The character
Sir Edward James Nottinghale
83 ans
Veuf depuis cinq ans, deux fils, trois petits-enfants
Ancien commandant de navire
A été anobli par la reine pour ses bons et loyaux services dans la marine
Grand, mince, cheveux blancs, yeux bleus, teint légèrement hâlé
Toujours élégamment vêtu, blazer blanc ou bleu marine à boutons dorés, chemise blanche et cravate ou col roulé blanc, pantalon au pli impeccable, casquette blanche
Parle un excellent français, avec un fort accent britannique
Caractère un peu strict, respect des traditions, rejette certaines choses du monde moderne
So british, galant, courtois, de l’humour
Reprend la mer pour la première fois depuis sa retraite, a envie de retrouver les impressions et sensations d’antan
Lors de la croisière, souhaite rencontrer de nouvelles personnes, sortir de sa solitude et de ses habitudes
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Amazing !
En attendant, que nous soit servie l’entrée, devant une table magnifiquement décorée, tous cristaux et porcelaines dehors, j’ai lu le menu et m’en suis régalé d’avance. Cette gastronomie française si raffinée, si riche en saveurs, je ne m’en lasse jamais.
Mais j’ai pris aussi le temps d’examiner –discrètement- mes voisines de table. De charmantes jeunes femmes, à vrai dire, mais peu d’espoir de susciter leur intérêt à mon âge. Les prénoms inscrits devant chacune ont facilité mes petites investigations.
Maya est vraiment « cute », on voit que c’est une artiste. Son look est un peu trop excentrique à mon goût, j’aime les femmes discrètes, je les trouve plus élégantes. Mais je suis sûr que nous aurons de belles conversations, elle est ouverte et souriante. Great !
Anne-Sophie a mis moins de fantaisie dans son apparence, elle est plus chic, mais elle a un petit air lointain, distant qui ne va pas faciliter le rapprochement. Too bad !
On a apporté alors l’entrée. Le plat est aussi artistiquement composé qu’un tableau, ces cuisiniers modernes ont vraiment du talent pour les présentations ! Harmonie des couleurs qui préfigure celle de la dégustation. Un délice qui fond dans la bouche dans une infinie délicatesse de saveurs subtiles. Oh my god what a delight !
Et Marjolaine ? J’adore son prénom invitant à humer de douces senteurs. Elle ne manque pas de charme non plus, elle est un peu plus âgée que les deux autres, ce qui pourrait nous rapprocher. Mais je trouve sa tenue un peu ordinaire pour une telle soirée. En outre, cette robe ne convient pas à sa corpulence. Je n’ai rien contre les rondeurs, au contraire, encore faut-il savoir les mettre en valeur. On voit qu’elle ne vient pas d’un milieu aisé, comme la plupart des autres passagers. Je crois qu’elle a gagné sa place à un concours, c’est ce qu’on dit. Elle a souvent l’air un peu triste, ou alors elle semble ailleurs. Je ne suis pas sûr d’arriver à briser la glace avec elle, bien qu’elle me soit plutôt sympathique. Je suis bien entouré. Ah les femmes ! Elles auront été au centre de toute ma vie ! That’s my life !
Le plat de résistance arrive, précédé par son subtil fumet. Là aussi, l’harmonie des couleurs est un vrai régal, entre le rose frais du saumon, souligné par une sauce en camaïeu et le brun foncé des lentilles en petites billes brillantes. En bouche, ces textures s’harmonisent délicieusement pour un vrai bonheur de gourmet. Wonderful !
En attendant la suite, j’ai entamé la conversation avec Maya, tout en regardant par moments Anne–Sophie avec une légère quoique discrète insistance, je reste un gentleman tout de même ! Maya me parle de ses voyages, je suis dans mon élément, j’ai passé ma vie à arpenter le monde. Une belle complicité commence à s’installer entre nous. So charming !
Apparaissent les fromages sur une table roulante. Dommage que je n’aie plus très faim, c’est une symphonie de formes et de couleurs, nous rappelant la suprématie de la France en la matière. Je me contente, sur le conseil du serveur, très élégant et courtois, d’un petit morceau de livarot, dont la saveur prononcée et la texture moelleuse m’enchantent et me font oublier l’odeur un peu forte. Avec, of course, un bon petit vin rouge que j’ai entamé depuis un moment.
