La route des découvertes
Publié le 22 Novembre 2024
Après une nuit passée en compagnie du balancement régulier de la machine, j'ai fait quelques rêves. A dix heures, je me dirige vers le wagon restaurant, habillée d'une petite robe bleue en soie, très facile à porter, pour prendre mon petit déjeuner. Je me sens un peu fébrile, mon père n'est pas encore levé. Il a dû veiller très tard hier au soir.
Un jeune homme très élégant, grand, blond, beau garçon, vient me saluer gentiment, avec un charmant accent, et me demande :
- Avez-vous passé une nuit agréable ?
En souriant je lui réponds :
- Dans l'ensemble je dirais oui, le lit est confortable, mais le bruit des roues sur les rails un peu moins.
- Je peux me joindre à vous, pour le petit déjeuner?
Heureuse je lui dis :
- Avec plaisir
Les personnes commencent à arriver, ça parle, ça discute, encore un peu engourdies par l'abandon de la nuit. Mon compagnon de table est très agréable, il me raconte qu'il fait ce voyage en mémoire de son père, qui lui aussi l'avait fait en 1938, mais pas pour les mêmes raisons.
Curieuse et un peu intriguée par ses belles manières délicates, dignes d'une très bonne éducation, je me hasarde à lui demander :
- Que faites-vous dans la vie, médecin, avocat ?
Il me répond :
- Non, je suis le digne fils de mon père, en bon garçon j'ai repris son affaire industrielle, mais pas dans le même secteur. Il m'a transmis son passé. J'ai grandi en internat en Suisse. Et vous ? je suppose que vous êtes encore dans les études?
- Oui je poursuis un doctorat dans la recherche des maladies exotiques rares.
- Bravo !!!
Il me sourit avec des yeux rieurs. Nos mains se frôlent, nos regards se croisent, une légère gène nous envahit.
Il me dit :
- J'espère que j'aurai le plaisir de passer encore un moment aussi délicieux avec vous
- Je pense que cela sera inévitable!
Il sourit.
- Je vous laisse, je retourne dans ma chambre, j'ai des coups de fil à passer.
Je lui tend la main, il se baisse pour faire le baise-main.
Je me dis, ce jeune homme est très bien éduqué, il me plait. C'est mon père, qui sera très heureux, il va jubiler !
Derrière moi, une voix me dit :
- My name is Coco.
Je me retourne, un très beau perroquet de couleurs vives, perché sur le haut d'un fauteuil me regarde avec son grand bec crochu, il répète sans cesse les mêmes mots, je m'adresse à lui et dit :
- My name is Anita.
Il remue sa queue avec gloussement, il semble heureux, sa maîtresse, la dame d'une âge certain environ, très élégante, me dit :
- C'est vos longs cheveux qu'il aime.
On entame une conversation des plus animée, elle me raconte qu'elle fait ce voyage avec son compagnon Coco, à la recherche d'inspiration pour son 6ème roman. Elle se nomme Madame HOWOOD Marguerite, romancière. Elle vit en Angleterre, mais possède une maison en Bretagne à Dinard.
Elle est très gaie, à beaucoup d'humour, pleine de vie. Je prends un réel plaisir à échanger avec elle. Elle aime les arts, la peinture etc..
J'ai croisé mon papa très en forme, il semble joyeux, vient m'embrasser, et me demande si j'ai bien dormi.
La porte du salon restaurant s'ouvre, les deux dames, la quarantaine, très bien habillées, s'installent dans les fauteuils, déjà mon père s'empresse avec galanterie de les installer confortablement.
D'un coup d’œil, le sourire en coin de mon père, m'indique qu'il est déjà en pays de connaissance. Ce qui veut tout dire pour la suite. Il s'attarde auprès d'elles et entame une conversation animée, que celles-ci semblent beaucoup apprécier.
La journée se déroule dans un confort feutré.
Moi, je m'amuse à discuter avec diverses personnes, afin de connaître leur défauts, leur caractère et partageons nos impressions sur divers sujets, mode, politique, environnement etc... Parfois aussi je conteste, ce qui laisse la personne perplexe. Mon caractère affirmé se découvre. Je file les minutes, les heures comme je le sens. Parfois je dérange !!
La nuit le jour se mélange, tous ces personnages roulent vers des découvertes.
Marc de Verneuil, s'assit en face de moi, il est seul à cet instant même, je perçois chez lui une envie de me connaître mieux, par toutes les petites questions subtiles qui me posent.
Je m' amuse de lui et joue à l'ingénue.
Plus tard, j'apprends par le majordome que les deux dames que mon père affectionne font partie de la noblesse du Marquis de Juigné, et se nomment Juliette Leclerc de Juigné et sa cousine, Geneviève Durfort Civrac de Lorges. La première est veuve, la seconde est divorcée.
Elles possèdent à Paris, Lyon, Bordeaux de grandes boutiques d'antiquités,et travaillent avec l'étranger.
Mon père a une idée derrière la tête, je le connais bien, dans les prochains jours je pense qu'il va s'épancher à mon oreille.
Arlette