LIVRET MUSICAL

Publié le 30 Mars 2023

 
Cette bibliothèque que nous avions visité, mes amis et moi il y a quelques jours, m’avait intrigué au point que je décidais de m’y rendre à nouveau. Le préposé aux entrées œuvrait à plein temps à sa sieste digestive ce qui me permit de déambuler dans les allées et constater que celles-ci étaient toujours aussi sales et mal rangées.
 
Dans une obscurité sombre comme la nuit un jour sans lune, quelqu’un me percuta en me tamponnant et faillit me faire tomber en me faisant chanceler. Surpris par un étonnement sans nom, je me relevais en me mettant debout et je constatais, en le voyant, qu’il s’agissait de ce personnage célèbre et très connu qu’est l’inspecteur Maigret.
-Alors inspecteur ! Encore évadé d’un livre qui raconte vos aventures ?
-Nenni ! Je viens de remonter de la cave où sont entassés les livres dits «  pratiques » que personne ne consulte jamais. J’ai été informé de la disparition de marteaux et de tournevis dans un ouvrage de bricolage et du même genre de rapine dans un livre de cuisine. Vous conviendrez avec moi que ces agissements inacceptables ne peuvent être accepter.
- Vous m’intéressez Maigret. Je vais, de ce pas visiter la cave et vérifier si quelques indices perdus ça et là ne pourraient pas constituer des preuves accablantes pour aider à cerner le triste et sinistre individu, coupable de ces vols et de ces larcins.
- Méfiez-vous mon ami, le chemin est périlleux, je dirais même dangereux.
 
Prenant mon courage à deux mains, je poussais la porte et je m’engageais dans un escalier dont les marches ressemblaient à la mâchoire édentée d’un centenaire. La cave contenait des monticules d’ouvrages empilés les uns sur les autres et de nombreuses araignées campées au milieu de leur toile faisaient figures de sentinelles, jalouses de leur environnement et pas disposées à le partager. Sur une table vermoulue un vieux livre attira mon regard. Il était habillé d’une vieille couverture en cuir bouilli, craquelé par le temps et fendillé sur les bords par des dents de rats qui devaient pulluler dans ce lieu. Le titre en était illisible, car à moitié effacé par le temps et les lettres qui le constituaient nous proposaient des mots étrangers auquel je ne comprenais rien. En ouvrant la première page je devinais, grâce à des gravures, que ce livre servait à enseigner le solfège. Un ouvrage qui sert la musique est forcément sympathique. Je décidais d’en savoir un peu plus et je poussais ma curiosité à la deuxième page. Celle-ci, à la fois sèche et craquante, cornée et agrémentée de taches de roussi dû à l’humidité ambiante, laissait entrevoir des portés musicales semblables à des vieux rails de chemin de fer qui auraient vu dérailler un nombre incalculable de trains. Une clef de Sol échappait à la déchéance générale en redressant fièrement le torse. A sa suite un magma informe de notes, noires et blanches, se battaient entre-elles pour émerger de la moisissure et donner une illusion de mélodie à qui voulait bien les lire. La mesure avait disparu sous une tache de je ne sais quoi. Quelques croches essayaient de fuir le carnage. Dièses et bémols avaient abdiqué. Je prenais acte du désastre quand une odeur fétide vint agresser mes sens. Elle en profita pour titiller mes narines qui n’en demandaient pas tant. L’horreur de la situation me stimula pour fuir à bride abattue cette bibliothèque infernale et laisser à la musique un semblant de dignité. Tous ces vieux ouvrages avaient certainement une antériorité de vie que les moins de dix siècles ne pouvaient pas avoir connue. Si je rencontre à nouveau, Maigret, je lui ferais part de mon premier sentiment quant aux affaires qui le préoccupent… Le dictionnaire est certainement dans le coup.
 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Divers

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