Dans les pas d'Hercule

Publié le 12 Décembre 2024

 
Nom : MARTIN
Prénom : Cécile
Âge : 25 ans
État civil : célibataire
Métier : coiffeuse
Apparence physique : taille moyenne, mince, jolie, des yeux bleus rieurs, une fossette sur la joue gauche, des cheveux châtains clairs, longs, souvent coiffés en queue de cheval.
Motivation profonde : passionnée de romans policiers, elle est à l'affût de choses susceptibles de renverser la monotonie de sa vie de coiffeuse.
Motivation pour ce voyage : marcher dans les pas de son héros préféré : Hercule Poirot.
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Le départ
Avec une série de secousses, le convoi s'ébranla. Les deux hommes se mirent à la fenêtre pour regarder le quai interminable dont les lumières paraissaient glisser lentement devant eux. L'Orient-Express venait d'entamer son long voyage de trois jours à travers l'Europe.
Cécile se glisse près d'eux. Elle les avait remarqués sur le quai. Un drôle de manège, des conciliabules, regards furtifs, comme s'ils craignaient d'être suivis. Et cette main crispée sur la poignée d'une élégante mallette. Que contient-elle ? Quelque chose de précieux, assurément ! L'imagination sans limite de la jeune femme échafaude toutes les hypothèses, des plus rationnelles aux plus farfelues. Les deux hommes restent silencieux. Quelques secondes plus tard, ils retournent dans leur compartiment.
Tant pis, ce sera pour plus tard... Cécile compte bien en savoir plus les deux messieurs, mais pour l'heure, elle décide de savourer les premiers instants de ce voyage tant convoité.
Une échappée à travers l’Europe à bord de l'Orient Express, un voyage économisé sous par sous, et dans sa poche, Le crime de l'Orient Express.... Hercule, j'ai commencé à mener l'enquête... La jeune femme se voit déjà confondre ces deux hommes suspects... deux voleurs de diamants, ou deux espions russes, ou deux...  Ou, peut-être a-t-elle repéré les personnes que son père doit rencontrer... ? Il ne lui a guère donné de détails sur l'affaire en cours, juste intimé de ne pas dévoiler leur lien de parenté.
Ses divagations se dissolvent dans la beauté du paysage. Le train a quitté la ville, une campagne doucement vallonnée se teinte de rose dans les couleurs mordorées du couchant. Cécile rejoint sa cabine. Une cabine somptueuse qui l'attend, avec des rideaux en velours, une couchette, lit spacieux, confortable, douillet, aux oreillers gonflés de plumes douces et aux draps les plus soyeux qui soient. Des dorures pour souligner la chaleur de l'acajou. Grand luxe. Un message paternel lui parvient auquel elle répond aussitôt. Il va boire un verre au wagon bar. Bien ! Elle va donc rejoindre le wagon-restaurant.
Le wagon-restaurant
La lumière douce, chaude, des lampes Gallé répand une quiétude rose-orangé dans le wagon-restaurant, quiétude soulignée par l'alignement impeccable des tables et chaises le long des parois du train.
Là tout n'est qu'ordre et beauté, calme, luxe et volupté, murmure Cécile, immobile  à l'entrée du wagon.
