VISIONS
Publié le 2 Mai 2024
Je l’ai vue, je le vois et je le verrais éternellement. Ce personnage fait partie de moi même et me suit comme mon ombre. Il ne parle jamais, pourtant sa présence est palpable et son silence est criant. Il essaie parfois de fabriquer des mots d’amour, il en ressent le besoin mais il n’a pas les outils nécessaires. S’il insiste dans cette voie il faudra qu’il les modèle à mains nues. Ses doigts pétriront ses sentiments comme un boulanger qui prépare sa pâte à pain avec soin. Saura-t-il le faire ?
Sortis du four, les uns après les autres, il laissera les mots tiédir, parce que la passion dévore celui qui ne sait pas la tenir en laisse. Apprendra-t-il à les dire ? Avec ses lèvres, avec ses yeux et rajouter le cœur pour habiller ses sentiments d’un paquet cadeau ?
Des lèvres le plus souvent closes, ne laissant pas voir des dents habituées à mordre et à déchirer la nourriture plutôt qu’à la déguster. Des yeux qui, tels des fontaines, ruissellent de larmes à la vue de leur entourage et de frustration pour tout ce qu’ils ne voient pas. Et le cœur ? Avec tout ça ? Il bat par habitude, plus pour lui que pour les autres. Même ce organe de vie peut être un muscle égoïste. Il a un rôle à jouer et l’amour ne fait pas partie de ses priorités.
La tête penchée, ce personnage regarde le ciel en l’implorant, mais celui-ci le refuse, son heure n’est pas, tout à fait, venue. Il se perdrait, en cours de route, car aucun phare n’éclairerait son chemin et il errerait sans fin et sans but dans les méandres de l’infinie.
Il tend ses bras vers les nuages. Il les appelle. Il donne l’image d’un arbre décharné, frappé par la foudre. Ses branches privées de feuilles, de fruits et de fleurs essaient d’attraper un bout de ciel, mais ses efforts sont vains. Il va s’écrouler, ses forces l’abandonnent. Le verre du miroir qui raconte ma vie se fend.
Je perd la vue, au loin on m’appelle. Une force irrésistible m’attire. J’ai le temps de voir le miroir se briser… Et la lumière s’éteint.
Tout vient à qui sait attendre.