QUELQUE PART SUR LE RHÔNE...

Publié le 20 Novembre 2023

 
Quelque part sur le Rhône….   Le 8/11
 
Ma chère Natacha,
Je m’apprête à me coucher mais je ne pouvais l’accomplir sans te donner de mes nouvelles. Comme la connexion du téléphone est quasi inexistante ce soir, je l’accomplis au travers de cette lettre que je te posterais demain, à notre escale. Promis.
Cette première journée vient de s’achever avec délice et légèreté. Je ne pouvais espérer meilleur moyen pour m’aider à trouver mes fameuses questions. Dommage que je ne puisse te les envoyer avec ce message mais ma cabine embaume le parfum de la flore des berges que la péniche longe. Les arômes des herbes sauvages se faufilent au travers mon hublot entrouvert, ils se diffusent avec la douceur et justesse d’une écharpe de soyeuse sous mes narines.
Les senteurs de la terre humide, les effluves iodées de la mer à l’opposé du canal s’invitant dans le sillage, avec en écho la musique feutrée du fleuve qui s’écoule de part et d’autre de la coque du navire, m’offre comme une sensation de volupté presque virginal. La sensation primaire qui marque la mémoire quand on découvre un monde neuf et inexploré.
 
Tout à l’heure j’ai dîné à son invitation, avec le Capitaine Paul, je te parlais de sensation primaire, figure-toi que c’est son premier voyage dont il assume la responsabilité, seul maître à bord, juste après Dieu, comme on dit. Mon autre partageur de table, avec sa barbe naissante, ses yeux noisette et un petit embonpoint c’est mon fameux sauveur de porte ; Lucas. Finalement il s’avère agréable compagnon de balade. Il se passionne pour les fleuves, les écluses et il ne sépare pas d’un petit carnet dans lequel il ne cesse décrire je ne sais quoi. Peut être des poèmes qui me seraient destinés ? Je ne les lirais sans doute pas, je ne suis vraiment pas pour ça !
C’était réellement agréable ce repas sur le pont, le soleil couchant peignait le ciel de couleurs tantôt orange, pourpre et feu. Une brise venait poser par effleurements discrets son souffle tiède et feutré sur mes épaules, avec la grâce d’un plume pour imprégner de son sceau son passage fugace. Quand Lucie, la personne dévouée à nous concocter nos repas, nous a porté l’entrée, celle-ci, s’accordait parfaitement aux paysages qui défilait tout autour et au-dessus de nous, un œuf poché, une sorte de mousse, aérienne, un peu sucré et suave, réhaussée par la pointe juste ce qu’il fallait de la sauce au vin.
A mesure que le soir tombait les fresques célestes arboraient des nuances plus foncées, le sol se parait d’ocre, et sur les flots Rhodanien se parsemaient des écailles bleues presque métalliques sur lesquelles venaient de refléter les ombres fugaces d’un vol de flamants roses qui nous survolèrent en cancanant. Absorbée par tout ce manège visuel, auditif et olfactif, j’en ai omis la suite du repas, même presque refroidi, le saumon même un peu trop cuit pour moi et son accompagnement de lentilles, l’agréable arrière-goût suave de noisette torréfié, faisait le boulot pour revitaliser mes papilles gustatives. Et quand la pleine lune finalement s’est proposée de nous surmonter comme un illustre lampadaire interstellaire, la saveur rassurante de la coco du dessert et l’acidité frivole du fruit de la passion, tous ces ingrédients mixés ensemble, chacun porteur de leur propre, ma faim en fut comblée.
Je m’aperçois t’avoir peu faire part de mes compagnons, mais même si nous avons pu échanger de simples politesse, je reste sur ma réserve à leur égard. Tu me connais …
Comme la fraîcheur nocturne s’annonçait, j’ai regagné ma cabine.
 
Je sens que le sommeil tape à ma porte.
Je vais te laisser et rejoindre mon oreiller qui me réclame avec fracas.
 
Hâte de te reparler au plus vite.
 
Je t’ embrasse
 
Mélinda
 
Ps : Finalement je ne suis pas mécontente d’avoir choisir cette mini croisière. A l’agence il m’en avait proposé sur un gros bateau, le Comté de Provence mais c’est surtout de vieux et vieilles grincheuses qui se destinent à ce genre là.
Pas pour moi…
Je te re embrasse
Melinda

 

Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ecriture collective

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