Au Futur Imparfait
Publié le 19 Juin 2024
Le monde c’est notre jouet cassé.
Du sud au nord, quelque soit l’hémisphère, des fêlures apparaissent, des failles persistent et perdurent. Sa restitution à l’état initial vouée à l’échec tourne en rond au fond d’une impasse sombre et immobile. Les anciens palais, garants des promesses d’autrefois menacent de s’effondrer.
Nous ne respirons plus que de la fumée. La pollution est en nous et tout autour de nous. Maladies et catastrophes naturelles nous murmurent combien nous sommes faillibles et fragiles.
Nos métropoles avancent, s’accroissent démesurément grignotant miettes par miettes une nature de plus en plus agonisante. La forêt perd chaque jours son souffle primaire, sa faune et sa flore apprend le sens des mots « vivre sur le qui-vive » au futur et au plus que parfait. Les ruisseaux, rivières et fleuves ne retrouvent plus leurs lits paisibles. Même l’Océan finit par avoir un goût amer.
L’innocence n’est plus qu’une utopie. On assiste impuissant à l’avènement de la colère.
Depuis les dunes de certains déserts d’Orient, près de certaines Cités où jadis des récits oniriques se contaient la nuit par milliers, d’étranges guerriers, revisitent à leur manière des versets de livres sacrés. Propulsés par cette relecture bancale, ils surgissent tour à tour dans nos ruelles pour y accomplir de funestes desseins. Paix et Amour ne sont plus que des mots posés avec nostalgie sur les cases « mot compte triple » d’un jeu de scrabble.
Des guerres cessent, d’autres reprennent, à quelques vols d’oiseaux de notre frontière. L’insécurité stagne au-dessus des toits de nos maisons. Nos gouvernants, aussi fantasques qu’inconstants, un nez de clown en forme de bouton tout rouge au milieu du visage, prêt à s’activer, pourraient sans vergogne, anéantir tout espoirs d’allégresse, rendre précaire notre futur, sans sourciller.
Nous vivons dans des villes surpeuplées pourtant nous nous enfermons prisonniers volontaires entre les quatre murs de briques numériques de nos écrans grillagés de pixels. On nous dévoile le sol martien à 220 millions de kms, alors qu’on ignore tout de la vie qui s’anime en silence derrière les parois en papier peint du foyer d’à côté. On s’englue dans la solitude la plus total, des œillères en voile gris béton , en guise de paupières.
Nos chaînes infos rabâchent en boucles les mêmes sujets anxiogènes.
On passe de la famine au foot à la vitesse de l’éclair sans génie d’un cheval au galop.
De nouvelles technologiques apparaissent et nous dépassent. On n’en arrive plus à discerner le vrai du faux. Les valeurs ancestrales, entraide, politesse, respect, partage doivent se frayer la meilleure route possible au travers de chemins jonchés de ronces en fils de fer barbelés.
L’humour et l’amour s’adonnent à une sarabande hasardeuse sur le fil d’un rasoir censeur et vertueux : Rire ou jouir une entreprise périlleuse et téméraire.
Pour le Féminin, Masculin, c’est la confusion des genres la plus total. Homme, femme, mari, épouse, père, mère, On en arrive à ne plus savoir qui est qui, qui fait quoi, tout s’entremêle. Pire que les baguettes d’un mikado.
Je pourrais continuer de m’exprimer sur notre société en mouvance perpétuelle. D’en faire une analyse personnelle, d’en extraire un sujet bien distinct qui pourrait me passionner ou inquiéter. Mais voilà, le projet est trop vaste. Soit je parle de tout, soit je parle de rien.
Depuis mon arrivé, il y a déjà presque soixante années, ce monde je l’ai accepté tel qu’il est, de la même manière qu’il m’ a accueilli je ne suis que son invité. Nous le sommes tous.
De toute manière je ne peux pas faire autrement, c’est le seul que je connaisse. Certes tout n’est pas parfait, des raccords, des ratures à gommer. Je ne sais pas pour ma part comment y parvenir mais c’est une entreprise à la fois personnelle et aussi collective. Je n’émets aucune accusation, je ne propose aucune solution. A partir de ma présence, de celle de toutes et tous, il est de notre devoir d’y remédier. Ne serais ce qu’emboîter sur le champ deux petites briques de lego, c’est déjà le début d’un projet.
