ODILE
Publié le 5 Août 2024
Le ciel immense qui entourait Odile était, à la foi, majestueux et intime. Les bleus alternaient avec les violets, les roses avec les pourpres, l’Or et l’Argent se mêlaient pour domestiquer cette palette de douceurs créée par des magiciens inconnus aux talents multiples.
Doucement, la petite fille qui sommeillait sur un parterre de coquelicots permit à ses yeux de s’ouvrir à la réalité de l’endroit. Déjà, un lourd parfum d’encens inondait ses sens, une grande vague noyait ses appréhensions et prenait possession de son esprit. Autour d’elle rien ne faisait partie de sa vie de tous les jours. Sa chambre, ses jouets, ses livres d’images qu’elle commençait à aimer, dans l’impatience de savoir lire les mots, et surtout sa poupée Amélie qui dormait dans ses bras lui manquaient. Et sa Maman ? Elle ne saurait être loin, d’autant plus qu’elle lui avait formellement interdit de s’éloigner sans son autorisation. Rassérénée par son raisonnement Odile prit le parti de s’intéresser et d’admirer le paysage qui s’offrait à elle. Tout était si beau. Baissant les yeux, elle se rendit compte qu’elle portait sa belle robe bleue, celle du Dimanche. Aux pieds ses jolies sandales blanches resplendissaient sur des petits bas bleus du plus bel effet. Allons ! Promenons nous un peu. Je suis sûre que Maman ne me quitte pas des yeux.
Une brise légère faisait ondoyer les brins d’herbe au grès de ses caprices. Les fleurs faisaient de même. Les oiseaux donnaient un récital et guidaient ce parterre de verdure dans ses ondulations. Odile souriait de bonheur à ce tableau qu’elle comparait au bal d’un mariage où ses parent avaient été conviés. Son père avait jugé que sa petite fille était suffisamment grande pour faire connaissance avec les événements qui ponctuent la vie de tout un chacun. Elle avait adoré cette cérémonie où toutes les personnes étaient bien habillées et surtout, la réception avec tous ces gâteaux qui ne demandaient qu’à être mangés. Odile avait décidé de se marier chaque foi que l’occasion se présenterait pour se gaver de bonnes choses, sans que Maman ne soit là à lui dire qu’elle finirait par ressembler à un gros ballon dirigeable.
Inquiète pour ses belles sandales, elle ne mit pas longtemps à s’apercevoir que c’était un chemin de soie qui accueillait ses pas. Ce petit chemin l’avait prise par la main et guidait ses pas avec l’assurance de celui qui sait nous emmener là ou on nous attend.
Sous la frondaison d’un bel arbre, une dame assise contre son tronc, lui fit signe de s’approcher. Enfin quelqu’un à qui parler.
- Bonjour Odile, tu portes un joli nom. Tes parents ont bien choisi. Sais tu qui est Sainte Odile ?
- Bonjour Madame. Non mais je suis sûre que Maman le sait. Maman sait tout !
-J’en suis sûre. Mais je vais te raconter, brièvement, son histoire. Quand elle est née elle n’était pas la bienvenue car son père espérait un garçon pour lui succéder et en plus elle est née aveugle. Sa mère l’a sauvée de la mort en la confiant à un couvent. A l’age de douze ans elle reçu le baptême et, miraculeusement, retrouva la vue. Grace à un don de son père, elle créa un couvent voué à soigner la cécité, et passa sa vie à soulager l’existence des pauvres gens. Comme tu peux le voir tu porte le prénom d’une belle personne.
- J’aimerais bien la rencontrer.
- Tu vas la rencontrer ! Ta Maman t’a revêtue de ta joli robe du Dimanche. Celui qui t’attend sera content de te voir. Ta Maman te retrouvera bientôt, et ton Papa aussi. Je vais t’accompagner. Tu verras. D’autres enfants joueront avec toi. Vous êtes nombreux à venir nous voir en ce moment. La bêtise et l’orgueil des hommes ne tarderont pas à commettre l’irréparable. Viens, donne-moi la main.
- Comment vous appelez vous Madame ?
- Je m’appelle Odile, mon enfant.
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