Le poisson et le ver

Publié le 6 Octobre 2024

Un poisson zigzague entre les rochers, l’œil brillant. Il plonge, remonte à la surface, poursuit une tortue, puis revient, passe entre un rocher, s'accroche à une herbe, puis revient. Il va et vient et semble s'adapter à tous les lieux. Il est orange avec trois bandes blanches et mesure dix centimètres. Il s'arrête, comme médusé, devant un ver de sable accroché à un hameçon, semble-t-il, plutôt à un anneau, dirait-on.

Le ver ressemble à un gros intestin de vache et peut faire de quinze centimètres à un mètre, selon sa maturité. Il se déplace en gonflant son corps, il se nourrit des sédiments du sable, puis il rejette le sable du côté de son postérieur, d'où les tortillons.

Le poisson le regarde, les yeux très étonnés et désemparés, car ce ver est un animal complètement étranger à l'espace marin. De plus, il est en très mauvaise posture, pendu comme un leurre à un anneau en guise d'hameçon. Il semble un acrobate pendu la tête en bas, se tordant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le poisson-clown, adepte des anneaux, se faufila et décrocha le ver de son attache, qui s'en retourna dans les profondeurs de la terre. On ne vit plus que du bleu et un peu d'orange dessiner des traits d'adieu sur le sable, calligraphie invisible pour un pêcheur à la ligne.

...

Je me tortille, me grandis, me rétracte, crache le sable. Je suis « le ver à gros intestin », on me surnomme aussi le « ver de la mort ». D'habitude, je n'ai besoin de rien ni de personne, mais là je me suis égaré après une bataille effrénée, loin de mes lieux d'origine, le désert. Me voilà suspendu, pris au piège en plein océan, moi qui redoute tant l'humidité. Lorsque je vis de l'orange envahir ma vue, un son retentit d'ailleurs. Je pus reconnaître un poisson grâce à ses nageoires. Je crus d'abord que c'était un poisson-lune, mais je compris très vite que c'était un poisson-clown, car il se faufila dans l'anneau, fit de grandes arabesques et me décrocha dans un ballet de légers mouvements. J'étais enfin libéré. Sans prendre le temps de le remercier, car j'étais terrifié, le monde aquatique m'étant totalement étranger, je retournai sous la mer dans l'espoir de rejoindre la terre. Le poisson-lune, non, poisson-clown, me suivit encore un instant avant de disparaître définitivement. J'étais alors devenu un ver marin.

 

 

Rédigé par Catherine

Publié dans #Les animaux

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