Mireille

Publié le 5 Décembre 2024

Le personnage :
Joséphine CASTALA – espagnole par son père, française par sa mère
Née le 20 mai 1950 à Paris
Yeux verts
Cheveux roux, longs, frisés, retenus souvent par des rubans très colorés, rose fuchsia ou vert émeraude, en queue de cheval ou en chignon.
De taille moyenne, elle a beaucoup de charme et aime le style rétro : robes mi- longues, agrémentées de dentelles et de volants. Porte régulièrement des chapeaux qu’elle assortit à ses toilettes et à ses rubans.
Fiancée depuis deux ans à Maxime, rencontré durant ses études de médecine, biologiste, de quatre ans son ainé.
Fait le voyage de Paris à Istanbul seule ce 20 mai 1977, Maxime étant trop occupé par ses recherches en laboratoire. Elle fête ses vingt-sept ans et la fin de ses études couronnées de succès.
Elle est heureuse de célébrer sa réussite par ce voyage de trois jours dans l’Orient Express. Pourtant la médecine n’est pas son choix personnel mais celui de son père. Elle aurait préféré le domaine de la mode, devenir styliste ou modiste. Elle a suivi les injonctions parentales comme elle a toujours fait jusqu’à présent.
Pour la circonstance, elle porte une robe vert amande, resserrée à la taille, manches trois quart, ornée de dentelles et un petit chapeau en toile fine et fleurie.
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Le départ
Avec une série de secousses, le convoi s’ébranle. L’Orient Express vient d’entamer son long voyage de trois jours à travers l’Europe.
Joséphine Castala sent une émotion monter en elle, une bouffée de liberté inhabituelle. Elle part ! Elle s’éloigne pour la première fois de la sphère familiale, ses frères, ses parents et même Maxime ! Aujourd’hui elle respire à son rythme. Ce voyage sera une étape importante dans sa vie, elle en a le pressentiment. Elle ne sait pas encore qu’elle va vivre durant ces trois jours des moments intenses et faire des rencontres qui modifieront son avenir.
Joséphine se penche légèrement à la fenêtre du wagon dans lequel elle est montée sans trop savoir si c’est bien dans celui-là que se trouve sa cabine. La locomotive annonce le départ par un sifflement strident. « Fantastique ce train ! J’ai l’impression d’avoir changé d’époque ! » se dit la jeune femme.
Elle aperçoit à la fenêtre voisine deux hommes qui regardent comme elle le quai s’éloigner lentement. D’un geste gracieux elle retire son chapeau avant qu’il ne s’envole. Un des deux hommes lui sourit en la saluant et en poursuivant joyeusement la discussion avec son voisin. Leurs voix sont fortes et leur accent chaleureux. « C’est étrange… » pense Joséphine alors que L’Orient Express laisse derrière lui les lumières de Paris, « … je quitte ma ville, je vais passer trois jours sans la présence de Maxime et je ne ressens rien, pas de pincement au cœur. » Les voix chantantes des deux hommes et le roulement du train l’emportent déjà dans un autre monde. Joséphine reste pensive quelques minutes. « Allons ! Je dois trouver maintenant ma cabine et me préparer pour le diner »
Joséphine au wagon restaurant
Premier repas dans l’Orient Express pour Joséphine. Informée que le diner sera servi à vingt heures au wagon restaurant, elle choisit une toilette élégante mais classique. « Ma longue robe fuchsia sera parfaite pour cette soirée, je mettrai mes bottines noires et dans mes cheveux un ruban vert émeraude ». Joséphine n’a jamais voyagé dans un train aussi luxueux. Quand elle a découvert sa cabine, elle a eu l’impression d’entrer dans un décor de cinéma du début du siècle. Ce faste et ce mobilier à la fois simple et recherché, couchette recouverte de bouttis fleuri, petite table de chevet en bois laqué, fauteuil accueillant en velours rouge, lui ont sauté aux yeux avec autant de ravissement que d’amertume. Issue d’une famille aisée du seizième arrondissement de Paris, Joséphine a pourtant rejeté les soirées mondaines données par ses parents. Sa préférence allait sans hésitation aux réunions amicales où toutes les tenues vestimentaires étaient acceptées dans la mesure où elles étaient correctes et au cours desquelles la parole circulait joyeusement et sans emphase. Elle sait que ce soir l’ambiance sera toute autre. Avec une légère inquiétude et sans grand entrain, elle se dirige vers le wagon restaurant. Le couloir étroit qui y mène est éclairé par des appliques en forme de fleurs, lumineuses sans être aveuglantes. La moquette beige sable rend les pas feutrés et étouffe les voix des passagers. Le roulement des roues sur les rails termine de rendre ce moment étrangement angoissant pour elle. Joséphine dépasse une dame très élégante et opulente, au parfum entêtant. « Elle ressemble aux amies de ma mère, aussi guindées qu’elle ! » se dit la jeune femme qui n’appréciait guère leur compagnie. Une jeune personne à la tenue bien différente la précède, robe noire, tablier blanc et petite coiffe sur la tête. « Sans doute la soubrette de la dame » en déduit Joséphine. « Jeanne, ne marchez pas si vite ! » lui enjoint justement sa patronne. Au moment où elles se croisent, Joséphine et Jeanne échangent un sourire entendu.
