PÉRÉGRINATIONS SUR LE FIL DE L'ÉCRITURE
Publié le 21 Décembre 2023
Personnage :
- ELIOTT HOOKOU : la cinquantaine, 1m65,
- Ouvrier sérigraphiste à Nice
- Personnage lunaire, bien portant, bien pensant
- Prend 1 semaine de vacances histoire de s'éloigner de son univers routinier
- Afin de savoir si Eliott existe quelque part ailleurs.
- Eliott travaille dans un sous-sol ; Eliott porte le cheveu court noir, dru, un trait de khôl dont le dessin évolue selon ses humeurs du jour ou ses tendances du moment surligne un sourire éblouissant car, Eliott, habitué du dentiste arbore une denture en or.
-Par confort personnel, Eliott porte un casque colonial en fibres légères, blanc, des lunettes de soleil, un gilet damassé en bourrette de soie bleu-gris qui laisse deviner sous une chemise ample et claire une poitrine généreuse, des pantalons clairs, et pour l'heure à ses pieds, de bonnes spartiates.
-Dans son quotidien, Eliott est un taiseux par la force des choses et du métier ; et se déplace comme une danseuse entre ses pots d'encre, ses outils et sa mécanique, créant autour de lui une ambiance de musique concrète...
...Et le voilà propulsé pour une bonne semaine dans un contexte différent : voix humaines, gentry bourgeoise... soleil aveuglant...
... ici est suggéré un comportement à inventer !!!
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PÉRÉGRINATIONS SUR LE FIL DE L'ÉCRITURE
L'EMBARQUEMENT
Ce lundi 6 Novembre part le « Comté de Provence », bâtiment de plaisance, pour une croisière d'une semaine !
-Je me retrouve avec mon bagage sur le wharf à Marseille pour un embarquement imminent ;
-à faire la queue... soleil brutal... le vent... les oiseaux ; bruitages, animations, piétinements, voix qui se perdent, interpellations, mouvements continuels de la patience et de la concentration... pour enfin se faire enregistrer et embarquer.
-Sur le pont, le capitaine nous accueille chaleureusement car il y a des gens joyeux un peu égarés, un peu fatigués et désireux de se poser au bon endroit ! Les numéros de nos cabines nous sont allégués, le personnel nous guide et distribue quelques flyers à propos des espaces de vie sur cette structure organisée qui est un bateau de plaisance...
-J'ai pris une cabine avec balcon en ayant conscience que cet espace sera un lieu de ressources et de récupération ; d'ailleurs,
M'étant assise sur ma couchette j'ai eu envie de l'essayer pour une petite sieste, histoire de prendre possession de l'habitacle...
LE DÎNER DU COMMANDANT
-8 Novembre ; ce soir, ne pas oublier le dîner de bienvenue du commandant.
-Après-midi sur le pont,... soleil, le sel qui me pique les joues, le vent dans les cheveux, du roulis,...le ronronnement des machines ; on est en mer.
-Quand, un peu groggy par les éléments, se présente dans mon champ visuel et olfactif un être étrangement nu et emplumé et qui se déplace dans une sorte de danse martiale, son corps brassant de toute son envergure le ciel, l'air, l'espace en émettant d'un souffle puissant une prière non négociable... Le tout dans un parfum acre et qui m'est inconnu...
Un peu sonné par cet événement je me mets debout échevelé... Je rêve me dis-je... et réintègre ma cabine pour me refaire un look de soirée.
-Quant il s'agit de répondre à une invitation à diner je reste perplexe: je préfèrerais ne pas... dirait Bartleby car je n'en retire ni profit ni plaisir sinon pour le moins un risque de gastro me pend au ventre ; mes habitudes alimentaires sont très simples, des fruits du poisson.. frais
Enfin, après l'intermède coloré et odorant vécu sur le pont, j'ai eu l'envie d' avaler 3 bananes
Le restaurant, immense salle, des tablées pour 6 individus, beaucoup de monde, des bourdonnements humains et le commandant tout de blanc vêtu qui se lève et...
SILENCE
...Son discours de bienvenue à bord du Comté de Provence nous interpelle ; là-dessus le dîner est lancé.
-Branle bas de combat... concert de voix, entrechoc des couverts et des verres, appels, rires, le coté stimulant et festif de ce capharnaüm..., mon voisin qui apprécie manifestement son repas, un autre à l'accent du sud avec qui je discute le bout de gras,... très convivial tout ça !
-Plus tard les apéritifs et le vin aidant, le ton monte et l'atmosphère devient piquante et lourde, vociférations, une tentative avortée d'une chanteuse sans voix, quelques coassements par ci,quelques aboiements par là font que je me retrouve sur la coursive où, l'esprit redescendu en moi, dans la fraîcheur du soir je remercie le ciel étoilé et le mouvement inchangé des éléments.
L'ESCALE-BARCELONE
Goliarda très chère
Voici venu notre 3ème jour de croisière ; comme j'aimerais ta présence a mon coté bien que tu sois depuis tant d'années l'essence même des éléments.
