LA NAISSANCE

Publié le 23 Février 2024

Le premier jour
Dimanche 4 Février. Il est dix-huit heures. Adeline, allongée sur son lit d’hôpital, rencontre pour la première fois celui qu’elle vient de mettre au monde. L’infirmière vient de le déposer entre ses bras avant de se retirer sur la pointe des pieds. Adeline n’arrive pas à le regarder, pas encore. Elle est épuisée par tous les efforts qu’elle a dû fournir et pour l’instant elle n’a qu’une envie : dormir. Mais ce petit être qui repose sur elle ne l’entend pas ainsi. Il hurle depuis qu’il est arrivé. Adeline ne sait pas ce qu’elle doit faire pour le consoler. Elle se sent seule, abandonnée. Si au moins quelqu’un était là pour la conseiller, l’aider, l’entourer. On lui avait toujours dit que la naissance d’un enfant était la plus belle chose au monde. Mais se retrouver là, toute seule avec cet enfant dans les bras, est une émotion trop forte pour elle et elle ne peut pas empêcher ses larmes de couler. Mais peu à peu elle retrouve son calme et réalise alors que son bébé a cessé de pleurer. Il s’est finalement endormi, sa petite main agrippée à la sienne. Adeline est bouleversée ! Elle se penche en avant et le regarde pour la première fois …

La décision

La nuit a été longue. Adeline n’a pas bien dormi et elle est épuisée. Son bébé est encore à la nursery et elle se sent bien seule dans cette chambre vide-A-t-il bien dormi ? A-t-il pleuré ?-A-t-il eu besoin de moi ?- On frappe doucement à la porte et l’infirmière de la veille entre dans la pièce. Elle demande à Adeline si elle va bien et lui donne les médicaments dont elle a besoin. Puis elle l’aide à s’asseoir confortablement. Adeline est un peu perdue devant tant de sollicitude-Pourquoi tant de gentillesse ? Je ne le mérite pas-Elle n’ose même pas demander des nouvelles de son fils même si elle en meurt d’envie.

L’infirmière vient s’asseoir sur le bord du lit. Elle lui demande si elle a réfléchi et si elle a pris une décision concernant son bébé. Adeline ne répond pas. -Pas encore. Souffler un peu juste un peu.-Mais de nouveau l’émotion la submerge et elle éclate en sanglots.

L’infirmière est bouleversée.-Quelle détresse ! Si jeune et si seule.-Elle prend Adeline dans ses bras et la berce comme on le ferait pour un enfant. Peu à peu le calme revient. Adeline désire une seule chose maintenant : voir son fils encore une fois.

La vespa mystérieuse

Adeline a mieux dormi et elle se sent calme et reposée. Allongée sur son lit, elle se repose. De temps à autre, elle se penche sur le berceau placé à côté d’elle. Son bébé est très sage aujourd’hui : il dort les poings fermés et il semble sourire dans son sommeil. Elle le trouve si beau avec ses cheveux noirs et soyeux et son petit nez retroussé. Pour le moment elle ne pense à rien. Elle veut juste profiter de ces moments rien que tous les deux. Il sera bien temps de réfléchir dans les jours à venir.
Pour se dégourdir un peu les jambes elle décide de se lever et s’approche de la fenêtre. Celle-ci donne sur une ruelle, face à un restaurant. Elle se penche un peu pour mieux voir et remarque une vespa garée devant la vitrine du restaurant. Son cœur fait un bond dans sa poitrine et ses jambes semblent ne plus vouloir la porter. Une vespa, c’est déjà rare de nos jours mais celle-ci, elle la reconnaîtrait entre mille ! Elle est en parfait état. Sa carrosserie rutilante, gris métallisé, brille de mille feux sous la lueur des lampadaires. On peut voir, fixée à l’avant, la roue de secours. Son long siège en cuir noir est la promesse de jolies balades à deux. Et des promenades romantiques, les bras serrés autour de la taille du conducteur, Adeline en a fait beaucoup. Elle ferme les yeux. Il lui semble encore sentir le vent souffler dans sa chevelure et des odeurs lui reviennent en mémoire : l’odeur de l’herbe mouillée un matin de printemps, l’odeur des lavandes en fleurs sur le plateau de Valensole, l’odeur des foins coupés à la fin de l’été… Que de souvenirs qu’elle croyait avoir oubliés ! Mais sa joie est de courte durée car bientôt une foule de questions se bousculent dans sa tête : -Où est le propriétaire de l’engin ? -Est-il venu là par hasard ou voulait-il la retrouver ? -Dans ce cas pourquoi s’est-il arrêté dans cette ruelle au lieu de venir directement à l’hôpital ? …

Une merveilleuse surprise

Adeline est restée longtemps derrière la vitre à guetter le retour du propriétaire de la vespa, mais en vain. Les pleurs de son bébé l’oblige à quitter son poste d’observation pour s’occuper de lui .Une fois rassasié, il s’endort et Adeline se précipite vers la fenêtre .Mais là, une terrible déception l’attend : la vespa a disparu ! Adeline est désespérée. Elle avait échafaudé tant de possibilités heureuses et voilà que tout s’effondre à nouveau. Mais on frappe à la porte et l’infirmière qui l’avait consolée la veille entre dans la chambre. Elle vient lui annoncer une bonne nouvelle. Elle lui a trouvé une place dans une maison qui accueille les jeunes mères en détresse. Cette maison est située en pleine campagne, cadre idéal pour se reposer, reprendre des forces et envisager l’avenir avec sérénité. Adeline est tellement fatiguée qu’elle accepte la proposition sans discuter.

Le lendemain un taxi vient les chercher. Adeline ne sait même pas où il va les conduire mais maintenant tout lui est égal… Après deux heures de route la voiture ralentit, bifurque et emprunte un chemin de terre bordé de part et d’autre par des arbres centenaires. Ceux-ci se dressent dans le ciel bleu pour finalement se rejoindre et former au-dessus d’eux, un tunnel de feuillage et de fraîcheur, dans lequel le soleil s’amuse à jouer à cache-cache. Adeline ne peut s’empêcher de baisser la vitre. Aussitôt, un air frais et parfumé lui saute au visage. En levant les yeux elle aperçoit une grande banderole sur laquelle est écrit : « Bienvenue. » La voiture roule maintenant doucement sur une allée de graviers puis finit par s’arrêter. Adeline, émerveillée, n’en croit pas ses yeux. Devant elle, comme par enchantement, vient de surgir la maison de ses rêves. Sur ses murs en pierre court une glycine en fleurs et un parfum enivrant émane de ses jolies grappes mauves. Les fenêtres, largement ouvertes, laissent pénétrer le soleil et la lumière. Un escalier en marbre monte jusqu’au perron où deux magnifiques rosiers semblent monter la garde. C’est alors qu’Adeline remarque, garée au pied de l’escalier, la mystérieuse vespa grise. Elle ne veut pas y croire, pas encore. Mais à cet instant, comme pour conforter le fol espoir qui monte en elle, un homme sort de la maison. Cette fois elle en est sûre : celui qui vient vers elle en agitant la main et en souriant n’est autre que Pierre, l’amour de sa vie, qui l’a quittée un mois avant la naissance et n’a plus donné signe de vie depuis ; Pierre qui a réfléchi, est revenu et lui offre aujourd’hui un magnifique cadeau : la maison dont elle a toujours rêvé. Adeline sait maintenant que l’avenir qui s’ouvre devant eux est plein de promesses.

 

Elisabeth

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Rédigé par Elisabeth

Publié dans #Ecrire sur des photos

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