Anne-Sophie semble vouloir entrer dans notre conversation. Mais Maya est tellement volubile quand il s’agit de parler de voyages qu’il ne lui est pas facile de laisser une place aux autres. Je lui pose quelques questions pour lui faciliter les choses, sans montrer trop de curiosité, courtoisie oblige. Quant à Marjolaine, elle semble n’avoir que très rarement quitté sa banlieue, et n’ayant pas grand-chose à dire, elle se réfugie dans sa rêverie, le regard perdu. So sad !
Vient enfin le dessert, subtile harmonie de blanc et jaune, texture mousseuse et douce, fondante. De quoi terminer en beauté ce repas succulent et raffiné.
Je n’ai pas l’habitude de manger autant et même si je me suis régalé, je me sens pris d’une légère somnolence postprandiale (les Français s’étonnent toujours que je connaisse ce terme, mais je mets un point d’honneur à bien parler ma langue d’adoption, même si j’ai toujours ce terrible accent et si je fais encore des fautes). Mes voisines de table discutent entre elles avec la vivacité de leur jeunesse. Je ne vais pas tarder à me retirer, après avoir pris une petite tisane. Soirée très réussie, il faudra que je remercie le commandant.
What a wonderful day !
Après une nuit un peu agitée suite à ce repas copieux et bien arrosé, je me réveille tandis que nous arrivons à notre première escale : Barcelone. Une ville que mes bateaux ont souvent accostée mais que je ne me lasse pas d’arpenter.
Hier soir, j’ai profité d’un bref moment de tête à tête avec Marjolaine pour lui proposer de lui en révéler les charmes. Est-ce pour ma compagnie qu’elle a accepté ou pour la découverte de la ville qu’elle est sûre de faire avec moi mieux qu’avec quiconque ? Je l’ignore, mais au fond, qu’importe, je me réjouis de l’occasion. Je la retrouve à l’heure prévue, joliment vêtue, impeccablement coiffée et nous partons, pas encore bras dessus bras dessous, mais ça viendra peut-être…
Du port, nous remontons les ramblas, animées à toute heure, avec leurs petites échoppes de fleuristes noyées sous les bouquets colorés. Un petit détour par le barrio chino qui a gardé son cachet, ruelles étroites, façades grises, fenêtres où pendent des draps multicolores. Nous nous perdons dans ces venelles sinueuses, c’est ce que j’aime, sans plan ni google maps. Nous revenons plusieurs fois sur nos pas et cela semble enchanter aussi Marjolaine, qui écarquille les yeux, se réjouit et s’amuse de tout, une vraie gamine !
A l’heure espagnole, vers quatorze heures, l’appétit aiguisé par notre promenade, nous nous attablons dans un restaurant aux apparences modestes, tables et banc en bois, mais où l’on mange les meilleurs tapas et la meilleure paella de la ville. Et ce n’est pas dans les guides Michelin ou Routard que l’on apprend ça, il faut connaître les secrets de cette ville. Marjolaine n’en finit pas de s’extasier et de faire honneur à chaque plat. C’est agréable d’avoir un si bon public !
Plus tard, je lui détaille quelques éléments caractéristiques de l’architecture, je lui fais découvrir des façades remarquables de style art nouveau. Je ne voudrais pas lui sembler trop suffisant, mais je vois qu’elle ne connaît pas grand chose à tout cela.
Toutefois, la ville a changé, je n’y trouve plus l’ambiance que j’ai connue. La foule compacte de touristes lui fait perdre de son charme d’antan. Mais je n’en dis mot à ma compagne de visite, je préfère la laisser à son émerveillement.
Nous ne saurions manquer l’incontournable Sagrada Familia, enfin libérée de ses grues de chantier, brillant dans la lumière rosée du couchant. Ses immenses tours s’élevant vers le ciel, les riches ornementations de ses multiples façades finissent pas nous donner une sorte de vertige.
