BALADE EN FORET
Publié le 2 Mars 2023
Thomas avait quelques heures à tuer… Quelle expression bizarre ! On tue quelqu’un, on tue un animal, on tue je ne sais pas quoi, mais tuer le temps ??? Est-ce que l’on en a trop pour en éliminer de précieux instants ??? Donc je reprends : Thomas avait quelques heures devant lui. Oui, c’est beaucoup mieux et tout de suite on a meilleur moral. Non ?
Il avait décidé, malgré le mauvais temps qui s’était installé durant la nuit, d’aller marcher en forêt, pensant glaner quelques belles images de cette neige fraîche qui commençait à envelopper la nature, recouvrir les buissons épineux enchevêtrés aux pieds des sapins. C’était un paysage en noir et blanc, mystérieux à souhait, et Thomas avançait avec peine, trébuchant souvent sur quelque racine insoupçonnable ou quelque pierre qui roulait sous ses semelles.
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Au-dessus de sa tête, un monde se réveillait. Des oiseaux recommençaient à se faire entendre, preuve que la tempête était passée. Il recevait d’ailleurs de temps en temps une bonne douche neigeuse lorsqu’en effleurant une branche, une mésange venait à troubler l’équilibre fragile de la masse blanche amassée dans la nuit.
Il entendit au loin des sons de cloches. Il n’y avait pourtant aucun village alentour ! Puis un arbre se pencha brusquement vers lui, l’enserrant de ses branches noires, froides et dénudées. Il étouffait dans cet étau glacé et se débattait piteusement en essayant de s’en défaire. Les buissons accrochaient son pantalon, rendant toute tentative d’évasion ardue.
Au son des cloches se mêlaient à présent des voix graves, rythmées sur deux temps, lancinantes et obsessionnelles.
Une frayeur sourde l’envahit alors et une poussée d’adrénaline –comment expliquer autrement ?- lui donna des forces pour sortir au plus vite de ce piège sylvestre qui s’était refermé sur lui.
Il poursuivait sa course lorsqu’un escalier apparut devant lui. Ses marches et sa rampe noires et blanches dessinaient une figure géométrique improbable. Il décida de l’emprunter alors que les voix se faisaient de plus en plus proches et les cloches de plus en plus insistantes. Cet escalier n’en finissait pas, en fait des marches se rajoutaient au fur et à mesure de son ascension. Un gong retentit, proche. Il continuait à monter et arriva finalement au niveau d’un piton rocheux, en pleine lumière, sur un replat où face à lui se trouvait une porte dorée.
Les voix semblaient venir de derrière la porte, les carillons résonnaient dans ses oreilles. Un ultime coup de gong le fit sursauter.
La porte s’ouvrit sur un homme minuscule, aux grands yeux noirs et au sourire édenté, qui le tira à l’intérieur.
Il y avait là des hommes vêtus de pagnes rouges qui l’encerclèrent et commencèrent à le déshabiller…
On lui tapotait l’épaule et une voix féminine le fit se retourner.
En se réveillant, il reconnut la gardienne du refuge dans lequel il s’était arrêté faire une pause à l’issue de sa balade en forêt. Elle lui souriait. Quelque peu hébété, il se dit qu’il n’aurait jamais dû accepter sa tisane maison « aux herbes de la forêt »…
Il sortit du refuge, reprit sa marche et alors qu’il débouchait sur un escalier dont les marches et la rampe noires et blanches dessinaient une figure géométrique improbable, il rebroussa chemin.
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