Ce monde, il n’en est pas à son premier changement d’ères, il ne va pas flancher tout à coup. Il sera encore là dans des milliers d’années alors que nous ne serons que de la poussière fossilisée quelques part sous une couche de glaise je l’espère décontaminée.
Je reste lucide et serein, pas mal de voyants frisent le rouge
Ne nous laissons pas envahir par la peur face à cette morosité ambiante. Elle existe, c’est vrai.
Tout semble sans issue; pourtant; si on se pose, si on débranche nos téléviseurs, si on marche un peu, que l’on quitte les contreforts de nos avenues bruyantes, on parvient facilement à retrouver quelque de simple, naturel, essentiel. Quelque chose d' utile.
Quelque chose qui nous apprend que finalement tout n’est pas perdu. Que c’est l’époque qui veut ça ! Que tout va se remettre dans le bon sens de la marche.
Il suffit de trouver, un petit coin de verdure, d’ôter ses chaussures, se remettre à marcher pieds nus dans l’herbe, en laissant les pâquerettes nous chatouiller la voute plantaire. Marcher pieds nus à même le sol, c' est comme s' endormir sur un ventre de femme. C'est dépourvu de tout artifice, c'est naturel, c'est brut ; presque primaire.
Parce que notre Monde c’est ça aussi. Et souvent, surtout en ce moment, on l’oublie.
Nous sommes pétris dans la même glaise, celle de la vraie humanité.
Je suis convaincu qu’au fond du plus grand nombre d’entre nous repose, prête à surgir la nécessité véritable de bâtir la meilleure vie qui soit. Celle pour laquelle, il y a des millions ( que dis-je!!) des milliards d'années, une étincelle s' est posée sur notre planète.
Le monde que l' on côtoie, nous intime de déposer les armes, de ne plus continuer, crie que nous sommes des fous, mais il ne nous connaît pas.
Certes, il m' est arrivé comme beaucoup d' encaisser des coups âpres, mes genoux en gardent des traces de terre, dans le coin de mes yeux, des cicatrices subsistent encore pour en témoigner. Malgré tout ça, je suis debout. Cet héritage nous permet aujourd’hui d' en apprécier la richesse, nous sommes férocement en vie. Ne perturbons plus notre élan. Il y a tant encore à inventer, pour rire, pleurer.
Montons plus haut, au-delà des limites que parfois, stupidement on dresse autour de soi.
Notre présent entrouvre les portes du futur, qu' y a-t-il derrière, je n' en sais rien.
Des victoires sur des époques anciennes, sur des gens qui nous raillent souvent.
Leurs cendres s' évanouiront dans l' aspiration de l' oubli, dispersées par les orages.
Nous, notre légende se prolongera dans l' avenir. La colère, l' amertume, la vengeance, c' est du temps perdu. Enjambons-les...
Où tout commence ? Où tout finit ? Jusqu' où pourrons nous aller ? Ces questions, on se les posera à chaque seconde de notre trajectoire. Et juste pour en acquérir la réponse, tout vaudra la peine d' être vécu, en totalité. Battons-nous. L' unique arme que l' on possède est une indestructible croyance en nos aptitudes humaines.
On cherche souvent très loin un bonheur qui trône juste devant nous, sous nos yeux, à la périphérie immédiate de bout de nos doigts... si près de soi.
Une autre planète, un autre monde existe; pas à des millions d' années-lumière, ni de l' autre côté de l' univers. Bien plus proche que ça, elle gravite ici, où je pose à présent ma main, dans notre cœur. Elle y tourne depuis tout ce temps. Et elle continuera tant que l’ on cherchera après elle. Devenons en les rois, peuplons là de nos aspirations les plus intenses. Édifions des jours de gloire à notre échelle.
Chaque minute que nous illuminerons, chaque lune et crépuscule que nous survolerons, amènera une clarté en nous. Elle nous faudra nous émouvoir et propulser en l' air nos promesses à venir. Dépassons nos propres prières. Devenons immortels. Aimons-nous et aimons tout, tout autour de nous.
Apprenons que le plus fabuleux des rêves, c' est celui qu’ on ne réalise jamais.
Parce qu’ il vivra en nous éternellement et à la fin on l' emportera avec soi.
Laissons pour ceux qui viendront une nature qui résiste aux tempêtes et aux guerres.
Laissons sur le sable les plus belles traces de nos pas. Elles attesteront de notre passage, de notre existence. Elles chanteront qu' un jour nous avons été, et sommes restés :
VIVANTS
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