Barcelone... :
-non je ne vais pas me promener sur les Ramblas, je ne gère pas bien les bousculades où les pickpockets auraient ma peau... Me voici dans les pas de Pépé Carvalho le brûleur de livres et détective privé hâbleur et gourmet...Tu te rappelles de nos lectures n'est-ce pas et nos déambulations dans les vieilles rues, les passages humides et tordus fréquentés par des greffiers chassieux couverts de puces, félins faméliques puants frôleurs et miauleurs, magie d'une relation alimentée par l'énergie magnifique de ses créateurs espagnols... la vitalité, le rêve et l'absence engendrent d'autres merveilles... la grâce.
-Je commence à mettre des noms sur certains personnages de notre voyage, les ayant côtoyés en faisant la gym sur le pont, ou alors au déjeuner, sans oublier monsieur Lala qui fréquente le pont dans la même tranche horaire que Bibi ; ainsi il fait ses ablutions ou ses prières pendant ma séance de Qi-gong, et puis en échangeant à droite à gauche, je rencontre Dominique qui connaît bien Barcelone...
-...Ma belle, Ça te parle la maison de Kafka perchée sur une colline et qui s'érige bleue rejoignant le bleu du ciel ? Ou encore le sanctuaire de Meritxell d'ardoise noire niché au fond de la montagne dans un foutoir de verts... pour moi toute l'Espagne est là, poinçonnée dans la masse par le divin Bofill.
... Je veux déambuler maintenant dans cette cimenterie désaffectée sublimée par l’âme de l'architecte qui a conçu pour son plaisir hors norme ce lieu génial ouvert à l'humanité, aux idées... à la création ...à la poésie, sa…..... Destruction Créative.. : La Fabrica.
-J'essaie de ramener pour l'occasion à la surface de ma mémoire les quelques lambeaux d'espagnol qui traînent dans les recoins de ma conscience parce qu'il va falloir avec çà et un guide écrit échanger avec les services de lignes de bus et tramway, le site en question est excentré de la ville de Barcelone... Ay, no soy catalan !
-Marchons ma Jolie dans les rues antiques bruyamment silencieuses et fraiches où les feuillages tropicaux des arbustes descendent pour nous jusqu 'à terre et bouffent judicieusement le chaud ainsi que la lumière ; nous voilà de cette manière suave, jetés brutalement sur le marché couvert de la Boqueria où l'air semble tellement saturé de parfums, de bruits et de couleurs que nous y sommes happés comme sucés et ensorcelés.
ola, Pensar a comprar algunos platanos... para la comida
...Tiens je retrouve Dominique au niveau du labyrinthe déroutant du quartier Gaudi : Elle est accompagnée et ainsi elle me propose d'aller visiter le complexe de la Sagrada familia ; le temps de prendre avec mon sourire irrésistible quelques clichés impromptusn passe à ce moment même mon bus.... hasta pronto Dominique... à tout a l'heure, a tout à l'heure tchao t c h a o o o
- je disparais vers mon nouveau délire
LETTRE EPISTOLAIRE
Cher Anonymus,
Je suppose que le comité de loisirs du Comté de Provence est à l'origine de cette démarche pour le moins elliptique, ludique, un peu... traître quand même
je parle du pli glissé sous la porte de ma cabine ainsi rédigé en cette citation :
le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux
Étant donné que ce voyage merveilleux a bord du Comté de Provence me met à distance de mon quotidien, cette distance aussitôt accaparée par l'espace énergivore de ma conscience que je tente d'ordonner et d'agencer, je considère ce pli un rien... demandeur.
En effet le but donné à mon voyage est justement de perdre un peu du Voir pour donner le temps à Regarder et faire connaissance avec d'autres outils de cognition souvent non sollicités...
Voir est ma préférence personnelle disait un certain mexicain... parce qu'un homme de connaissance ne sait que ce qu'il voit
A suivre cet argumentaire Voir c'est aussi mordre le soleil dans un abricot épanoui ou verser des larmes à l'écoute du brame du cerf, c'est enfin ressentir le dehors, l'intégrer et améliorer un relationnel avec l'Elément qu'il soit animal ou minéral ou ...
A partir de là, Conscience est un nouvel œil ;
cher Anonymus, je dirais que je vois depuis que je vous Regarde : votre mot pertinent me touche et m'oblige.... .à une seconde attention vers les mouvements environnementaux qui seraient dans le champ de ma perception.
PS : je laisse ce billet à votre agent qui saura faire la jonction jusqu'à vous
Toute mes salutations sincères vous accompagnent
Eliott H
L'APPEL DU COMMANDANT
La nuit en mer... Perdu dans mon transat à contempler la voie lactée... je divague, je suis... Hans Castorp sur sa montagne magique, allongé et sanglé dans le froid d'un hiver éternel au fond d'une terrasse de sanatorium... Comme la vie est simple dit-il en soupirant à la buée.
