FANTASME 3
Publié le 28 Juin 2024
Trois jours ! Trois jours pour réfléchir à la façon de me débarrasser de cette poison qui vient perturber ma vie. Les solutions pour résoudre ce problème ne sont pas foison. La plus évidente est la plus simple. La couper en morceaux et en garnir les poubelles de la ville, la nuit, avant le ramassage du matin. Ni vu ni connu, et le tour est joué. Sinon, adhérer à son projet et en tirer profit, à condition qu’elle n’ai pas une idée égoïste me concernant. Je ne la crois pas capable d’avoir les mêmes dons de découpage artistique qui sont les miens. Mais je la crois apte à échafauder un plan judicieux, bien préparé, qu’elle mettrait en pratique avec l’aide de ses deux sbires. Il faut dire que six fois veuve en si peu de temps sans être inquiétée, ça force le respect... La frangine a du répondant, il convient de la prendre au sérieux, d’autant plus que je ne la vois pas partager quoi que ce soit...Elle a dû trouver une solution pour m’éliminer et garder tout le magot... Méfiance. La voilà ! J’entends le bruit de ses talons dans l’escalier. Bizarre, on dirait qu’elle est seule... Sans ses deux chéris... Gonflée la Madeleine, venir chez moi en talons, bas de soie, robe moulante et parfumée, je dois lui reconnaître un certain cran. Il faut que je me calme, ça frétille un peu trop dans mes neurones.
- Entre ! La porte n’est pas fermée. Je te signale que la réparation m’a coûté un bras. Je verrais d’un assez bon œil que tes deux bâtards me la remboursent.
- Bonjour mon frérot adoré, je viens à toi la paix dans l’âme et tu me parles d’argent ? C’est vilain ! Tu pourrais faire un effort d’amabilité. Garde ton calme, et accorde-moi un sourire... Tu ne m’offres rien ?
- Je mange très peu et je ne bois que de l’eau. Si le cœur t’en dit, le robinet est sur le palier, en sortant à droite. Quand au sourire je ne l’accorde qu’à celles qui n’en demanderont pas un deuxième.
- Sur le palier ? Dehors de chez toi ? Le robinet du personnel de ménage ? Ton sourire je peux m’en passer... j’aimerais tellement qu’un sentiment familial anime nos rencontres... Mais bon !
- Je ne partage pas mon eau avec n’importe qui. Quand je te vois, un réflexe d’auto défense s’empare de moi et ma main s’égare vers la feuille de boucher, bien aiguisée, qui m’accompagne toujours lors de mes promenades, le soir, à travers la ville... Et il faut reconnaître que tu m’inspires de plus en plus. Je ne sais si…
- Ferme-là ! Ne crois surtout pas que je n’ai pas réfléchi à la question. Il serait dans ton intérêt que j’oublie les broutilles qui encombrent ton parcours. Tu ne crois pas ?
- Dés que je t’ai vue j’ai su que tu savais parler aux hommes. Mais j’ai, moi, une façon de parler aux femmes qui ne souffre aucune contradiction.
- A partir d’aujourd’hui, il te faudra souffrir mes idées. Je te rappelle que nous sommes en affaire tous les deux et j’ai horreur de perdre mon temps.
- Je n’ai pas dit oui !
- Tu n’es pas en mesure de dire non ! Alors avançons nos pions pour abréger les discussions stériles. J’ai un plan à te proposer. D’ailleurs mes deux amis sont déjà à pied d’œuvre. Ils surveillent celle qui va te permettre de donner cours à tes talents. Talents reconnus par de nombreuses polices, qui, dois-je le rappeler, aimeraient beaucoup féliciter l’artiste…
- J’imagine que tu es pressée ?
- Bingo ! Ce soir ça serrait parfait.
- Ce soir ? Tu crois que je suis un vulgaire assassin qui n’obéit qu’à des pulsions nauséabondes ? Non, je suis un intellectuel de la chose, j’aime faire connaissance avec celle qui va permettre à mes dons artistiques de s’exprimer. J’ai besoin de respecter celle que je vois souffrir, lui promettre que je vais mettre fin à ses souffrances intolérables alors que je ne le ferai pas. Tout est question de patience et…
- Bon ! Ruelle des pas perdus, deux lampadaires donnent une faible lumière. Tu pourras l’aborder et faire semblant de t’être égaré. Tu verras elle est très sympathique et serviable. Elle se promène tous les soirs dans ce quartier alors que je l’ai mise en garde contre les mauvaises rencontres. Tu vas me donner raison. Surtout ne change rien à ta façon de faire. Je ne veux pas que mon héritage me passe sous le nez. Mes deux petits chéris qui ne seront pas loin me feront un rapport détaillé de ta prestation… vingt deux heures me paraît être le meilleur moment pour opérer. A demain, mon Pierrot. Je suis déjà fière de toi.
Madeleine quitta la mansarde avec l’entrain des personnes qui viennent de réaliser une bonne affaire. Ses talons s’éloignaient en claquant de moins en moins fort sur les vieilles marches de cette masure.
Pierre commença à élaborer un plan pour mettre fin à cette galère. Primo, repérer les deux veaux sensés surveiller l’opération. Les tuer, proprement et s’en débarrasser dans un coin de la ruelle. Ensuite attendre que la frangine vienne aux nouvelles. Elle ne pourra pas résister au besoin de savoir en l’absence de réaction de ses deux gorilles. Et là ! C’est moi qui vais lui expliquer dans quel bordel elle s’est mise. Je ne tue que par plaisir ou par nécessité, jamais sur ordre. Je suis un artisan pas un industriel. Elle va l’apprendre à ses dépends. Ça lui apprendra à venir embêter la famille.
Pendant ce temps, Madeleine téléphonait à sa garde rapprochée :
- Laissez-le faire son travail jusqu’au bout. N’intervenez que quand il aura commencé à semer les morceaux un peu de partout. Si je suis contente de vous, je vous offrirai un bon repas dans un restaurant réputé. Allez mes petits loups, je vous fais confiance.