Nuit folle et cadavres exquis
Publié le 13 Octobre 2023
Il était une fois un cadavre exquis qui n’avait aucun sens, ni passé, ni futur, juste le présent aléatoire. D’ailleurs un cadavre est rarement délicieux. Sauf peut-être un cadavre de bouteille après la fête ? En voici un bel exemple.
Des dizaines d’invités avaient été réunis dans la grande pièce du château pour l’anniversaire du comte. Ils n’oublieront jamais cette folle nuit de décembre. Par la fenêtre orageuse, ils avaient vu avec effroi tomber la pluie diluvienne mêlée de grêlons. Alors pour se réconforter, ils avaient vidé un grand nombre de bouteilles. Le vin coulait à flot aussi rapidement que la pluie. Le champagne crépitait dans les coupes. Les bouteilles se vidaient l’une après l’autre devenant de joyeux cadavres blancs, rouges ou verts. Pour rendre la soirée encore plus animée, un des invités se mit au piano rêveur. Ses doigts agiles dansaient sur le clavier. L’alcool aidant l’artiste, l’instrument fut vite réveillé. L’ambiance à l’intérieur de la pièce contrastait avec l’atmosphère du jardin, sombre et détrempé. La musique s’y prêtant, les invités s’élancèrent sur la piste et bientôt des chants et des rires envahirent le salon. Les danseurs se déhanchaient et virevoltaient sans retenue. L’un d’eux en perdit même sa perruque. De désespoir il se mit à crier et à réclamer un peigne chauve.
La fête avait duré jusqu’au petit matin. La pluie avait cessé. Les cadavres exquis jonchaient le sol, le piano s’était tu, le danseur chauve s’était peigné. Par la fenêtre qui n’était plus orageuse, le soleil vaporeux éclairait peu à peu ce spectacle étonnant.