LA BEFANA
Publié le 2 Février 2023
J’avais donc rejoint mon amie Maya à Angera au bord du lac Majeur. Nous étions au début du mois de janvier. L’Épiphanie approchait. En France on trouvait déjà des galettes dans les boulangeries. J’étais descendue bien sûr au même hôtel que lors de mes précédents séjours. J’avais noué des liens amicaux avec les hôteliers Louisa et Mattéo qui parlaient parfaitement le français. Ce jour-là nous avions fait, Maya et moi, une balade dans les rues d’Angera et nous avions remarqué dans plusieurs boutiques, sans en comprendre la raison, de grosses chaussettes de laine colorées qui décoraient les vitrines.
En rentrant à l’hôtel, je sentis une bonne odeur de biscuits et je rejoignis Louisa dans sa cuisine. Il y avait sur la grande table toutes sortes de bonbons et de confiseries. Louisa semblait très affairée. Mattéo un sourire aux lèvres vint me saluer. Louisa, elle, resta penchée sur sa préparation.
– Comme ça sent bon Louisa, que nous prépares-tu pour le dessert de ce soir ? demandai-je, les narines réjouies.
– Des biscuits bien sûr, ce sont des befanini ! me répondit-elle souriante en levant la tête. Mais désolée, ils ne sont pas pour les clients.
Devant ma mine interrogative et un peu déçue, Louisa s’empressa de me rappeler que nous étions le 5 janvier et qu’en Italie ce jour-là on prépare la fête de la Befana.
– Ah oui ! J’en ai souvent entendu parler, m’écriai-je. Peux-tu m’en dire plus sur ce personnage du folklore italien ? C’est une sorcière n’est-ce pas ?
Louisa afficha un grand sourire et se mit à me raconter la légende de la Befana, tout en surveillant la cuisson des biscuits et en commençant à remplir de bonbons quelques grosses chaussettes de laine. « Tiens !, me dis-je, les mêmes que dans les vitrines d’Angera »
Befana vient du mot Epifania. On la représente comme une vieille femme, au physique ingrat et à l’allure négligée, qui se déplace sur son balai. Selon la légende, dans la nuit du 5 au 6 janvier, la Befana vient distribuer aux enfants sages des bonbons et aux enfants plus turbulents du charbon.
Je demandais alors à Louisa comment une sorcière pouvait faire des cadeaux aux enfants. Elle se mit à rire en me précisant : « C’est une gentille femme en fait, elle n’a de sorcière que son physique, c’est pour cela qu’on croit qu’elle est méchante avec son dos bossu, son nez crochu, ses vêtements peu soignés et même le balai qui lui sert de monture, mais elle est souriante et aime faire des cadeaux aux enfants ».
Louisa ajouta que cette fête était très populaire et très attendue par les petits italiens qui accrochent des grosses chaussettes à leur porte le 5 janvier au soir et qui ont hâte d’être au matin du 6 pour déguster les biscuits et les friandises.
– Et ceux qui reçoivent des morceaux de charbon alors ? fis-je remarquer.
– Rassure-toi, aujourd’hui on fabrique des bonbons à la réglisse ! me répondit Louisa avec un clin d’œil.
J’étais ravie de cette conversation et je réussis à obtenir un befanini lorsque Louisa les sortit du four, sous le regard amusé de Mattéo qui me trouvait sans doute un peu gamine.
La nuit venue, Maya et moi sommes allées scruter le ciel au-dessus du lac dans l’espoir de voir passer sur son balai la gentille sorcière aux souliers cassés et au chapeau pointu portant son sac plein de confiseries.