Pour l'heure nous avons à répondre au souhait du commandant de bord d'organiser un briefing autour de cette missive mystérieuse... Une réunion au sommet s'impose !
Notre commandant nous dit être le propriétaire du pamphlet en question et s'informe des retombées occasionnées par son intervention au sein de son équipage ; après tout le commandant émet et son équipage répond ; c'est logique, La Palice ne dirait pas mieux !
Cher Anonymus je vous regrette car mes illusions sont sapées et mes rêves aussi, polémiquer pour polémiquer c'est un point de vue qui se défend mais là nous sommes arrivés sur un autre niveau d'entendement n'est-ce pas?
Moi, au point où je me place dans cette croisière, ça m'amuse cette montée d'adrénaline autour d'histoires inventées avec l'ardeur et la vitalité de nos protagonistes qui deviennent de facto des personnages hauts en couleur, exigeant de s'oublier l'un en face de l'autre... intéressant d'imaginer un polar se monter, une pièce de théâtre ou un conte de fée naître de ce matériau informel... Ceci étant, je n'oserais même pas m'y inclure, sauf en élément bionique comme assaisonnement néanmoins salutaire, ne possédant pas pouvoir ou désir d' intriguer... avec son panel de manigances, de minauderies et cachotteries et nœuds et traîtrises outrancières et autres gourmandises stimulantes et fécondes...
... ma curiosité est piquée tout de même bien que je me sente refroidi au cœur de la soufrière mais...
Dans le lointain une bouffée d'oxygène me régénère, car il est prévu un arrêt sur Malte.
SOIRÉE D'ADIEU
MALTE... LA VALETTE : une escale
Que je sois croyant ou libre-penseur mon attirance pour le Sud n'a pas d'odeur dis-je en montant sous un soleil brutal les marches de pierre bordées à droite, à gauche de vieilles dames du XVIIe siècle baroque qui me saluent avec condescendance ; j'arrive fondu devant l'immensité de la co-cathédrale St Jean de la Valette, bâtiment minimaliste dans sa forme, austère sous ce ciel mortel... Le soleil me jette ainsi dans l'ombre silencieuse et scintillante de la nef et là je flotte dans un espace intemporel, informe tant il est doré du sol au plafond et de vide et de plein je flotte sans conscience jusqu'à l'oratoire qui est le but de ma visite ;
Oratoire où se déroule pour toujours et à jamais la tragique décollation de saint Jean (3,20/5,60m) et dans laquelle dit-on, Caravage signe dans le sang de Baptiste son appartenance à l'ordre de Malte. Non pas que je me languisse de Caravage mais çà touche aux viscères je crois... Tout simplement son clair-obscur permanent donne une vérité crue au sang, à la chair et à la matière je dirais même à l'odeur ........ Contemplation...
Je ne sais quand j'arrive à décrocher pour descendre sur le froid du marbre afin de rejoindre les vivants.
Dehors brutal, Malte me prend au corps et m'assigne :
MALTE... démocratie... parlementaire... de type occidental... membre de l'union européenne... zone euro... 2008... langues parlées couramment maltais et anglais...... so, craving for water... J would like just some bananas
Après cette rencontre avec Caravage, je me retrouve sur notre bateau ; notre voyage se termine et nous sommes conviés à la soirée de gala avec guitariste, chants et danses, le Comté de Provence assure jusqu'au bout !
Pour ma part je retiens des échanges courtois, des relations légères et stimulantes, des escales qui m'ont conforté dans mes désirs et convictions.
Du monde, de la joie ou une sorte de nostalgie des choses qui finissent ; il me semblerait que des personnes se soient rapprochées, que des liens se soient tissés (en si peu de temps c'est dingue!)
Je remarque un Mr Oolala qui m'a tellement enchanté par son charisme... et son parfum ! Là pour le coup j'observe qu'il arbore comme une anecdote à l'européanisation de son séjour un nœud papillon en soie rouge mettant en valeur ses scarifications que j'aurais ma foi eu du plaisir à effleurer ou... à lire, ceci dit mon regard frôle mieux que mes doigts aveugles ne touchent, aussi je lui décoche un sourire soigneusement doré !!! Pas très loin, voilà l'énergique dame Anne-Sophie dont le chef se trouve ceinturé et orné d'une belle plume de chouette et qui nous dévisage par un regard d'aigle plus convaincant que d'ordinaire... Que de sensations je ressens en mon for intérieur ….......intérieurrr
Et vogue la galère ; mes rencontres extra-sensorielles auront enrichi ma mémoire, révélé mes aptitudes à conduire ma mission ! En fermant cette parenthèse de la vie, je pars serein et confiant vers un univers coutumier et rassurant ; je souhaite bonne route à tous les personnages que j'aurais côtoyés ou inventés... je ne sais plus dans le fond et çà n'a aucune importance car la scansion et le souffle du récit finissent par asseoir son texte.
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