LE RÊVE DE LA CHAYOTTE
Publié le 31 Août 2024
Les nuit du mois de Juin le sommeil tarde à venir aussi j' eus la surprise en remuant dans ma maison de ressentir autour de ma personne les mouvements d' une vie parallèle intensifiée dès l'apparition des grandes chaleurs.
D'abord il y a eu le bal des Aludes et je reçus la grâce d'assister pendant un mois à leurs échanges nuptiaux sur le coup des vingt heures et cette opportunité m'a informé de la vitalité nocturne du petit peuple animal et plantes de mon jardin, car ces soirs là, sensibilisée par ces grandes princesses ailées, je pus entendre à travers les volets... bruissements, craquètement de feuilles, cliquetis de mandibules, crissement de gravier, près du bac à compost le glissement imperceptible d'un orvet se rafraîchissant, et puis , un feulement suspect, les grattements d'un chat dans la terre, moins souvent la fuite d'une tarente chasseuse et d'autres couinements invisibles des mulots sans doute ; enfin tout un concept de musique concrète dont la perception dilatait mes pores en tenant mes sens en éveil ;
Je descendis jusqu'au sol avec précaution à cause des bataillons de cloportes et agglutinats de mille-pattes, m'orientais doucement dans le jardin et - immobile - à l'écoute – dans – l'obscurité - je ressentis à travers l'espace embaumé le déploiement des feuilles puis le frôlement des vrilles s'accrochant à ma droite à ma gauche... Sur le qui-vive et dans le grand jour je pris conscience du fonctionnement de ces organismes et de l'agencement qui en ressortait ; dans la nuit la chayotte aux jolies feuilles soyeuses avait bondi le long de la haie de pittosporum pour atteindre un laurier rose et le nandina sacré ; '' elle prend ses aises cette liane'' et n'a qu'une envie celle d' enlacer si je la laisse faire !...elle pense couvrir allègrement ceux à sa portée et là je me dis c'est maintenant qu'il faut sévir si je ne veux pas finir en saucisson dans l'obscurité un de ces quatre, me voilà sectionnant toutes ses terminaisons folâtres afin d' en orienter l'avancée et contenir ainsi l'opulente joyeuseté... et une bonne fricassée s'impose !
Mais la liane ne capitule jamais, jamais. Tu m'étonnes ; avec un arrosage régulier et l'intervention de la grande Cradingue (compost) elle jubile ; aussi entre elle et moi c'est le bavardage journalier de la cisaille mais plus je tranche dans le tas plus elle me nargue, trouve sa place et me répond, elle me répond qu'elle a un rêve et son rêve serait d'envahir sur les hauteurs les territoires inconnus au grand soleil en gagnant par les murs mitoyens ... le voisinage... elle veut la guerre !
Oh oh ça non ; jour après jour la peur me prend de ce scandale que je ne pourrais plus gérer car il me forcerait à une confrontation verbale entre primates et je n'en ai pas envie! donc nous guerroyons la chayotte et moi sur notre territoire commun sans accorder de répit ni à l'une ni à l'autre, chacun son droit et devoir de vivre ... pour moi c'est du boulot mais en même temps j'entretiens l'anarchie maîtrisée de ce jardin comme le salut de l'âme, une nécessité, donc je l'assume ! ce matin la mise en scène est superbe : partout des guirlandes de fruits vert tendre rutilants et humides me sourient telle une noce de printemps ! ce bonjour est une provocation, il m'attendrit et je me confonds en remerciements vers le ciel et la terre pour leur bonté à mon égard, je résous l'histoire sans tarder en cueillant les petits bijoux à la perche avant qu'ils ne deviennent des gros mafflus coriaces et piquants si difficiles à digérer ; les bébés sont réservés à la confection d'un condiment délicieux...
Profitons de la saison car fin automne la plante aura fini son cycle jusqu'au printemps prochain.