Je propose à Marjolaine une dernière pause dans un petit bar du quartier où nous partageons des confidences un peu plus poussées sur nos raisons de faire cette croisière. Je la découvre un peu, sa spontanéité, sa naïveté me touchent.
Je suis ravi d’avoir contribué à ce bonheur simple de la déambulation et de l’exploration, en agréable compagnie.
Nous rentrons, tous les sens remplis d’images, de couleurs, d’odeurs et de bruits. Je ne le montre pas, mais je suis fourbu de ma journée. Je crois que Marjolaine aussi est un peu fatiguée.
Nous repartirons ensemble à la prochaine escale, enfin… j’espère.
Monique
Mystery Note
Ce matin en me réveillant, j’ai aperçu une petite enveloppe qui dépassait sous la porte. Avant de l’ouvrir, je l’ai passée sous mon nez, elle exhalait un délicat parfum de lavande. Une femme ! Je l’ai ouverte avec précaution pour ne pas l’abîmer. Sur une petite carte de la même couleur lavande que l’enveloppe figurait cette unique phrase :
Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ;
Fancy that ! I can’t believe !
Il s’agissait, bien sûr, d’un message à décoder, mais qui avait bien pu me l’écrire et dans quelle intention ? J’étais fort intrigué, perplexe. En repensant à tous les passagers que je connaissais, et après de nombreuses hypothèses, élucubrations, supputations, j’ai arrêté mon choix sur l’auteure la plus probable : Valentine ! Qui d’autre en effet que cette chasseuse d’images passionnée, libre et insolente, toujours à l’affût d’un regard différent sur toute chose, aurait pu avoir une telle idée ? Sans la moindre certitude sur la validité de mes spéculations, je décidai aussitôt de lui répondre, prenant le risque de me tromper de destinataire, mais qu’importe, après tout !
Chère Valentine,
Je vous remercie de votre charmante missive qui, sous sa simplicité apparente, m’invite à la réflexion. Je suis honoré que vous m’ayez choisi comme destinataire d’une aussi riche formule et vous avoue humblement qu’il ne m’est pas facile d’y répondre.
J’ai passé la plus grande partie de ma vie à courir le monde, par les mers et les océans.. Certains paysages m’étaient inconnus, et je les abordais avec les yeux éblouis et naïfs d’un enfant. D’autres -la plupart puisque je pilotais des bateaux assurant des lignes régulières- m’étaient familiers. Mes responsabilités ne m’ont pas permis de profiter pleinement de tous les lieux traversés. J’ai vogué de par le monde sans vraiment le voir. Aussi, dès que j’ai atteint la retraite, je me suis employé à revenir sur mes pas en portant sur tous ces lieux un regard neuf, différent, comme si je les voyais pour la première fois.
Sans doute, avec votre finesse et votre perspicacité, avez-vous perçu cela chez moi et c’est la raison de ce mystérieux message. Je ne sais pas dans quelle intention vous me l’avez adressé, mais je serais heureux que nous en parlions ensemble, si vous en êtes d’accord ;
J’ai beaucoup admiré l’attention, l’enthousiasme et l’énergie et avec lesquels vous portez votre regard sur les paysages et les gens et les captez avec votre appareil photo. J’espère avoir l’occasion de partager avec vous certains de ces moments privilégiés. Sans doute dois-je interpréter ainsi le sens de votre message
Avec toute mon amitié
Edward
Il fallait maintenant que je connaisse le numéro de sa cabine pour glisser de la même façon ma missive sous sa porte ;
Comment allait-elle réagir ? Et si je m’étais trompé ?
Mais non ! Ca ne peut être que Valentine !
Strange Meeting
Une réunion ! God in heaven, il ne manquait plus que ça ! On aura tout vu dans cette croisière ! Nous avons été convoqués –oui convoqués- par un message laconique du commandant.
« Veuillez vous rendre au salon ce jour à 18heures 30. J’ai quelque chose d’important à vous communiquer. Je compte sur votre présence. Votre commandant »
Je me suis dit : Se pourrait-il qu’il se passe quelque chose de grave ? J’ai même envisagé de demander un entretien privé au commandant, mais j’ai renoncé. Si c’est une mauvaise nouvelle, je préfère l’apprendre avec les autres.