Quelques passagers sont déjà attablés. Les familles occupent les emplacements pour quatre personnes, ceux de deux étant réservés aux couples ou aux personnes seules, comme elle. Le wagon bruisse de murmures, conversations discrètes ; quelques rires viennent parfois éclater l'atmosphère feutrée.
Un serveur à la veste immaculée s'approche de Cécile, l'invite à s’assoir à une table pour deux. Cécile s'installe. La nappe blanche s'irise d'or sous la lampe. Un petit bouquet de fleurs fraiches l'égaie de couleurs mauve, rouge, verte. Son parfum subtil se perd au passage du fumet puissant d’œufs brouillés aux truffes terminant leur périple devant une élégante jeune femme aux longs cheveux roux, retenus par un ruban fuchsia. Deux superbes yeux verts croisent le regard de Cécile, un sourire courtois, un hochement de tête poli la saluent en silence.
Cécile n'ose pas aborder l'inconnue, pas encore... De plus elle n'est pas seule. A sa table, une femme raffiné et deux hommes chics, tous de grande classe, des gens de la haute, sans doute, mangent, boivent avec cette aisance propre aux aristos, milieu dans lequel notre coiffeuse ne sent sent pas du tout à l'aise.
En revanche, la jeune femme rousse lui paraît beaucoup plus accessible et sympathique. Faire connaissance et peut-être l’entrainer à enquêter avec elle sur les deux énigmatiques messieurs lui plairait bien.
D'ailleurs, les voilà les deux messieurs... qui sont trois, en fait ! Trois quidams se ressemblant tellement qu'ils deviennent interchangeables. Drôles de types ! Pas discrets ce soir avec leurs kilts et leurs longues chaussettes ! Cécile a un doute... qui se transforme vite en certitude : ces trois-là ne sont pas les deux inquiétants bonhommes du départ. Elle en est obnubilée au point de les voir partout ! Calme-toi, ma vieille... Mais quand même... ces trois-là... drôles de types...
Ils prennent place à une table de quatre, éclipsent de leurs gesticulations bruyantes la douce lumière, laissant s’infiltrer, encadrée par ses lourds rideaux de velours rouge sombre, une fenêtre noire de nuit.
Cécile frissonne. Papa démêlera tout ça...
Espionnes en devenir
Le lendemain, au petit déjeuner, c'est l'effervescence. Cécile traverse la wagon, assaillie de mots jetés en vrac, qu'elle intercepte au passage : précieux... introuvable... cette nuit...
Elle s'installe. La jeune femme aux yeux verts est déjà là, à la table d'en face. Elle lui sourit, se présente :
- Bonjour, Joséphine Castala. Avez-vous bien dormi ? Connaissez-vous la nouvelle ? On a volé le Stradivarius de Marc Morassi. Il paraît qu'il y a eu de bruit cette nuit. Avez-vous entendu quelque chose ?
Cécile, abasourdie sous ce feu de questions et informations, bredouille :
- Bonjour, Cécile Martin, oui, j'ai bien dormi.  Non, je n'ai rien entendu cette nuit, enfin je crois...
Les yeux froncés vers ses souvenirs nocturnes, elle ajoute :
Qui est Marco Morassi ?
- C'est ce monsieur, là.
Joséphine désigne le grand type élégant qui dînait avec elle la veille. Cécile hoche la tête. Il lui semble bien que le sieur Morassi a invité la belle Joséphine à boire un verre hier soir...
- Il paraît que c'était un bruit étrange, comme un bruit mat, précise la jeune femme.
 