« Me voilà arrivée ». Joséphine entre dans le wagon restaurant et constate avec un léger soulagement que la plupart des tables de deux personnes sont déjà occupées. Elle aperçoit une place libre à une table de quatre où deux hommes et une femme sont installés. « Puis-je m’assoir avec vous ? » leur demande-t-elle en souriant poliment. Un des hommes l’invite à s’assoir à ses côtés tout en lui rendant son sourire. « Enchanté Mademoiselle, je me présente, Marco Morassi » dit-il avec un accent chantant qui rappelle à Joséphine la conversation à la fenêtre du train il y a quelques heures. « Joséphine Castala », « Eugénie Charpentier », « Marc de Verneuil ». Les présentations sont faites.
La jeune femme ne se sent pas à l’aise, l’atmosphère est pesante. Les plats sont excellents et raffinés, la vaisselle est précieuse, les nappes blanches sont joliment fleuries mais elle ne se sent pas à sa place. Trop de luxe, trop de retenues pour elle qui apprécie les repas simples et les conversations décontractées. Les lumières douces des lampes de la salle créent une ambiance intime bien loin de la réalité. Elle échange des banalités avec ses voisins de table, pas désagréables au demeurant. On commente les plats bien sûr mais plus par politesse et pour combler le silence que par sympathie. Joséphine n’est pas prête pour les confidences, elle a plutôt hâte que le repas se termine.
C’est à ce moment-là que Marco, son voisin de droite, aborde avec son chaleureux accent italien un sujet plus personnel, sa passion pour la musique. Son visage s’anime et ses yeux bleus pétillent quand il lui confie son parcours de musicien.
« Accepteriez-vous de poursuivre cette conversation au salon ? » lui propose Marco. Et sans bien comprendre pourquoi, Joséphine accepte.
Joséphine sera-t-elle suspectée ?
Le lendemain matin, Joséphine se prépare pour aller prendre le petit déjeuner servi dans le salon. Tout en cherchant la tenue adéquate, elle se remémore la fin de la soirée de la veille, passée en compagnie de Marco Morassi autour d’une (ou deux ?) coupe de champagne. La conversation s’est terminée tard et la jeune femme a l’esprit quelque peu dans le brouillard ce matin.
« Marco est un homme vraiment charmant, passionné et passionnant ». La voilà prête à quitter sa cabine quand soudain elle entend des voix résonner dans le couloir. Les sons qui lui parviennent sont stridents et angoissants. « Que se passe-t-il ? » se demande Joséphine, étonnée d’un tel brouhaha dans un train aussi select. Elle entrebâille la porte de sa cabine. Les voix se font plus fortes. Celle d’un homme plus particulièrement, des cris et des lamentations, vociférés avec un accent chantant qu’elle reconnait sans difficulté. «Monsieur Morassi ?? » murmure -t-elle avec une inquiétude grandissante. « Que lui est-il donc arrivé ? Quand nous nous sommes quittés hier soir il était jovial et détendu. » Pour en savoir davantage, elle ouvre grand la porte juste au moment où passe une jeune femme aussi désemparée qu’elle. Leurs regards interrogatifs se croisent. Après s’être saluées, elles se dirigent ensemble vers la cabine d’où viennent les cris. Joséphine et Cécile pressent le pas sans dire un mot. La première a bien compris que Marco Morassi est en détresse et les paroles qu’elle distingue de mieux en mieux le lui confirment : « Mon violon ! Mon violon ! Disparu ! Son étui est vide ! » 
Cécile semble déconcertée mais Joséphine devine dans ces yeux bleus une étincelle de curiosité. « Elle doit être fan de romans policiers » remarque la jeune femme, qui, elle, ne l’est pas du tout. Ces dernières années, ce sont plutôt les livres scientifiques et médicaux qui ont été ses compagnons de lecture.
Catastrophée par cette mauvaise nouvelle, elle se souvient que Marco s’est confié longuement à elle hier soir concernant le précieux instrument de musique. Il lui a notamment fait savoir que son violon est une pièce rare, un Stradivarius, dont la valeur est considérable.
Joséphine se sent envahie d’une double inquiétude. Elle devine l’immense perte pour Marco mais une autre émotion se mêle à sa compassion. Qui savait, à part elle, que Monsieur Morassi voyageait avec cet objet rare valant une fortune ? Allait-elle être suspectée pour ce vol ? Elle chasse rapidement cette pensée qu’elle juge absurde mais qui ne le sera sans doute pas pour les enquêteurs. Cécile la voyant blêmir et chanceler, lui prend amicalement le bras.  « Je vous assure, Cécile, que je n’y suis pour rien ! » Et Cécile la croit, tout en se disant que le voleur, ou la voleuse, se trouve pourtant bien parmi les voyageurs.
