Le masque
Publié le 16 Février 2024
Intriguée par les raisons qui ont pu motiver à conserver ces photos aussi longtemps, je poursuis mes recherches. Sur l’étagère, juste derrière moi, un carton, plus volumineux, sur lequel on peut lire « ne pas toucher ». Bien évidemment je suis troublée mais surtout curieuse. Après tout je suis seule, allons y. Et me voilà debout sur une chaise brinquebalante les bras en l’air essayant de braver l’interdit. Visiblement perché bien plus haut que ce que je ne pensais, j’ai du mal à atteindre le colis. Je me hisse sur la pointe des pieds en étirant mon bras à en faire craquer mes os. Mes doigts gesticulent nerveusement dans tous les sens, cherchant un angle d’attaque pour le faire basculer. Quand j’arrive enfin à l’empoigner, des effluves de poussière ancienne me chatouillent les narines et me font éternuer. Sûrement emballé depuis le siècle dernier ! A l’intérieur, quelques petits paquets soigneusement enveloppés d’un papier de soie. D’une main j’entrouvre fébrilement le premier et, sous le bruissement soyeux de l’emballage, l’objet se dévoile.
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Un masque ! Bizarre ! Aurait-il un lien quelconque avec l’un des deux films ou serait-ce seulement le souvenir d’un voyage lointain ? J’effleure ce mystérieux visage aux contours vieillis par le temps. Un ovale presque parfait qui semble raconter une histoire vécue. Je m’approche comme s’il devait me susurrer quelques secrets. Je savoure cette découverte et je me surprends à caresser ce visage orné d’éclats de céramique vernis disposés en quinconce. Cette mosaïque, qui évoque les créations artistiques du parc GUËL à Barcelone, me fascine. Diapré de vert et de jaune en contrastes, ces couleurs reflètent l’intensité de la lumière naturelle. Au travers de ses yeux béants, surlignés de sourcils affinés, je perçois une certaine tristesse.
Mon index frôle l’arrête de ce nez aquilin paré de deux demi-sphères qui lui confèrent un modelé plus harmonieux. Son sourire, figé, me téléporte à Rome devant la « Bocca della Verità », masque de marbre qui trône dans le pronaos de la Basilique de Santa Maria in Cosmedin depuis 1632. Selon la légende cette bouche pouvait mordre la main des menteurs !
Je me souviens de mon hésitation avant d’y insérer craintivement la mienne et le frisson ressenti le long de mon échine, j’en trésaille encore. Les images de mon escapade romaine défilent lorsque, perdue dans mes pensées, je discerne soudain le faible cliquetis d’une clé dans la serrure. Je sursaute au grincement de la porte qui s’ouvre et, d’un bond, je m’active pour éclipser toute trace de mon infraction. L’aventure se termine mais, ce n’est que partie remise, il me faudra poursuivre mes investigations rocambolesques.