Le village

Publié le 21 Février 2024

 

Le soir venu, leur substantiel repas terminé, les berbères se réunissaient près des tentes pour la veillée. Les soignants s'installaient avec eux. Ils avaient tous trouvé un langage commun : mi- français, mi- arabe, mi- anglais. Saïd s'installait avec son infirmière. Il adorait lui racontait la vie du village.

"Tu regardes mon village dans ta tête? Il est couleur ocre comme la terre. La terre qui sent si bon. J'adore la faire couler entre mes doigts. Tu vois des tours, des maisons, des petites et des grandes, de toutes les tailles comme dans une grande famille de frères et sœurs. Au loin, le minaret, c'est lui le chef : on se tourne vers lui tous les soirs avant le coucher du soleil.
Lorsque tu y pénètres, tu es vite dans un labyrinthe. Promène-toi, n'aie pas peur. Les portes sont souvent ouvertes. Invitation permanente à y entrer, à partager un thé, un pain, un repas. Nous sommes les rois de l'hospitalité. Là, une femme accroupie avec sa robe colorée. Avec son pilon, elle écrase les épices. Le son en résonne dans toute la vallée. Une odeur forte et agréable s'en échappe. Elle te regarde avec ses yeux de biche bordés de khôl et te sourit.
Plus loin, des jeunes filles rient aux éclats avec des bambins à peau mate et aux cheveux bouclés. Tendres enfants ! Là-bas, le four en pierre chauffe. Les pains y sont déposés sur les parois. Avec une pelle, un homme le ressort cuit et doré. Et toujours cette odeur ! Il t'en fait goûter ; une texture tendre qui te fond dans la bouche.
Vois en haut, sur les tours, les cigognes sont là. Leurs nids de paille débordent. Toutes blanches, elles sont les reines du village et te toisent de là-haut.
Là, la mosquée, c'est l'heure de la prière. Les babouches sont déposées à l'entrée. On voit les pieds nus des hommes courbés, puis relevés avec leurs mains dressées, puis debout. Une gymnastique de foi inébranlable.
Et la médina. La marchandise dégouline des rayons, des caftans, des ceintures, des pots, des bijoux ça crie, ça marchande. Chacun vante ses produits. Plus loin, le marché. Les morceaux de viande pendent, les fruits et légumes sont savamment rangés et attirent l'œil. Le marchand ouvre pour toi la pastèque, le melon pour t'y faire goûter. Le liquide sucré coule dans ta bouche et te rafraîchit.
Jolie infirmière, quand il se sera reconstruit, tu reviendras. Tu rentreras dans le hammam avec les femmes. Je mettrai de côté pour toi le plus beau des riads, ma gazelle. Il est beau mon village. Il me manque."
 

Rédigé par Ghislaine

Publié dans #Ecrire sur des photos

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