Soudain le train freine et finit par s’arrêter en plein campagne. « Les enquêteurs auraient-ils déjà été prévenus ? ».
Joséphine a besoin d’un café là tout de suite pour retrouver un esprit clair. Arrivée au salon où les tables du petit déjeuner sont dressées, elle aperçoit Marc de Verneuil, qui l’invite à s’assoir à sa table, visiblement informé de la disparition du Stradivarius. Les conversations dans la salle sont animées. « Quelle catastrophe ce vol ! », « Mais enfin ce n’est pas sérieux de voyager avec un tel trésor dans ses bagages ! », « Monsieur Morassi a passé beaucoup de temps hier soir en compagnie de la jeune femme rousse… ».
Les craintes de Joséphine s’amplifient, elle avale son café, salue poliment Marc de Verneuil et se lève. Besoin de changer d’atmosphère.
« Cécile, je vais rejoindre Cécile, le seul moyen de me disculper rapidement, c’est de trouver le coupable. Cécile a surement déjà une idée pour mener l’enquête sans attendre qu’un fameux Hercule ou l’un de ses collègues débarque. »
Joséphine découvre la supercherie
Décidée à résoudre le plus rapidement possible cette énigme, Joséphine s’apprête à rejoindre Cécile. « Elle doit s’y connaitre en enquêtes policières, elle me sera d’une grande aide »
En chemin elle se ravise et frappe discrètement à la porte de la cabine de Marco Morassi. Elle se doit de lui exprimer son soutien dans ce moment difficile et souhaite sonder son humeur et ses soupçons. « Marco, croyez bien que je suis vraiment désolée pour le vol de votre Stradivarius ». « Avez-vous des informations concernant l’auteur de ce forfait ? » Marco l’accueille avec un large sourire qui la rassure totalement. « Il n’est pas en colère contre moi, tant mieux. Donc il ne pense pas que je sois la voleuse ou une quelconque complice ». «Ce grand sourire est tout de même bien étonnant, il y a une heure il était effondré ! » se dit-elle intriguée. Marco l’invite, un doigt sur la bouche, à entrer dans sa cabine. Il lui révèle alors que hier soir il a oublié de ranger son précieux violon dans son étui. Il avait eu l’intention de le lui présenter puis s’était ravisé vu l’heure tardive. Et ce matin le violon avait disparu ! Joséphine est de plus en plus dubitative. Ces propos n’expliquent pas le visage jovial de Marco maintenant. Cécile arrive sur ces entrefaites et glisse quelques mots à l’oreille de son amie, dont les yeux s’arrondissent d’étonnement. Elle a pu avoir des informations par l’intermédiaire de son père Jean Martin. La disparition du violon n’est qu’un stratagème pour détourner et concentrer l’attention des voyageurs et des policiers chargés de l’enquête. Joséphine, totalement disculpée, commence à comprendre l’attitude détendue de Marco. « Si ce « vol » n’est qu’un subterfuge, M. Morassi est-il de connivence avec les enquêteurs ?» « Cela expliquerait qu’il n’y ait pas eu d’effraction et que certains voyageurs aient entendu du bruit cette nuit et vu une silhouette noire sortir de sa cabine! » Cécile lui fait signe de se taire et l’attire dans le couloir. Joséphine semble avoir compris et commence à trop réfléchir. « Je lui en ai peut-être trop dit ! » se reproche Cécile.
Perdue dans ces pensées qui se bousculent dans sa tête, Joséphine arrive au salon où les discussions et les interrogatoires vont bon train. Il lui semple avoir aperçu en longeant les cabines un personnage fort connu, Hercule Poirot. Pourtant ce n’est-ce pas lui qui mène l’enquête sur le vol du Stradivarius. Que fait-il dans ce train ? La jeune femme réalise qu’elle se retrouve au milieu d’une enquête policière, domaine qui lui était étranger jusqu’à présent. « Ce voyage devient intéressant ! » Elle se laisse prendre au jeu et fait le point sur la situation. Le violon de Marco n’était pas dans son étui cette nuit, pour faciliter sans doute sa substitution par le ou la complice ? Sa disparition est en réalité une ruse élaborée de toute pièce pour masquer une autre enquête menée, elle, par M. Poirot. Qui a manigancé un tel plan et pour quelles raisons ? Joséphine reste perplexe. Cécile semble en savoir davantage grâce à son père M. Martin. « Pourtant Jean Martin s’est présenté comme commercial dans le domaine du matériel médical… »
Voyant le visage de son amie de nouveau s’assombrir, Cécile lui murmure : « Pas d’inquiétude Joséphine, le précieux violon est en lieu sûr, M. Morassi a parfaitement joué son rôle de victime, c’est un honnête homme.  Pour le reste, que tu as deviné il me semble, je ne peux t’en dire plus. »
Y aurait-il un espion dans l’Orient Express ? Ou un nouvel Arsène Lupin ? Et les triplés cacheraient-ils quelque chose parmi leurs élastiques? « Affaire à suivre »

