LE TEMPS DU VOYAGE

Publié le 21 Février 2023

INSTANT
Juste avant que ce soit à moi d’intervenir il n’y avait rien. Je n’existais pas, du moins pas encore. J’ai connu le néant total de toute chose et d’un coup je ressens cette violente propulsion originelle jamais encore généré par cette substance créative qui s’apprête à devenir fertile
Je suis la toute première Seconde engendrée par la création l’univers.
Alors que j’initie mon récit, d’autres secondes s’activent et se projettent au-delà cet espace sans frontière incorporelle. Des particules les escortent dans cette odyssée sans précédent au cœur même de cet océan pluridirectionnel devenu Espace.
Au travers de moi, grandit ce pouvoir immense, sans détour, implacable, et irréversible, il se nomme Temps. A la minute où je vous parle tous deux s’unissent et de cette fusion une puissance inégalée apparaît.
Je navigue sans finalité sur cette étendue neuve. Je croise déjà au large de nébuleuses vaporeuses en train d’éclore, de se dilater dans des proportions incommensurables, arborant des lumières absolument inouïes, aux clartés somptueuses. Je parcours des milliards de kilomètres en un souffle indescriptible, sans fondement propre. Je suis une route sans détour, ni pré-établie. Je fais partie de cet ensemble neuf. Des galaxies s’éclairent tout autour de moi. Je rebondis sur des morceaux à la fois solide et gazeux, la Matière originelle, sur laquelle s’agglutinent des myriades d’atomes et molécules gonflés de Vie. C’est une tempête organique, à la recherche d’étoiles, soleil, de planète déjà en formation, afin de les trouver et les ensemencer.
Mon histoire a déjà une somme incalculable d’heures. Ce qui n’était au départ qu’un étincelle initiale, grandit en moi, se métamorphose en une énergie que j’ignorais posséder.
L’Univers enfle et s’étend sans mesure. La matière se forge et s’agrippe sur toute choses prête à la recevoir. L’Espace et le Temps mutent en un Personnalité unique.
Et moi, la Seconde première, perpétue ma trajectoire éperdue, avec des pulsars, des comètes flamboyantes comme compagnons de route, dans ce voyage sans visa de retour.
Au moment où je m’adresse à vous, je ne sais pas ce qu’il adviendra de tout ça.
Tout ce que je sais, c’est que moi, au tout début j’étais là.
...
TOUS LES INSTANTS D’APRÈS
Quand, exposé dans le vétuste musée des sciences de notre petite ville, j’ai découvert ce bout de météorite biscornu, gros comme orange écrasée, malgré mes à peine 10 ans, j’ai compris que, comme le soufre de l’allumette, ma curiosité s’enflammait d’une étincelle qui durerait, j’en étais presque sûr, pour longtemps, voire toujours.
 
En grandissant, ma part de rêve et d’espace ne me quitta plus. Je me plongeais dans les études et je m’abreuvais de recherche de savoir, mais des myriades questions s’amoncelaient tandis leurs réponses suffoquaient. J’arpentais la fin de mon adolescence et mes livres, l’école devenaient une frontière contraignante.
 
Un matin mon envie de course au trésor, tel un chien qui demande pour sortir jouer, posa sa truffe humide sur un rebord de mon cœur. Une brise légère et tiède jouait avec le tissu des rideaux, les lueurs douces de l’aube naissante, se faufilaient entre les lattes des persiennes, les premières rumeurs citadines bourdonnaient, le goût acidulé et pétillant de l’aventure me réveilla, d’un bond je quittais mon lit. Une douche, un café, mon sac, des fringues, un carnet, mon appareil photo, mon argent économisés dans ma poche, un message pour mes parents pour ne pas qu’ ils s’inquiètent,
(mais quels parents ne s’inquiètent jamais) et me voilà sur le seuil de ma maison que je m’ apprête à quitter.
Je vais le franchir tout va changer, et je repense à mon compagnon le météorite, vestige du fameux big bang.
 
En ce temps n’y avait rien et une seconde après…
Quelle Seconde Magique ce dût être ! Belle, mystérieuse, quasi mystique, qui fait tout basculer et propulse, sur une trajectoire, une perpétuelle marche avant à l’image de ce caillou, voyageur interstellaire, minuscule miette d’univers, qui aura traversé l’insondable Espace nous surplombant pour conclure son embardée loufoque sur notre Terre, dans une pièce mal éclairée et poussiéreuse et enfin parader devant mon regard d’enfant émerveillé jusqu’à la fin de mon temps à moi, notre temps à nous tous.
 
Et je suis parti. Bus, train de banlieue et grande ligne, au gré des jours, des semaines des mois, copie tracée sur papier calque de la particule primaire lancée dans le cosmos primitif, j’abordais mon odyssée dans ma galaxie terrienne.
Durant la principale partie de mon avancée, j’ai bourlingué au cœur palpitant de fortunes éparses, mon appétence en évidence, comme une baïonnette posé bout du canon, quand le moment arrive pour partir au front.
Mes champs de bataille, c’était un globe de presque 40 000km d’un point à l’autre.
Mon passeport en poche, les frontières devant moi décuplèrent encore plus mon énergie cinétique.
 
