SOUS LES JUPES
Publié le 7 Février 2023
Cette année la ville de Nice, comme pour chaque carnaval, a passé de nombreuses annonces pour recherche de conducteur ou conductrice de tracteurs, ceux qui servent à porter les personnages du carnaval pour les défilés.
Justine et Marius ont retenu l’attention de la Collégiale des Festivités.
Agriculteurs en retraite mais encore verts ils avaient toujours rêvé de voir la mer.
Originaire de Roucouler-les-Bains, ils seraient disponibles pour une semaine voir deux mais pas plus à cause des cochons en demi-pension chez Georgette, la première adjointe de la mairie de Roucouler-les-bains, leur village commun.
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Dis la Justine, nous z’ont prêté un hôtel de luxe pour ce carnaval , le 150e y paraît. On a même la télé et un balcon avec deux chaises. Et puis penche-toi un peu. On voit la mer là-bas juste derrière ce palmier. C’est bizarre. Reste plus qu’un trognon. Peut-être z’ont enlevé les palmes pour les donner aux paysans d’ici à cause du four de cet été ?
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Le Marius, tu dis n’importe quoi. Occupe-toi donc de remonter le réveil pour 4 heures et n’oublie pas tes cachets. Fait vraiment chaud ici. Tu peux bien quitter tes chaussettes, tu dormiras mieux.
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Mais z’ont dit, y’a l’appareil pour le chaud et le froid. Là regarde y’a une boîte.
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Commence pas à toucher tous les boutons. Ouvre plutôt la fenêtre. Mais dis donc le Marius ça me fait penser, tu as bien fermé le cagibi des cochons ?
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Pour sûr la Justine.
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Alors bonne nuit mon Marius.
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Ce soir z’ai pas eu mon bisou à débordement, ma Justine ?
Le lendemain après un petit déjeuner rapide, un car de ramassage venait prendre nos amis directement dans le parking de l’hôtel en direction du hangar. Tout était très bien organisé. Les costumes, les accessoires, les grosses têtes et les chars qui étaient alignés dans l’ordre de sortie.
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Bonjour messieurs dame moi, c’est Jérôme.
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Nous Marius et Justine pour le char numéro deux. Le char Koko je crois.
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D’accord je vais vous y conduire. Je vous donne une tablette et un panier garni.
Nos deux amis étaient émerveillés par l’endroit, eux qui n’avaient jamais été plus loin que Roucouler-les-Bains. Une sympathique équipe les avait pris en charge. Vint le grand moment, faire connaissance avec le tracteur, l’engin de tous les rêves de Marius, lui qui n’avait que le très vieux Fergusson de son père. Justine hésitait tandis que Marius, sa moitié avait déjà ouvert la porte de la machine.
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La Justine dépêche-toi de monter.
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C’est un peu étriqué là-dedans et zut, en plus, J’ai oublié de mettre mes bas de contention et …
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Dépêche-toi de monter la Justine. Le Jérôme m’a tout expliqué pour conduire le tracteur.
Nos joyeux lurons étaient tellement impatients de démarrer, Justine un tantinet inquiète quand même. Marius avait installé sa tablette avec tout le programme sur ses genoux. A Roucouler on disait que Marius est particulièrement doué en informatique. Ça et puis aussi, pour saigner les cochons. Le reste c’était Justine.
Le grand portail du hangar s’ouvrit sous des olas de l’équipe. Première sortie du Carnaval. Marius les yeux dans le mollet de monseigneur Koko et tout près de l'ourlet de sa soutane était fou de joie. Il embraya sur l’avenir juste derrière la cavalerie de Mongolie, un rythme déjà endiablé sur des airs culottés.
Koko était impressionnant. Encore plus laid que dans la vrai vie. Il avait réussi à figurer dans le défilé
étant le seul médaillé encore de ce monde, pour ses excellents pots de miels. Par ailleurs, il descendrait lui aussi à Nice pour jouir de la plus vue sur la mer du Negraisseco.
Sur le char, des jolies jeunes filles virevoltaient de toutes parts et Marius jubilait des vibrations gratuites et régulières des danses de ces demoiselles, un changement avec celles des trayeuses de Roucouler.
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Marius, un bisou qui déborde, s’il te plaît … mon chou.
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Minute La Justine. Mets donc tes yeux en face des trous pour voir dehors et dis-moi si je z’peux avancer un peu sur la gauche. Je dois laisser le passage à la dame de la Police Municipale et son canasson.
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Voilà tu peux. Dépêche-toi elle a priorité.
Soudain un grand bruit. Marius tente désespérément de redresser le char. Koko est touché de plein fouet, la mitre toute neuve accrochée à la caténaire du bus électrique. Un énorme soubresaut, une panique sur la zone. Marius quitte précipitamment la cabine pour constater les dégâts, Koko décapité, la tête qui pend sur l’épaule, la fin d’un règne, le début du purgatoire.
Restera l’homme du Négraisseco. Caïn s’engouffre dans le moins quatre pour récupérer la Porche de Monseigneur Koko. Une ombre se glisse au diable Vauvert du parking. Soigné et discret, Caïn enfile sa casquette et ouvre la boîte à gants…