LE DEPART

Publié le 3 Février 2024

 
17 h 02 ! Une gare assourdissante !
 
Mon train s’apprête à partir et quand Olga rentrera chez nous, je serais déjà très loin.
Très loin de cette ville, très loin d’elle, très loin de tout. Rester, je ne le pouvais plus.
 
 
Cela faisait des jours, des semaines, des mois que ce besoin de retrouver une destination inconnue me malmenait l’esprit : je n’en dormais plus.
 
17 h 06 ! Nouvelle annonce dans les hauts parleurs pour un départ imminent.
Au même instant, à quelques minutes de là, Olga arrive devant notre immeuble en fouillant dans son sac à la recherche de son trousseau de clés. Elle imagine sans doute nos retrouvailles quotidiennes de son retour de travail. Mais une fois la porte d’entrée passée, ce sera un appartement vide et silencieux qui l’attendra.
 
17 h 08 ! Je me cale au fond de mon siège en skaï, ma joue collée sur la vitre froide et terne de mon wagon.
Je me cache à la vue de tous ces anonymes qui partagent mon voyage. Et le convoi donne un premier à-coup, un deuxième et la marche amorce son mouvement lancinant.
Je commence une autre étape dans mon existence, qui s’apparente, j’en conviens, à une sorte de fuite, mais rester devenait compliqué, comme dans cette chanson qui dit que partir c’est laisser un peu de son âme, partir c’est laisser un peu de son cœur, partir c’est quitter une femme. Ça me ressemble étrangement.
 
18 h 12 ! On a déjà dépassé les limites de la métropole et ses frontières limitrophes. On roule à grande vitesse et le paysage défile en un ruban multicolore et abstrait. Parfois, à l’approche de certaines agglomérations, il ralentit et je distingue des habitations aux pièces éclairées, ainsi que les silhouettes furtives qui les peuplent. Je me mets alors à imaginer les histoires qu’elles détiennent, la trame qu’elles vivent. Ces personnes sont-elles heureuses ?
Dans la poche intérieure de mon blouson, mon téléphone vibre de nouveau. Je sais que c’est elle. Pour l’instant, je ne pourrais pas, je ne saurais pas trouver les mots justes pour mon départ et ma présence dans ce train. Je sais que je me montre injuste envers elle, elle n’y est pour rien, car tout est de ma faute. Comment pourrais-je lui expliquer que je la quitte alors que je l’aime, que je pars malgré tout cet amour.
Oui, je pourrais la rassurer, lui dire que c’est juste un mauvais moment que je vais revenir. Juste la nécessité de retrouver le fil de mon histoire, tout ce qui nous réunit, elle et moi depuis tout ce temps. J’ai paumé quelque chose, je ne sais pas où, ni quand, et c’est pour cela que je m’éloigne de plus en plus, avec ce train, ce destin, projeté sur cette trajectoire en diagonale.
 
18 h 35, il est temps de dormir un peu.

 

Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ecrire sur des photos

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