ORIENT-EXPRESS 1

Publié le 7 Novembre 2024

 
Le quai de la gare était en effervescence. Les porteurs, en blouse bleue, et les voyageurs, luxueusement vêtus, allaient et venaient chacun à la recherche de quelque chose. L’environnement de l’Orient-Express ressemblait à une kermesse où tout ce beau monde dansait sur une musique que personne n’entendait. Ce magnifique train, lui, semblait être un grand navire qui attendait, dans le calme, le départ pour s’élancer sur une mer de rails. Trois jours de voyage, ponctués de nombreux arrêts permettraient à ces privilégiés de découvrir les trésors des villes traversées.
Louis de Verneuil, élégant dans son costume veste croisée à la dernière mode de la fin des années trente, suivait tranquillement le porteur qui s’occupait de ses malles, indifférent à toute cette agitation, comme s’il était chez lui. Grand, petite quarantaine, sa gestuelle dégageait une impression de puissance naturelle qu’on ne pouvait pas ignorer. Pas de cravate, col ouvert, foulard de soie griffé. Des bottines de cuir fauve habillées de guêtres à boutons semblaient avoir été faites sur mesure. Certains regards s’attardaient sur son passage, moustache soignée et cigarette à bout doré aux lèvres, c’est vrai qu’il était intéressant à regarder. Titre de noblesse ancien mais ruiné par la république, il s’était reforgé une fortune honnête en faisant carrière dans l’industrie lourde. Ses usines fournissaient l’état Français dans le cadre de son réarmement... sujet du jour, s’il en était. L’année 1938 s’agitait de toute part et après les essais militaires de l’Allemagne pendant la guerre d’Espagne il était temps de prendre les choses au sérieux.
Ses occupations avaient attirées sur lui l’œil de certains services «  Hautement autorisés » et il avait accepté une mission. Celle-ci devait l’emmener à rencontrer des chefs d’industrie qui, comme lui, avaient des bureaux d’études qui travaillaient sept jours sur sept à améliorer leur production.
Son voyage était tout sauf un voyage d’agrément, pourtant il devait faire en sorte qu’il en soit ainsi !
Arrivé à sa cabine, il donna un bon pourboire au porteur qui le remercia en retirant sa casquette. Le chef de wagon se précipita pour lui ouvrir la porte et ranger ses bagages à l’intérieur. Tout était parfait. Pourtant habitué aux palaces et à un certain luxe, Louis reconnut que la réputation de ce train n’était pas usurpée. Mobilier en acajou et essences rares, fenêtres ornées de vitraux aux reflets dorés, tapis de laine et rideaux en satin... La moindre critique de mauvais goût n’aurait pas trouvé à faire son nid.
Avec une série de secousses, le convoi s’ébranla. La nuit était tombée et par la fenêtre, Louis regarda les lumières de Paris glisser lentement devant ses yeux. Sa pensée vint lui rappeler qu’un premier contact aurait lieu ce soir au dîner. Il sera appelé à partager sa table avec un autre convive. Ayant du temps devant lui, il en profita pour faire connaissance avec le cabinet de toilette. Il était à la hauteur du salon. Produits de soin de grandes marques, serviettes de coton blanc dédicacées du nom de la compagnie, miroir avec lumière incorporée qui ne laissait aucun espoir de survie à un point noir égaré sur le visage ou à un poil de barbe rétif. Sur l’habitat, rien à dire. L’interrogation portera, ce soir, sur la partie gastronomique.
Il s’était légèrement assoupi, bercé par le roulement du train, quant on frappa à sa porte :
- Monsieur de Verneuil, le dîner sera servi dans quelques instants.
- Merci, est-ce que mon convive est déjà présent ?
- Oui monsieur ! La dame vous attend. J’ai pris sur moi de faire servir du champagne pour la faire patienter.
- La dame ??? Vous avez bien fait. Veuillez lui présenter mes excuses pour mon retard, je vous prie. Informez-la que je ne saurais tarder.
Louis, ne s’attendait pas à un contact de ce genre. Il remit de l’ordre dans sa tenue et se dirigea vers la voiture restaurant. Le chef de rang l’accompagna à sa table. Assise sur une chaise habillée de moleskine bleue, une coupe de champagne à la main, elle le regarda venir et lui tendit sa main libre. Louis ne put échapper au baise main de rigueur.
- Monsieur de Verneuil je vous remercie de m’accepter à votre table, mes amis m’appellent Charlotte, mes ennemis me donnent du comtesse de Charleroy.
- Charlotte, je vous remercie d’orner de votre beauté, ma modeste table.
- Si nous trinquions Louis ?
Malgré son calme apparent, les questions fusaient dans son cerveau. Qui est-elle ? Fait-elle partie du protocole ? N’est-elle pas un peu trop belle ? Attention mon vieux tu n’es pas encore rompu à certaines manigances... Ce milieu n’est pas le tien, ces gens-là ne travaillent pas avec leurs mains. Sauras-tu faire la part des choses ? L’avenir en décidera. 
 
 
 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Voyage

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