Un atelier d'écriture, des thèmes variés, les textes des membres de l'atelier.
JOSIANE
Publié le 14 Février 2024
Intrigue aux studios de la Victorine
Le ciel était zébré d’éclairs, une pluie fine, intense, assombrit ce lieu mythique du cinéma français. Les studios de la Victorine de Nice vont retrouver leur éclat d’antan. Malgré l’immense chantier, en ce lundi de janvier, une grande effervescence règne sur les plateaux de tournage d’une série policière.
Toutes les équipes s’affairent pour les dernières mises au point. Le décor est en place, le son est réglé, juste un problème pour l’ajustement des lumières.
Olivier doit se contenter d’une loge rudimentaire aménagée dans un des couloirs, mais il reste imperturbable. Acteur connu et adulé par les femmes, il déclame son texte à haute voix devant un miroir afin de couvrir la rumeur chargée d’invectives qui pourrait le déconcentrer.
Soudain, on frappe à la porte. Merde ! On ne peut jamais être tranquille.
Visiblement contrarié, il hurle :
- Entrez ! Ah ! C’est vous Cindy ! dit-il en radoucissant le ton. Une petite beauté avant les sunlights ?
Intimidée par la prestance d’Olivier, elle s’empresse de s’occuper de sa chevelure bouclée.
Ce dernier laisse vagabonder son esprit. Il finit par s’emporter sur ces ploucs de scénaristes qui intègrent une scène d’étreinte ponctuée d’un baiser dans un film d’action…
- S’il vous plaît Monsieur, cessez de vous agiter, je vais finir par vous couper.
A ce moment là, un brouhaha étrange s’intensifie, le haut parleur retentit :
- Qui êtes-vous ? Que faites-vous sur le plateau ? C’est interdit !
Olivier regarde la scène. Dans la pénombre il a juste le temps de voir une homme vêtu d’un imperméable et d’un chapeau,
Découverte d'un corps
L’orage a plongé les studios, dans le noir, durant quelques instants. Quand la lumière réapparaît, l’ambiance est lugubre, le silence pesant et glacial. Toute la troupe est réunie autour d’Olivier, l’acteur principal de la série.
Le producteur, est là aussi, visiblement contrarié. L’inconnu au chapeau se présente d’une voix calme, mais sonore. Il tient dans sa main droite, une plaque qui brille sous les projecteurs.
- Commissaire divisionnaire Marc Fontaine.
C’est une blague, avec sa gueule et son pardessus trempé, il a plutôt l’air d’un naufragé des cavaliers de l’apocalypse…
Olivier déchante, quand l’homme qui s’avance, annonce froidement la raison de sa présence.
- J’ai été contacté par le chef d’entreprise du chantier. La destruction d’un mur, au premier étage, a suscité une vive émotion, un corps a été découvert. Les travaux sont arrêtés, le tournage également.
Restez tous à notre disposition.
La stupéfaction se lit sur tous les visages.
Quelques minutes plus tard, sirènes hurlantes, un renfort de police arrive. Un cordon de sécurité se met en place, pour faciliter les investigations.
Une jeune femme, une mallette à la main s’entretient avec le commissaire. Olivier éprouve un choc, il la reconnaît.
Toujours aussi attirante ! Aura-t-elle fait des progrès ? Elle était jeune et inexpérimentée.
Lors d’une affaire interne, elle avait osé m’imposer un test ADN, jugé pourtant inutile. J’avais fini par accepter, faiblesse de l’homme devant la beauté féminine !
Cette pensée amuse Olivier, il avait été, longtemps, la risée de ses collègues.
Vingt ans se sont écoulés. A l’époque, il était inspecteur à la brigade criminelle de Versailles. Il avait intégré la section terroriste, avant de mettre un point final à sa carrière dans la police, pour devenir acteur.
Leurs regards se croisent. Une flamme illumine le visage de Sophie !
Tu t’imagines que je ne t’ai pas reconnu ! Salut beau mec, nul besoin de tes conseils « Trésor » tu n’es plus mon supérieur !...
Elle tourne les talons, s’empresse d’aller sur la scène de crime accompagné du Procureur de la République qui vient d’arriver.
Un Étrange Sac Vert
Sans chapeau, ni imperméable, le commissaire a une certaine prestance. Grand, la cinquantaine, barbe naissante, il s’approche d’Olivier, la mine détendue. Il connaît la notoriété de cet ancien collègue aux multiples talents. Une chaleureuse poignée de mains scelle leur complicité, ils se dirigent ensemble vers la scène de crime.
La médecin légiste, agenouillée, examine avec soin le corps emmuré, déposé dans un coffre en bois vermoulu. Il a été enveloppé sous plusieurs couches de vêtements et d’une couverture délavée, mitée, qui semble vivante.
De sa main gantée Sophie la soulève avec précaution, la surprise est totale ! Une nuée de mouches et de larves sortent d’un objet vert amande au fermoir cassé.
Olivier assiste à la scène, imperturbable. Il connaît bien ces insectes nécrophages qui vivent dans l’humidité d’un cadavre.
Étrange découverte que ce sac rigide, relié à une longue bandoulière festonnée. Le métal coloré est piqueté de rouille, plus visible sur les feuilles ciselées des côtés. Le dessin d’une image champêtre, peint sur une face, est intact. Il séduit par la magnificence d’un coq, à la crête rouge, aux barbillons charnus, aux ergots pointus.
Son plumage aux couleurs chatoyantes est terminé par une queue en panache de plumes.
Entourée de massifs fleuris, dame tortue fait une pose. Sa lourde carapace verte est en parfaite harmonie avec la nature, elle paraît éblouie par cet écrin de verdure.
Le technicien de scène range, avec soin, cet objet inattendu dans un grand sachet scellé qui rejoindra les autres indices prélevés sur le lieu.
S’adressant au Commissaire, Olivier se permet de donner, à voix haute, son avis sur le corps en état de putréfaction :
- Sans nul doute il s’agit d’une jeune femme !
Sophie se retourne vers lui, le regard haineux et répond :
- Nous ne sommes pas sur un plateau de tournage Monsieur ! Veuillez vous taire afin de ne pas perturber mon travail.
« Elle sait pertinemment qu’il a raison »
Un silence s’installe.
Les premières constatations sont évidentes. Elles laissent supposer que la victime a subi un violent traumatisme, l’effet du temps la rendue méconnaissable. La mort est suspecte, Sophie ordonne l’évacuation du corps vers l’Institut Médico Légal pour y pratiquer une autopsie.
L’enquête du commissaire s’annonce difficile, il n’est pas au bout de ses surprises.