avait été retrouvé, et l’enfant n’avait jamais été kidnappé ! Le Chef de train, s’étant rendu compte de la grogne ambiante, venait justement de contacter par téléphone le Directeur Général de l’Orient-Express pour lui demander des instructions. Après avoir rassuré Pierre, il prit son porte-voix pour faire l’annonce concernée.
Un observateur aurait pu voir sur le visage des voyageurs, apparaître d’abord de l’incompréhension, puis du soulagement, et même un sourire rassuré.
Aussitôt après la déclaration de l’homme en uniforme, Pierre fut amusé de constater la vitesse à laquelle l’atmosphère se détendit parmi les personnes rencontrées.
Il arriva enfin devant la porte de la cabine occupée par Mathilda et Osman. La mine satisfaite, il frappa deux coups secs, bien décidé à relater à la jeune femme tout ce qu’il avait entendu dans le couloir de l’Orient- Express.