Les passagers sont arrivés presque tous à l’heure, sûrement poussés par la curiosité. Un buffet nous attendait, avec des boissons et des petites mignardises apéritives. De quoi détendre l’atmosphère. Certains avaient l’air inquiet, d’autres amusés ou alors ils semblaient ailleurs ;
En fait, ce n’était rien de grave : il s’agissait juste d’éclaircir le mystère des petits mots glissés sous les portes. J’ai senti ma respiration s’apaiser, mon cœur battre plus lentement, ce n’était que ça ! Nous avons ainsi appris que tout le monde avait reçu le même message et y avait répondu –ou pas- anonymement ou nominativement. Cela promettait un joli carnet de voyage collectif ! Le commandant s’est bien gardé de préciser qui était l’auteur des ces messages, mais à sa façon de s’exprimer, il semblait évident que c’était lui.
Mes élucubrations et supputations concernant l’auteur étaient donc vaines. Et ma lettre à Valentine en devenait incongrue What a disapointment !
J’ai tenté tout de même de me rapprocher d’elle pour me faire une idée de sa réaction
So Long My Friends !
Notre croisière touche à sa fin, déjà ! Comme c’est passé vite !
Pour ce dernier soir, moment d’adieu, ou d’au revoir who knows, le commandant nous convie à une soirée musicale. Je déteste les adieux, mais j’adore le jazz, ceci compensera cela.
Un séduisant jeune homme fait son apparition sur la petite scène installée pour l’occasion. Je vois qu’il ne laisse aucune de ces dames indifférentes. Je reconnais qu’il y a de quoi avec son beau visage, sa chevelure brune et sa stature élancée. Sa tenue, je la trouve pour ma part un peu voyante, je n’aime pas trop les chemises rouges, mais elle éblouit mes compagnes de voyage. Sur sa guitare aussi écarlate que sa chemise ; il attaque Besame Mucho, ma foi bien interprété, enchaîne avec Petite Fleur, puis Les Feuilles Mortes, et ainsi de suite, beaucoup de standards joliment arrangés.
Ces dames sont en quasi pâmoison. Ce monsieur leur fait un effet ! Elles me feraient presque penser aux adolescentes en transe lors des concerts des Beatles ! J’espère qu’aucune ne va faire de malaise ! J’invite Marjolaine à un petit slow très sage. Petit à petit, tout le monde se met à danser, collé-serré ou plus réservé. Je préfère ça à des adieux trop appuyés, je n’aime pas trop montrer mes émotions, british education, les larmes ne sont pas loin tout de même.
Nous dansons jusque tard dans la nuit, les musiques alternent entre airs endiablés et slows langoureux, à la demande des passagères, toujours aussi énamourées du beau guitariste. J’ai invité tour à tour chacune de mes compagnes de voyage, ce furent des moments charmants, une jolie façon de prendre congé. Nous nous quittons dans de grandes embrassades, je suis encore trop british pour de tels épanchements. J’ai vu quelques larmes perler sur les yeux de certaines.
Quelques échanges de numéros de téléphone, d’adresses mail. Marjolaine, Valentine, Maya, me donnent leurs coordonnées. Quelqu’un suggère de faire passer une feuille où l’on indique ce qu’on veut et de la photocopier. Et pourquoi pas un groupe WhatsApp ? C’est le monde d’aujourd’hui.
Nous reverrons-nous ? J’ai assisté à tant de fins de croisières que je le sais : tout peut arriver, tout et son contraire. Des amitiés se sont nouées, peut-être plus si affinités, sans parler de tout ce que je ne sais pas…. Je regagne ma cabine, un peu mélancolique, léger coup de blues, mais je suis heureux d’avoir vécu cette aventure si riche.
Epilogue
Six mois ont passé. J’ai gardé quelques contacts épisodiques avec Marjolaine, qui est en instance de divorce. Valentine a envoyé des photos. Le groupe WhatsApp s’est un peu étiolé, les contributions se font rares. Sans surprise, les femmes y sont plus présentes que les hommes. Je sais que certains se sont revus. Nous avons évoqué le projet de repartir tous ensemble pour une autre croisière. Cela se fera peut-être, who knows ?
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