MON TOURBILLON

Publié le 19 Juin 2024

 

Les années passées et les questions sans réponses qui sont devenues mon quotidien, m’ont amené à discourir avec mon miroir chaque matin que Dieu me prête vie… Bonjour reflet de mon âme, as-tu bien dormi cette nuit ? En ce qui me concerne, mes espérances pour la journée à venir se sont déjà heurtées aux turbulences qui assiègent mon esprit et ces dernières ont encore remporté la victoire.

Je suis, comme tu le sais, d’une génération qui a connu les chevaux. Ce sont eux qui rythmaient notre existence et nos pieds usaient beaucoup de semelle. Le siècle passé et celui qui vient de naître ont connu et connaissent toujours les tempêtes de nombreuses guerres de pouvoir et de possession. Après une période de paix, trop courte pour être vraie, l’Europe mobilise. D’abord les cerveaux puis l’industrie militaire. Les hommes se préparent à défendre leur pays en attaquant le voisin. Ne dit-on pas que la meilleure des défenses est l’attaque ? Déjà, les états belligérants constatent que les obus et les balles meurtrières ne sont pas assez efficaces et tuent trop lentement pour que la trêve puisse s’imposer faute de combattants. Allons ! Ne désespérons pas. La science viendra à leur secours. L’ingéniosité des hommes à améliorer la nuisance de leurs armes n’est plus à démontrer... La terreur qui a baigné l’existence de nos parents se rapproche de nous à une vitesse qui dévaste tout sur son passage. Des hommes nouveaux s’inspirent des hommes d’hier. La durée de cette paix provisoire leur a permis d’exporter le fracas des explosions et l’enfer qui va avec sur d’autres continents, Afrique, Asie, sans pour autant récolter le fruit malsain de leurs semailles. Nous n’avons plus le temps... Le temps de quoi d’ailleurs ? Bonne question ! Mais quelle réponse lui apporter ? Je ne sais pas. Sauf, peut-être, leur faire comprendre que si les êtres humains ne font plus d’enfants, c’est seulement qu’ils ne veulent plus que des innocents soient jetés dans les tranchées du désespoir pour répondre aux utopies de quelques fous furieux...

L’être humain est devenu un athlète qui court sans arrêt. Après son train ou son bus, après ses ambitions qui, elles, s’envolent emportées par le vent. Ses rêves les plus fous le talonnent mais peinent à le rattraper… Pendant qu’il s’essouffle pour courir à sa perte, les neiges éternelles fondent en silence, les printemps oublient de se réveiller et les automnes ne dorment plus. Quid de l’été et de l’hiver, ils ont carrément disparu. Qui peut jurer qu’il trouvera encore un instant de répit pour s’asseoir sur un carré d’herbe parsemé de fleurs. Les hommes auront-ils toujours le privilège de savourer, en fermant les yeux, le concerto pour piano N°1 de Tchaïkovski ? Et ces oiseaux, qui parcourent chaque année des longs trajets en survolant des continents pour venir enjoliver nos cieux. Reviendront-ils ? Nos enfants auront-ils encore le bonheur de jouir de ces instants de sérénité ? Personnellement, je préfère ignorer cette question. La réponse me fait trop peur.

Figure toi, mon bon miroir, que la guerre des mots s’est inscrite à la liste des calamités qui torturent les peuples. On dit aux gens que la pollution va les empêcher de respirer, que l’eau de nos rivières est empoisonnée par les déchets chimiques de nos usines et que nos terres cultivées ne donnent plus que des légumes contaminés par les pesticides. Alors, vite ! L’industrie internationale s’est dépêchée d’inventer le Bio pour effacer toutes ces misères. Mais qui croire ? Les médias et leurs titres de cinq colonnes à la une destinés à augmenter leur tirage ou notre espérance de vie qui ne cesse de croître malgré toutes ces avanies. Difficile d’envisager la création là, où parait-il, tout se meurt. Doit-on croire toutes ces paroles qui viennent, en désordre, agresser nos oreilles et nos sentiments ?

