Un atelier d'écriture, des thèmes variés, les textes des membres de l'atelier.
ERINE
Publié le 20 Mai 2024
Lagune de Burano de Dominique ZOLADZ
Érine se promenait perdue dans ses pensées. À cette heure matinale, l’air était doux, le ciel blafard et le calme, olympien. Arrivée à l’embarcadère pour Murano, elle s’arrêta, figée, le regard rivé sur la lagune. Sa frêle silhouette faisait penser à une photo de David Hamilton. Sa chevelure tombait en boucles brunes sur ses épaules légèrement dénudées. Ses grands yeux, d’un bleu profond, contrastaient avec la pâleur de son visage. Sa robe de soie, rose saumon, frissonnait faiblement au grès d’une légère brise. Dans sa tenue affriolante, elle resplendissait. De fines vaguelettes heurtaient la coque des gondoles amarrées à leur Duc D’Albe. Tandis que le cri strident d’un goéland, déchirait le silence, Érine restait là, inerte, bercée par le clapotis de l’eau.
Une journée qui commençait tristement, une de celles qui met du vague à l’âme et extirpe inexorablement des émotions volontairement enfouies. Il n’en fallait pas plus pour, qu’inconsciemment, la voix de Charles Aznavour lui murmure « que c’est triste Venise … ». Des paroles envahissantes qu’elle s’efforçait de chasser. Son immobilité en disait long sur son état d’âme. Dans sa main crispée, une lettre. Lue et relue maintes fois, elle aurait pu la récitait sans hésitation. En songeant à Harold, Érine était au bord des larmes. Elle l’aimait tant.
Comment pourrais-je t’oublier ?
Ville de toutes les passions, dans la cité des doges, l’amour n’est-il pas roi ? Ce week-end romantique, ils en avaient rêvé. Malheureusement la donne a changé ?
Il reviendra peut-être, sûrement même.
Elle voulait y croire et, viscéralement, elle essayait de s’en persuader.
Résiliente et d’un optimisme inébranlable, Érine rejetait l’idée de se laisser glisser, elle savait qu’un jour il retournerait. S’imaginant blottie dans ses bras, elle sentait déjà son étreinte et ses doux baisers. Les souvenirs se bousculaient. Elle revivait leurs instants magiques. Main dans la main, yeux dans les yeux, le temps des promesses était toujours là, omniprésent….
Courage, il ne pourrait pas en être autrement !
Soudain, un sourire illumina sa frimousse juvénile. Bien décidée à rejeter toute pensée négative, elle reprit sa flânerie d’un pas assuré en quête d’un jour meilleur.