Un bruit mat... Cécile frissonne. Un bruit mat l'a visitée cette nuit, un bruit étouffé, un bruit inquiet, du genre qui s'immisce dans la conscience et vous réveille tourmentée... pour n'entendre que le silence, rythmé par le roulement métallique sur les rails. Répétitif, lancinant comme une mise en garde.
Mais pas que... un truc cherche le chemin de sa mémoire, un truc furtif, vu en passant... hier soir ? tout à l'heure ? un truc chopé du coin de l’œil, un truc qui s'est logé quelque part et qui se planque. Un truc qui, soudain, surgit en pleine lumière : l'étui !
C'est ça, c'est un étui de violon ouvert, vide, tapissé de velours rouge, aperçu... zut, elle ne sait plus.
Refaire le chemin dans ma tête... non, je ne sais plus.
La perplexité traverse son visage. Joséphine l'observe, intriguée.
- On va fouiller toutes les cabines, on va sûrement nous interroger, lui dit-elle.
- Oui, je m'en doute, soupire Cécile. Une enquête va être ouverte. Avez-vous vu ou entendu quelque chose ?
Le regard de Joséphine voltige à la recherche d'une réponse.
Sans doute hésite-t-elle à me faire confiance, pense Cécile. Normal, elle ne me connaît pas. Moi non plus d'ailleurs, je ne la connais pas. Qui me dit que ce n'est pas elle, la voleuse ?
Cette idée lui paraît tellement improbable qu'elle laisse échapper un petit rire.
- Que diriez-vous, chère Joséphine, si nous menions discrètement notre enquête ensemble. Pour tout vous dire, je surveille déjà deux types un peu bizarres. Voulez-vous participer à l'élucidation de ce mystère ? Nous serons les espionnes de l'Orient Express. Qu'en dites-vous ?
Cécile et Joséphine enquêtent
Après la fouille infructueuse de leurs cabines, Joséphine et Cécile décident de mener l'enquête. Cécile, grande admiratrice de Poirot, prend les choses en main :
- Faisons marcher nos petites cellules grises. Pour résoudre cette affaire, il faut répondre à quelques questions essentielles. Première question : où le vol a-t-il été commis ?
- Dans la cabine de Marco, répond Joséphine.
Cécile consigne sur un cahier ce premier élément et ajoute :
- Quand a-t-il été commis ?
- Hier soir, en début de nuit.
Cécile sourit.
- Voilà des réponses fermes et concises comme je les aime. Un peu plus compliqué, maintenant : comment le vol a-t-il été commis ?
Hésitation des deux jeunes femmes...
- Il paraît qu'Eugénie Charpentier a vu une silhouette s'éloigner dans le couloir, la nuit dernière, précise Joséphine.
- Elle a aussi entendu du bruit, moi aussi d'ailleurs, renchérit Cécile. C'est peut-être le bruit d'une serrure crochetée. Ça y ressemble.
- Donc, pour répondre à la dernière question, on pourrait dire : par effraction ? demande Joséphine.
Cécile approuve, note le fait sur son cahier.
- Arrive la question : pourquoi ?
- Facile, répond Joséphine. Ce violon est hors de prix. Si le voleur réussit à le vendre, il sera riche.
- A moins que ce ne soit par jalousie, malveillance, s'interroge Cécile. Quelqu'un qui veut nuire à notre beau musicien.
Joséphine reste pensive.
- Deux mobiles éventuels, ça double les suspects, murmure-t-elle.
- Et si on allait voir du côté des deux types bizarres, suggère Cécile.
Les deux jeunes femmes longent le couloir, furtives, comme les espionnes en herbe qu'elles sont.
De toute façon, papa n'est pas loin, se dit Cécile, il veille, je le sais.
La cabine des deux bonshommes est grande ouverte. Sur un fauteuil, béant et vide, comme pour les narguer, l'étui du violon. Mais les deux suspects, introuvables.
- Anita Hermann m'a dit qu'elle avait vu un homme sauter sur le quai pour en rejoindre un autre. Ils seraient partis tous les deux par la porte de la gare, dit Joséphine.
- Oh, la la ! Ça se complique, se lamente Cécile. Je suis un perdue devant tous ces indices. Et toi, qu'en penses-tu ? Un vol ou une arnaque à l'assurance ? Et qui a fait le coup ?
La fin du voyage
Suite à une entrevue avec son père, Cécile en sait un peu plus : il semblerait que ce vol ne soit qu'un stratagème pour détourner l'attention du personnel et des voyageurs, car Hercule Poirot himself serait dans ce train et sur une importante affaire.
Cécile en est toute bouleversée ! Son héros, en chair et en os, ici ! C'est sûr qu'avant la fin du voyage, il ressemblera tout le monde pour donner la solution du mystère.
 
