FANTASME 5

Publié le 15 Juillet 2024

 
Il a mis la main sur la situation. Je ne l’ai pas vu venir, c’est la première fois qu’un homme me prend au dépourvu et il faut que ça soit lui ! L’esprit retors de notre géniteur exsude par tous ses pores, j’ai l’impression d’en subir les remugles.
Madeleine avait du mal à encaisser des événements qui n’avaient pas suivis ses directives. Qui plus est, Pierre n’avait consenti à lui indiquer l’endroit où il avait enfermé ses deux associés qu’au bout de trois jours, ce qui fait qu’elle les a retrouvés dans un état proche de la dernière extrémité. Pendant ce temps son frère filait le parfait amour avec celle qui lui avait promis monts et merveilles. Ses espoirs et ses projets s’éloignaient à tire-d’aile... Dans un sens, à bien y réfléchir, un seul détail a fait capoter le plan. La naïveté de Zig et Puce est seule fautive de ce ratage... Ne devrait-elle pas songer à remanier ses alliances ? Ils l’adorent, c’est un fait, mais leur efficacité laisse à désirer. Face à l’intelligence de Pierre ils n’ont pas existé...
Il fallait prendre les mesures qui s’imposent. L’espérance de vie des deux guignols venait d’en prendre un coup dans l’aile. Madeleine se chargera, elle-même, de régler ce problème. Gérer les manques administratifs faisait partie de ses talents. Elle avait une âme de directrice des ressources humaines. Elle les invitera à un goûter pour qu’ils se remettent de leur épreuve.
 
Contacter Pierre, d’urgence, pour essayer de reprendre la main. Ou plutôt, aller le voir dans son taudis et apporter une bonne bouteille pour entamer une fraternelle réconciliation en mettant tout sur le dos des deux abrutis, qui avaient très mal interprété ses recommandations. Avec un sourire modeste, un petit air de pénitence, et une larme bienvenue au coin de l’œil, qui pourrait résister ?
Pierre se préparait à sortir, quant il reconnut le bruit des talons de sa sœur claquer sur les marches en bois de son escalier. Zut ! Que me veut-elle encore ? Je croyais qu’on avait mis les choses au point une bonne fois pour toute. Il ne faudrait pas qu’elle m’oblige à envisager une solution que j’ai déjà décalée une fois. J’ai horreur de me répéter.
Madeleine tapa à la porte. Habillée modestement, les cheveux retenus par un bandeau bleu bien ordinaire, et pas maquillée, elle était loin de sa présence habituelle.
- Rentre ! La porte est ouverte. Que me vaut le déplaisir de ta présence ? Je pensais que nous avions mit les points sur les I.
- Tu es méchant ! Je viens te demander pardon pour la bêtise dont ont fait preuve les deux ignares qui n’ont rien compris à mes ordres. Tu ne me crois quand même pas capable de te vouloir du mal, j’imagine…? A propos, tu es mon frère et je ne sais pas comment tu gagnes ta vie. Je ne pense pas que tu passes ton temps dans la découpe artistique ?
- Tu a raison ; je suis Thanatopracteur indépendant. Je travaille à mon compte et je choisis mes patients. Si le cœur t’en dit, je veux bien m’occuper de toi. Tu prends rendez-vous, tu payes d’avance et je te garantis un résultat qui dépassera tes espérances. J’adore rendre la vie à des cadavres. Je sais c’est paradoxal mais c’est ainsi.
Madeleine préféra changer de conversation.
- Et avec Anna, tout se passe bien ? Vos projets de mariage prennent forme comme tu le souhaites ? Tu sais, je suis heureuse pour toi. N’oublie pas que c’est à moi que tu dois cette rencontre. Tu pense qu’elle vivra longtemps ?
- Madeleine, j’ai la pénible impression que tu cherches les ennuis. Si tu t’adresses à ton demi-frère je te conseille de l’oublier. Maintenant, si tu t’adresses à l’artiste, tu prends des risques inconsidérés... Sortons ! J’ai besoin de prendre l’air, ta présence me prive de l’oxygène nécessaire à mon équilibre. Tiens ! Asseyons nous à ma terrasse préférée, je pourrais consommer une boisson préparée par quelqu’un d’autre que toi.
- Bravo ! J’applaudis des deux mains avec admiration. La nature est ainsi faite, les loups font des loups. J’apprécie vraiment le spectacle. Ah oui ! Vraiment !
Attablé à coté d’eux, un personnage les regardait avec un grand sourire et semblait se délecter de leur présence. Pierre fronça les sourcils et lui dit, à voix basse :
- Vous préféreriez qu’ils fassent des moutons ? Qui êtes-vous et en quoi nos différends familiaux vous amusent t-ils ?
- Excusez moi. C’est vrai que vous ne me connaissez pas. Par contre, je connais bien votre père et je ne peux m’empêcher de reconnaître ses qualités à travers les vôtres. Bel héritage qu’il vous a légué…
- Celui que vous désignez comme notre père est mort. Vous devez rêver, ou plutôt faire des cauchemars si ce dégénéré hante vos nuits. Consultez donc un médecin, il remettra de l’ordre dans votre tête.
- Nous parlons bien de Monsignori «  je ne sais pas qui » N’est ce pas ? Sa promotion soudaine lui a permis de traîner dans les couloirs dorés du Vatican où il a pu continuer à être lui-même dans toute la splendeur de sa perversité. Je l’adore ! Quel bon client. Savez-vous qu’il brûle d’amour pour vous et qu’il a hâte de réunir ses enfants dans la chaleur d’un doux foyer ?
- Qu’il trouve la chaleur d’un foyer en enfer ! C’est tout ce qu’il mérite, dit Madeleine avec véhémence.
- En enfer ! Voilà le mot juste. En enfer ! On y brûle sans faire de cendres. On y crie son désespoir en étant muet. On voit pleurer les autres sans les entendre. Le temps de la punition passe mais revient sans arrêt au point de départ. Ah l’enfer ! Ça pourrait être le paradis... Mais ça ne l’est pas !
Pierre commençait à trouver le temps long :
- Ou voulez vous en venir ? Et répondez à ma question. Qui êtes vous ?
- Je suis le serviteur de mon maître. Une sorte de chef d’atelier. C’est le premier et dernier avertissement que vous recevrez . Ensuite si vous ne saisissez pas la main tendue, vous serez à mes ordres, pour l’éternité. Votre passage sur terre est déjà bien entamé, j’ai le regret de vous dire que votre prochain voyage sera celui que vous aurez choisi. Vous devriez bien réfléchir au peu de temps qu’il vous reste pour envisager votre futur. Regardez le ciel, les nuages s’amoncellent au dessus de vous et ils ne sont pas blancs.
Pierre et sa sœur levèrent les yeux instinctivement. Quand ils les rabaissèrent ils étaient seuls. Foutaises ! Madeleine n’y croyait pas. Pierre... ???
 
 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Policier

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