Joséphine a un rendez-vous à Istanbul

La fin du voyage approche. Joséphine commence à ressentir impatience et appréhension. L’ambiance très animée de la veille a fait place à un certain soulagement. Les enquêteurs ont fait correctement leur travail. Marco Morassi a pu récupérer son précieux violon intact. La jeune femme a bien compris qu’il se trame autre chose dans l’Orient Express dont elle ne saura sans doute jamais rien. Cécile lui a fait comprendre que cela relevait d’une affaire d’espionnage international.
Joséphine a décidé de ne pas s’immiscer dans cette énigme-là. Elle est maintenant toute aux préparatifs de son arrivée à Istanbul, ville terminus du train. Installée au salon pour partager avec les autres voyageurs la dernière coupe de champagne, elle songe à ce rendez-vous fixé dans le centre-ville cet après-midi, tout en fouillant dans son petit sac à main. Elle sent sous ses doigts le papier plié en deux. Discrètement elle relit les quelques mots griffonnés à la hâte avant son départ de Paris : « RDV le 23 mai à 14H avec Armelle ». Seuls Maxime et maintenant Cécile sont au courant. Armelle est la fille d’une amie de Madame Castala. Après ses études d’avocate, imposées par ses parents, la jeune femme a choisi de changer de voie et de suivre son compagnon à Istanbul. Elle y a ouvert une chapellerie de luxe qui a aujourd’hui une belle notoriété. Le rêve de Joséphine ! La rencontre avec Marco Morassi lui a fait comprendre combien il est important de vivre pleinement sa passion et de réaliser ses rêves. Et celui de Joséphine est d’être modiste. Comme sa grand-mère maternelle, qu’elle a peu connue mais dont elle a beaucoup entendu parler et qui réalisait des chapeaux de toutes sortes, des bobs, des chapeaux cloche, des capelines, des bérets, qui avaient un succès fou. Maxime connait le gout de Joséphine qui sort le plus souvent coiffée de jolis chapeaux qu’elle assortit à ses toilettes. Il l’a souvent incitée à écouter sa petite voix intérieure plutôt que les injonctions de ses parents. « Dans la famille Castala on est médecin ou rien ». Armelle, elle, a franchi le pas. « Elle pourra me conseiller, me donner peut-être des contacts à Paris et, surtout, la force qui me manque encore. »
Dans le salon les conversations sont joyeuses, on échange des adresses, oui on se reverra, on se le promet du moins. Joséphine écoute et répond plus par politesse que par amitié. Cécile sent l’émotion de son amie qui s’est confiée à elle. Elle sait combien ce rendez-vous avec Armelle signifie pour Joséphine le premier pas vers une nouvelle vie. « Les chapeaux et les coiffures, ça va un peu ensemble ! » avaient-elles remarqué en riant.
Les bagages sont bouclés, l’Orient-Express ralentit, Istanbul n’est plus très loin. Le cœur de Joséphine bat plus vite.
 
Epilogue
« De Paris à Istanbul »
Paris, 20 mai 1980. Joséphine fête ses trente ans. Sa chapellerie, ouverte il y a juste quelques mois dans un quartier chic de la capitale, a déjà une belle renommée. Elle l’a baptisée « De Paris à Istanbul » en souvenir de ce voyage dans l’Orient Express qui a marqué un tournant dans sa vie. Elle a décoré l’intérieur de la boutique dans le même style que l’emblématique train. Elle confectionne elle-même les magnifiques chapeaux personnalisés que recherche sa clientèle aisée.
Il y a un an elle a épousé Maxime. Il l’a soutenue tout le temps de sa reconversion. Cécile qui a été son témoin de mariage, lui a réalisé pour l’occasion une superbe coiffure, un joli chignon piqué de roses vert émeraude et fuchsia. Elle est parvenue à faire tenir dessus un petit bibi agrémenté de voilette confectionné par Joséphine.
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Rédigé par Mireille

Publié dans #Voyage

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