En attendant, elle rejoint Joséphine chez Marco Morassi pour leur faire part des derniers éléments. Mais l'affaire se complique encore avec la découverte d'un pendentif en forme de clé d'argent dans la cabine du beau Marco. Cécile est perdue devant tant de choses disparates. Tout lien logique ente les divers éléments est impossible. Cependant, le Marco lui paraît bien trop détendu pour que ce vol en soit réellement un. Il doit être dans la confidence du fameux stratagème... son violon doit être en lieu sûr. D'ailleurs, l'étui retrouvé chez les deux affreux est absolument vide d'empreinte. Aucun violon n'a séjourné la-dedans ! Encore un indice qui n'en est pas un !
Joséphine approuve d'un hochement de tête pensif quand le sifflement strident du tarin les fait sursauter. Un  haut-parleur annonce l'arrivée au terminus dans deux heures et propose aux passagers de se réunir au wagon-bar. Un cocktail d'adieu les attend.
 
Dans la wagon-bar, les conversations se croisent, quelques rires, des chuchotements, des regards en coin, occupent l'espace. M. Hermann Farina et sa fille Anita conversent avec Archibad Fox, Sarah de Albran s'entretient avec Marie-Judith Dupin, de peinture sans doute.
Les trois Q ont troqué leurs kilts pour des pantalons trop courts et tiennent le bar. Ils n'en sont manifestement pas à leur premier verre !
Eugénie Charpentier arrive à son tour, élégante. Jean-Baptiste Noël, dandy magnifique et galant homme, se précipite vers elle, lui offre une coupe de champagne. Marc de Verneuil observe la scène, confortablement installé dans un fauteuil, un whisky à la main.
Luis, le discret, accoudé au comptoir, se marre en voyant entrer la grosse dondon, toujours accompagnée de sa ravissante bonne, Jeanne. Valentin Poésy, le romancier, prend des notes... sans doute pour son prochain roman... faut dire qu'il a sous les yeux une galerie de personnages remarquables !
Joséphine, Cécile et Marco trouvent une table libre.
- Tiens, papa n'est pas arrivé? s'inquiète Cécile.
 
Jean Martin entre à ce moment-là, accompagné d'Hercule Poirot. Yeux exorbités de Cécile qui agrippe le bras de Joséphine. Son regard croise celui de Poirot qui lui fait un clin d’œil, avant de prendre la parole :
- Mesdames, messieurs, tout d'abord, je tiens à vous rassurer sur le sort du violon. Il est en lieu sûr et ce vol, comme certains l'ont déjà compris, n'était qu'une mise en scène pour détourner l'attention d'une affaire sur laquelle M. Martin et moi-même enquêtions. Il y avait, dans ce train, deux individus soupçonnés d'espionnage international. Grâce au flair de M. Martin et de mes petites cellules grises, nous avons pu réunir suffisamment de preuves pour les arrêter. Ils sont sous bonne garde et seront livrés à la police dès notre arrivée. Mais pour l'heure, profitez des derniers instants de votre voyage.
Poirot soulève son chapeau en guise d'au revoir et quitte le wagon. Cécile avale son verre cul sec et en demande un second. Les conversations reprennent, des mots volent, le train siffle.
 
Terminus ! Tout le monde descend et s'éparpille vers son destin. Sur le quai, suivant des yeux la jolie silhouette de Jeanne, le conducteur de la locomotive, Stéphane, reste seul. Cécile le salue avant de quitter à son tour la gare, avec son père. La mission est terminée, les vacances à Istanbul peuvent commencer. Et comble de bonheur, sa motivation secrète, marcher dans les pas de son héros préféré, s'est réalisée au centuple. Il est venu à elle !
 
Durant le voyage, la complicité entre Joséphine et Cécile s'est muée en amitié. Quelques années plus tard, Cécile a démissionné de son salon de coiffure pour monter un projet avec Joséphine, devenue modiste. Cécile invente des coiffures adaptées aux merveilleux chapeaux créés par Joséphine. Leur salon/boutique ne désemplit pas. C'est ainsi qu'elles ont vu défiler les grandes dames dames rencontrées dans l'Orient Express qui, en plus de leur confier leurs têtes, leur confient aussi leurs petits secrets, mais ça, ni la coiffeuse, ni la modiste n'iront vous les dévoiler.
 
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Rédigé par Mado

Publié dans #Voyage

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