FANTASME 6
Publié le 16 Juillet 2024
Allongé sur son lit qui criait pitié tellement il était avachi, Pierre s’interrogeait. Cette rencontre de la veille, ce personnage plus qu’étrange, et la réaction de Madeleine, plus virulente qu’un violent tremblement de terre, lui laissaient un goût amer dans la gorge. Pour sa sœur c’était « Foutaise ». Mais pour sa part, cela demandait réflexion. Et si ?? Ses propos sur l’Enfer le faisait frissonner de terreur. Lui, qui découpait ses victimes en se nourrissant de leurs larmes et de leurs gémissements, ne savait plus comment entamer une réflexion avec le sang froid qui le caractérisait habituellement. Mais qui était-il ?? Que venait-il faire dans leurs vies ??
Voilà voila ! Quand on m’appelle je réponds présent. Tout d’abord, permets-moi de te présenter mes plus sincères condoléances. L’inconnu venait de faire son apparition de la même façon qu’il avait disparu hier soir.
- C’est un peu tard pour ma famille, mais comme on dit « mieux vaut tard que jamais », ironisa Pierre.
- Désolé, mais je te parlais de Madeleine. Tu n’est pas au courant ? Un accident fâcheux. Un camion sans frein l’a faite passer sous ses roues alors qu’elle traversait sur les passages protégés. Tu te rends compte ? Où va le monde si on est à la merci d’un ivrogne qui cuve son vin au volant de son véhicule ? Cette belle jeune femme, dans la fleur de l’âge, vient de me rejoindre. Je vous avais pourtant bien averti, il me semble. Elle n’a pas eu le temps ou l’envie de tenir compte de mon avertissement et la voila avec un lourd, très lourd passif devant son juge... Mon patron.
Pierre était blanc comme un linge immaculé, et une fine fleur de sueur tapissait son visage.
- Que va t’il lui arriver ?
- Dieu seul le sait, comme vous dites souvent, encore que dans ce cas il ne soit pas vraiment concerné. A chacun ses brebis et les âmes seront bien gardées.
- Et moi ?
- Pour l’instant, tu hérites de ta sœur, et crois-moi sur parole, tu vas toucher un sacré pactole.
- Mais personne ne connaît notre situation familiale. Nous avons été abandonnés à notre naissance et déclarés sans parents. Nous avons navigué de famille en famille, chacun de notre coté, jusqu’à notre majorité. Ensuite on nous a jetés à la rue. Madeleine a fait le même parcours que moi.
- Rassure-toi, c’est un détail que mon patron sait régler. Tu va recevoir la visite d’un homme de loi qui sera en possession de toutes les pièces nécessaires pour faire valoir tes droits.
- Et après ?
- Nous arrivons au bout. Il te reste huit jours de vie. Tu en profiteras pour faire le bien. Pas question de s’en faire une petite dernière pour la route. D’ailleurs tu as du remarquer que ton hachoir préféré a disparu.
- J’avoue que je n’ai pas le cœur à ça. D’autres soucis trottent dans ma tête et…
- Je sais ! Ne perdons pas de temps. Tu sais je t’aime bien moi, il faudra m’écouter et faire ce que je te dirai. Tu as une chance de gagner ton purgatoire. Ne la laisse pas passer. L’argent qui va te tomber du ciel va chambouler ta vision des choses. Prends garde !
- Le purgatoire ?
- Oui c’est le mieux qui puisse t’arriver, et c’est une sacrée faveur que te fait le Patron. Je pense que c’est rapport à ton père qui nous a débauché un grand nombre de pécheurs. Si tu y auras accès, dis-toi bien que tu pleureras beaucoup... Des larmes de sang. Tu porteras un fardeau aussi lourd que ta conscience et ce n’est pas peu dire. Tu te traîneras sur des sols ingrats. Tu auras faim et soif, froid et chaud, tu demanderas pardon, jour et nuit, personnes ne te répondra. Là-bas, chacun traîne sa croix, encore plus lourde que celle du Christ et pendant plus longtemps. Mais, contrairement à l’Enfer, on en ressort une fois que notre remord a été entendu. Ce jour là, une petite lueur trouera l’obscurité. Tu te dirigeras vers elle comme un naufragé vers une île déserte. Une main douce et fraîche sera tendue vers toi. Si tes regrets sont sincères cette main te sortira du trou et tu retrouveras le soleil. A-tu bien compris mon message ? Je ne le répéterai pas . A bon entendeur salut !
Il s’évanouit dans une obscurité de brume vaseuse. Une forte odeur subsistait. Pierre ne savait pas dire de quoi. Il était secoué et se demandait qu’elle était la part du rêve qu’il venait de vivre. Il en était encore à maudire son imagination, quand on tapa à sa porte.
- Entrez ! dit-il en se demandant quelle bizarrerie allait encore se manifester. Un petit monsieur avec des lunettes rondes, costume bleu et chaussures cirées pénétra dans la chambre :
- Bonjour ! Monsieur Pierre, sans doute ? Toutes mes condoléances, je viens à vous car vous êtes le légataire universel de votre sœur…. Monsieur ! Monsieur ! Vous avez un malaise ? Voulez vous que j’appelle les secours… ?