PEPE RORO ET LE VIEUX COFFRE
Publié le 25 Janvier 2024
Qui ne connaît pas pépé Roro dans le village, eh bien personne !!!
Malgré ses 90 ans, pépé Roro est un homme encore vigoureux et très aimé. Jadis, il devait être un bel homme, car il a de bons restes. Dommage que son dentier bouge en parlant, cependant, on arrive à le comprendre, bien qu'il postillonne pas mal.
Buriné par le soleil, assis au bord de l'eau, tous les jours, il fait travailler ses doigts meurtris par l'arthrose. Il grimace, bougonne lorsqu'il enfonce l'aiguille pour coudre les coussins pour femmes enceintes.
Cela l'amuse grandement de faire les essayages sur un ventre rond tout tendu, devant une jolie jeune femme. Il rêve à sa jeunesse avec une certaine mélancolie où il passait sa tendre enfance. Dans ces moments, il se voit un beau jeune homme faisant du charme aux belles demoiselles. Il les invitait à danser la valse, Les robes virevoltaient. C'était un beau souvenir.
Le soir, sa journée de travail finie, il repart en clopinant tant bien que mal, rentre dans son oikos, descend dans sa chambre au rez-de-chaussée. Là, il lui arrive quelquefois d'ouvrir son vieux coffre en bois, pas tout à fait vieux comme lui, mais presque, son père lui avait confectionné pour un de ses jolis noël.
Ce coffre contient à ses yeux toute sa richesse. Des alliances de grand-mère, grand-père, mère, parfois il devient nostalgique et se met à songer, à rassembler toutes ces lointaines images pendant de longues minutes. Il y a aussi un paquet épais d'enveloppes ficelées, qui contiennent « Dieu sait » depuis plusieurs décennies, tous les plus beaux mots d'amour, les déceptions amoureuses et d'amitié qu'il a reçu dans sa longue vie, mais ne s'en rappelle plus.
Les jours,où son moral est au plancher, il lui arrive de fouiller au fond du coffre, et sort un petit souvenir, il le scrute, essaie de se rappeler l'histoire de ce talisman, mais peine perdue, il abandonne, car rien ne remonte à la surface. Alors, un peu triste, il referme son coffre, objet inestimable pour lui, il le cajole avec des yeux remplis de larmes, et de ses mains osseuses, le caresse, lui barbote en patois, tout en douceur, une litanie de regrets, mais aussi une demande de pardon d'être devenu vieux, et d'oublier tous les beaux moments de joies passés ensemble.
A.J