L’ATACAMA

Publié le 4 Février 2023

 
A peine remise de cette rencontre avec le Taj Mahal, Maëlle est revenue dans son hôtel de Delhi, la tête pleine de beautés et de rêves… Aucune envie de rentrer en France, alors elle a décidé de s’accorder quelques jours supplémentaires en Inde, ce ne sont pas les sites à découvrir qui manquent ici.
 
Mais chaque soir, en rentrant dans sa chambre d’hôtel après une journée bien remplie, une nouvelle envie d’explorations lui monte à la tête, persistante. Elle rêve d’un autre continent qui la fascine depuis le collège, l’Amérique du Sud et plus particulièrement le Chili, cette longue bande de terre qui en longe toute la côte ouest. Son amie Sandra, voyageuse et alpiniste chevronnée lui a longuement parlé de ses nombreux voyages là-bas et de la diversité géographique du pays. Petit à petit l’idée d’enchaîner par une « escapade » chilienne fait son chemin dans sa tête et elle se retrouve un soir à réserver un vol Delhi-Santiago du Chili, vol soumis à de nombreuses escales…
 
L’arrivée à Santiago est mémorable, quelle bascule dans le temps, Delhi sale et joyeusement chahuteuse, Santiago impeccable et assez stricte… Est-ce parce qu’il y a eu une forte immigration allemande ? Du haut du Belvédère de la colline de Saint-Christophe, elle regarde la ville qui s’étend à perte de vue. Elle a décidé que la première étape de son voyage serait San Pedro de Atacama avec comme un triple objectif : le Salar d’Atacama, la Vallée de la Lune et les geysers du Tatio. Le soir même elle s’est préoccupée de trouver un guide qui lui permettrait de réaliser ses prochaines explorations.
 
La vision du Salar d’Atacama est époustouflante : une étendue de sel blanc, comme chauffée à blanc par les rayons du soleil qui brille de mille étincelles. Et cette mosaïque infinie, faite de figures géométriques irrégulières aux bordures surélevées la laisse sans voix. Il est bien entendu interdit d’aller s’y perdre, Maëlle doit se contenter d’observer cet infini blanc en longeant à pied le bord de la route.
 
Sandra lui avait bien recommandé de se rendre à la Vallée de la Lune en fin de journée, lorsque la lumière du soleil accentue les reflets ocres-rougeoyants et la transparence des arêtes des « roches ». Elle a tout bien fait comme il fallait, la voilà qui marche dans ce dédale, au gré de ses envies. Sous ses pas des craquements constants, comme si elle marchait sur des kilos de gros sel. Les roches même semblent fragiles, pour un peu on pourrait peut-être en briser le bout avec les doigts, qui sait ? Et cette lumière indescriptible, du rouge qui flamboie sous le soleil, du rose plus pâle, et le blanc du sel comme une décoration digne de la touche finale du meilleur pâtissier.
 
Elle s’arrête. Écoute. Ça crisse doucement. Elle se laisse envelopper par cette atmosphère irréelle, mais non !!! C’est bien elle qui est là, elle mitraille chaque recoin de ce dédale. Le guide la suit des yeux, elle lui a dit qu’elle voulait être seule pour se fondre dans ces éléments à la fois hostiles et accueillants. Il la surveille, simplement pour la raccompagner vers la sortie de ce labyrinthe magique. La nuit est quasiment là maintenant, et dans le 4x4 qui la ramène à San Pedro de Atacama, elle pense déjà que dans quelques courtes heures il faudra se lever pour assister au lever du soleil sur les geysers du Tatio.
 
Maëlle retrouve Carlo, son guide d’hier, à la réception de l’hôtel à 3 heures et demie du matin. Un peu de route et les voilà arrivés sur un vaste emplacement où sont déjà garés de nombreux véhicules. C’est la meilleure heure pour venir. Maëlle découvre un champ de fumerolles blanches qui contrastent avec le sol gris foncé à cette heure-ci. Elle s’avance prudemment, surtout ne pas s’approcher du bord des mofettes, ces trous d’eau gigantesques dont le rebord est extrêmement friable, sous peine d’être engloutie dans l’eau qui est à environ 80°. Le froid est pourtant assez piquant sur ce plateau. A intervalles irréguliers, le geyser se forme. L’eau monte en une énorme bulle qui éclate vers le ciel en projetant l’eau bouillante. La terre est vivante, on dirait qu’elle respire et qu’elle se débarrasse d’un chaos intérieur indésirable. Maëlle ne se lasse pas de guetter l’eau redevenue tranquille, jusqu’au prochain frémissement annonciateur de la prochaine révolution. Elle en oublie le froid qui lui mordille les joues, tout le reste est soigneusement enveloppé de gants, bonnet, doudoune, pantalon chaud et grosses chaussures.
 
Un peu plus loin, un geyser fontaine crache eau et fumée, on dirait une énorme cheminée posée du sol. Le conduit intérieur est assez fin et l’eau en ressort d’autant plus violemment.
 
Le soleil qui se lève fait ressortir quelques couleurs cachées jusque-là. Le sol est gris, noir et rouge, avec quelques traînées verdâtres. Les fumées sont parfaitement blanches et se découpent devant le ciel déjà bleu.
 
Un peu plus tard, assise à même le sol, un peu éloignée du plateau, Maëlle, submergée par l’émotion de ces deux derniers jours, essuyait une larme qui coulait lentement le long de sa joue droite. Il n’y avait aucun mot qui pouvait raconter ce qu’elle venait de vivre.
 
 

Rédigé par Bernadette

Publié dans #Trésors du monde

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