Que nous reste-t-il ? Les yeux pour pleurer ? Ne soyons pas si pessimistes. Nos jeunes nous disent que nous vivons l’époque de la sacro-sainte communication. Il suffira d’appuyer sur le bouton pour que le dialogue s’établisse entre les peuples. Et qui dit dialogue dit entente et paix. Pourquoi pas ! Rares sont ceux qui n’ont pas leur téléphone à la main. S’ils ne parlent pas ils interrogent l’écran. Il est hors de question de laisser au repos ce merveilleux compagnon qui ne demande qu’à servir... Mais pas à tous… Tu vas comprendre mon cher miroir. Hier en descendant de mon bus, accompagné par d’autres personnes, nous vîmes un homme par terre, inanimé ou endormi, mais tous ont détourné leur regard et personne n’a appuyé sur le bouton. Dieu merci, l’homme s’est ébroué et a pu repartir en titubant vers son destin.

Quand je dis Dieu merci... Je me pose une autre question. Dieu ? Oui ! Mais lequel ? Chaque tribu a créé son totem. Chaque totem a donné naissance à sa religion et celles-ci ont toujours refusé d’admettre que l’on puisse avoir d’autres idées que les leurs. D’où les nombreuses guerres de religion qui ont émaillées les siècles passés. Des hommes se sont auto proclamés : Représentants des Dieux sur terre. A ce titre, ils se sont dépêchés d’édicter des promesses de paradis à ceux qui se prosterneront devant eux et l’enfer le plus terrible aux autres. Il n’était pas exclus que les récalcitrants soient soumis à un avant goût des punitions célestes pour que les fidèles se tiennent respectueusement à leur place. L’Inquisition avait créé le concept et les générations suivantes l’ont amélioré. De nos jours, malheureusement, rien n’a changé. Les ouailles en sont venues aux mains pour des problèmes de langue morte ou vivante. D’autres croyances ont adopté la violence. Tout ce qui n’est pas « Eux »  ne méritant pas de vivre, ils s’appliquent à éliminer ceux qui refusent l’esclavage. Certains font des pieds et des mains pour bénéficier du Feu du ciel. Je laisse à la compréhension de tout un chacun l’interprétation du sens de cette métaphore. Des philosophes écrivent qu’il faut confiner Dieu dans son temple et l’empêcher d’en sortir. Loin de moi l’idée de partager la paternité de ces mots qui à mon humble avis n’amènent rien à rien.

Dans le passé lorsque nous évoquions le futur, celui-ci nous promettait l’espoir de jours meilleurs et la réussite de nos ambitions. Aujourd’hui il nous fait peur. Que nous réservent les temps à venir ? Nous avons la guerre en direct. Les images des villes en ruine, où quelques rares passants essaient de survivre, sont notre quotidien. Les morts sont annoncés comme des scores de football. Une vie ne vaut plus qu’une vie... Rien qu’une vie, et on n’a plus assez de larme pour la pleurer.

Dans les pays en paix les ouvriers font leur guerre. Les machines modernes les repoussent dans leurs derniers retranchements. L’espérance salariale ne dépasse pas souvent, pour les employés, l’âge de quarante ans. Ensuite trop vieux pour être rentables ils deviennent un poids mort et une charge sociale pour l’État. État qui certainement ne tardera pas, un jour, à accorder un départ honorable et sans douleur à ceux qui auront l’élégance de se sentir inutiles…

L’eau ne nous épargne pas. La sécheresse se joint à la guerre pour créer la famine dans des pays écrasés par une canicule mortelle. D’autres régions subissent tellement les orages et les pluies diluviennes que les cultures sont noyées et les endroits de vie dévastés. Le soleil, astre de feu, sème ses flammes sur les forêts que l’homme n’a pas eu le temps de détruire. La planète se plaît à nous rappeler que, tout locataires que nous soyons, nous ne sommes rien. Elle tremble de plus en plus et ses volcans se réveillent en nous crachant au visage leurs torrents de lave incandescente et en polluant les cieux de fumées aussi noires que nos sentiments. Et...

Arrête, miroir mon ami. Ne parle plus ! Que dis-tu ? L’intelligence artificielle ? Par pitié laisse-moi terminer mon existence avec mes souvenirs. L’intelligence des hommes suffit déjà à leur malheur. Pourquoi en rajouter ?

Tiens ! J’y pense. Une petite note optimiste. Hier j’ai pris le Tram. Comme d’habitude, les usagers, visages fermés, pensaient plus à leurs soucis quotidiens qu’au bonheur d’être vivant. A un arrêt, une dame est montée dans la rame avec à la main une de ces petites valises qui servent au transport de nos compagnons à quatre pattes. Un petit miaulement timide et apeuré s’est fait entendre. Tous les passagers ont tourné la tête et un sourire a illuminé leurs yeux. Alors qui sait ? Peut être que...

______________________

 

 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Les concours

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article