LES SANTONS DE PROVENCE

Publié le 4 Février 2023

 
Je quittai la Drôme après un séjour des plus agréables. Je décidai de ne pas reprendre l’autoroute mais de rejoindre Nice par la mythique Nationale 7. Je pourrai ainsi profiter du paysage et m’arrêter selon mes envies. J’avais d’ailleurs l’intention de faire une halte à Saint-Maximin-la-Sainte-Beaume et de rendre visite à Enika Eygazier, maître santonnier. C’est grâce à elle que je possède une collection de santons magnifique que j’enrichis à chacune de mes visites.
Me voilà arrivée chez Enika. Je pousse la porte de son atelier et pénètre dans son royaume. Elle est assise devant sa grande table et me tourne le dos. Absorbée par son travail minutieux, elle ne m’a pas entendue. Pour ne pas la déranger, je vais faire un tour dans la salle d’exposition pour admirer les œuvres terminées qui sont rassemblées dans une crèche géante. J’ai l’impression de retrouver des amis de longue date, ceux qui ont enchanté les Noëls de mon enfance. Grasset et Grassette, les vieux, avancent main dans la main en s’abritant sous leur grand parapluie rouge. Ils sont amoureux comme au premier jour. Le Ravi, lui, est toujours à la même place, les bras en l’air. Son sourire béat est la preuve de son ravissement. Mais voilà le tambourinaire qui s’approche. Comme il est élégant avec son feutre à larges bords ! Il conduit la farandole au son du galoubet et du tambourin. Je ne peux m’empêcher de fredonner quelques notes. Monsieur le Maire, lui, a revêtu ses plus beaux atours : écharpe tricolore et haut de forme. Il se tient très droit et semble fier de son rôle de premier magistrat. Il m’intimide un peu. Ce n’est pas le cas du Pistachié que je trouve sympathique et amusant avec ses gilets superposés, de toutes les couleurs et de longueurs différentes. J’aperçois près de l’étable, les bergers et leurs moutons et, au-dessus de celle-ci, l’ange Boufaréou appelé ainsi à cause de ses joues rebondies à force de jouer de la trompette. Même si tous ces santons sont mes préférés, je n’oublie pas d’aller saluer le bûcheron chargé de son fagot de bois, le meunier avec son sac de farine, le rémouleur et sa meule pour aiguiser les couteaux et la lavandière avec son savon de Marseille et son battoir. Mais, aujourd’hui, je suis venue pour un personnage en particulier. Il est inquiétant et peu sympathique, certes, mais il manque à ma collection : c’est le bohémien. Il se tient un peu à l’écart mais il ne passe pas inaperçu avec sa cape noire, son foulard rouge et son couteau qui étincelle à la ceinture. Il me fait un peu peur et me fascine à la fois…
Enika a fini de travailler et vient me rejoindre. Elle est ravie de mon choix. C’est avec une grande délicatesse qu’elle range mon nouveau trésor dans une boîte, après l’avoir enveloppé dans un papier de soie. Je repars heureuse et le cœur léger. Les santons représentent pour moi l’art de vivre en Provence. Ils évoquent, parfois avec un peu de nostalgie, des personnes ou des métiers aujourd’hui disparus mais que, grâce à eux, on n’ oubliera jamais.
 

Rédigé par Elisabeth

Publié dans #Trésors du monde

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