La rencontre
Publié le 20 Novembre 2024
Louis lui avait offert ce voyage. Marc considérait plutôt cela comme une obligation de pèlerinage que son vieux père, malade, ne pouvait plus réaliser. Il lui avait fait la leçon.
- Tu verras, c’est un train magique, j’y ai rencontré ta mère. En quelques jours, de complices nous devînmes amants. Nous nous mariâmes en 41 et tu arrivas en 42. Tu vois, nous n’avons pas perdu de temps. Aîné de la fratrie, tu me représentes et tu diriges nos affaires avec bonheur. Je ne tarderai pas à rejoindre ta mère, qui a juré de m’attendre. Si ! Si ! Ne dis pas le contraire, les tempêtes que j’ai du affronter dans ma vie m’ont appris à appréhender la réalité des choses. Je te demande, simplement, d’aider tes frères et sœurs à accomplir leur chemin respectif.
Marc eut un sentiment ému en repensant à ces paroles. Mais bon ! se dit-il chassons la nostalgie et essayons de survivre à ce amas de luxe disparate, de cristallerie, argenterie, tapisserie et autres qui vous donnent l’impression d’être un nabab. Il ne manque plus qu’un sérail pour que l’illusion soit parfaite.
Reconnu par ses pairs dur en affaire, Marc n’en était pas moins amoureux de la nature et du calme. Habitué aux palaces qu’il fréquentait dans le cadre de ses affaires, il appréciait les instants de fuite qu’il s’accordait, hélas, trop rarement. On le disait timide avec les femmes alors qu’il n’en était rien. Sa position sociale le prédisposait, tout simplement, à la prudence.
- Monsieur de Verneuil, le dîner va être servi. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous indiquer la table qui sera vôtre pour la durée du voyage. Comme vous le savez l’usage veut que personne ne soit seul à table. J’ai pris l’initiative de choisir un convive qui, j’en suis sûr, vous sera agréable. J’ai fait servir du champagne pour patienter et vous permettre de faire connaissance.
- J’espère que cette malheureuse victime a le sens de l’humour.
- Je le crois Monsieur, je le crois vraiment.
- Vous m’intriguez monsieur le Chef de rang.
- Nous sommes arrivés Monsieur.
Une jeune femme, rousse éclatante, aux yeux verts pétillants, une coupe de cristal où les bulles de champagne dansaient la sarabande à la main, lui adressa un sourire éclatant. L’instant de surprise passé, Marc vint à elle et se présenta.
- Bonsoir Madame, Marc de Verneuil... Pour vous servir.
- Mademoiselle Joséphine Castala. Médecin. Bonsoir Monsieur et merci de m’accepter à votre table.
- Mademoiselle, quel homme serait assez fou pour refuser la compagnie de la beauté et la fraîcheur du printemps à sa table.
La robe de couleur vert amande qu’elle portait avec élégance et son petit chapeau de toile fine fleuri de fleurs des champs étaient de bon ton avec les habitudes de ce train de légende.
Marc prit place. Il la regarda. Elle porta la coupe de champagne à ses lèvres sans le quitter du regard.
La bataille était engagée.