Bien des lieux, monuments, méritent d’être vus. Le soleil couchant sur les pierres blanches en granit du château d’Amboise, les odeurs de pins l’été dans les gorges du Tarn, bien des œuvres sont à découvrir : Radeau de la Méduse, le couronnement de Napoléon, des livres d’Irving, Pagnol, Bradbury ou Simon valent une lecture paisible, ne serait ce qu’une fois. Mais moi, l’émotion qui m’a chopée, me chope et me chopera toujours en refermant les crocs de ses mâchoires sur mon cœur, en jouant de lui comme un simple bout de barbaque, lorsque je me retrouve face à de ses vestiges de notre passé antique, autant « d’astéroïdes » édifiés par la main humaine qui, après une traversée en funambule sur fil de plomb des siècles et millénaires, s’érigent en conteur des légendes d’autrefois. J’aimerais vous décrire avec justesse ce qu’on ressent quand à la sortie du canyon forgé par une rivière fossile il y est milliers d’années, on voit la ville Pétra dans le désert de Jordanie, sculptée dans la roche rouge témoignage d’une civilisation nabatéenne disparue.
 
Si vous saviez tout ce que mes yeux ont vu.
Si vous saviez tout ce que mes yeux ont vu. J’en deviendrais vite intarissable.
Et si je dois vous causer de mes déserts, celui du Yémen, celui de Namibie, de la grande plaine du Dakota, les Moaï de l’Île de Pâques, le Colisée de Rome, le Mur d’Adrien, Stonehenge, le temps me manquera.
Les hommes, la société, les civilisations vont, viennent, naissent grandissent meurent et se remplacent l’une par l’autre, mais leurs histoires, leurs mémoires subsistent au travers les pierres qu’elles taillent et laissent sur le bords de notre course éperdue dans le feu de notre existence.
Et si c’est ça que ma pierre spatiale, celle de ma jeunesse, cherchait à me dire… ?
...
DES ÂMES, DU VENT ET DE LA POUSSIÈRE
De nouveau sur la route et encore une fois ma trajectoire en diagonale.
On a quitté Oaxaca au Mexique, le souvenir de mon séjour ne me lâche pas d’un pouce. Au départ j’étais juste en transit là-bas, à la recherche d’un moyen de transport pour me rendre au Pérou. J’avais trouvé une chambre dans une pension de famille, pour me reposer, chez Ana-Lucia. Toute la ville se préparait à El Dias del Muertos, la Fête des Morts. Chaque année, au début de Novembre, on invite l’âme des défunts à festoyer et danser avec les Vivants. Des costumes de squelettes envahissent les rues sur des rythmes endiablés. La Mort est moquée et tournée en dérision et les Âmes des Trépassés qui la côtoient depuis, sont accueillies à bras ouverts.
Chaque famille honore ses disparus, prépare des offrandes à leurs égards en confectionnant des plats et des pains spéciaux à la farine de maïs, décorés de figurines en terre. Ana-Lucia m’a convié à m’asseoir à sa table au côté de sa famille, pour partager leur festin destiné à saluer la mémoire de son mari, Fidel, qui venait de les quitter. Autour de moi, certains tapaient contre les murs ou avec un marteau sur des marmites, toutes les portes et fenêtres demeuraient grandes ouvertes, pour que l’Esprit des Disparus ne rentre pas la maison. On a mangé du Molé et des Tacos, on a bu de la Cerveza et du Mescal.
Tout autour de moi aucune tristesse, juste une allégresse ambiante de se retrouver à nouveau réunis entre vivants et présences invisibles. Tout ce monde chantait, riait, au son des mariachis. Ana-Lucia m’a regardé et m’a demandé, en buvant une gorgée de tequila :
– C’est Pour Fidel ! C’est ta première Fêtes des Morts ?
– Oui, chez moi, la Toussaint ça n’a rien a voir, j’ai répondu.
Et elle enchaîne :
– Pour nous ce sont des jours importants, on retrouve durant quelques heures celles et ceux qui voyagent ailleurs dans ce pays voisin transparent. On ne les voit pas mais ils sont là, crois-moi.
Elle a tourné les talons pour repartir en dansant vers la cuisine.
Près de moi, Miguel, son frère :
– Si tu avais connu Fidel, je pense que vous vous serez bien accordés. Vous avez la même attitude rêveuse. Si tu avais pu les voir ensemble, je leur disais toujours, toi et Ana-Lucia, Madre de Dios, à vous deux vous êtes la personne parfaite.
Puis, il ajoute :
– Je vais t’expliquer la véritable histoire de cette journée. Il faut remonter très loin dans le temps et l’espace. Dans les croyances précolombiennes, bien avant les Aztèques, quand on mourrait on effectuait un voyage qui durait quatre ans, au cours duquel l’Esprit du mort devaient traverser neuf mondes et surmonter de multiples épreuves, pour parvenir enfin au Mitlàn, le lieu du repos éternel, faire partie d’un tout. Et une fois l’an, ils reviennent nous saluer ; et nous avec tout ça on les salue en retour.
 
Le soir commençait à tomber, tout le monde s’est mis en route, on est parti vers le cimetière pour se retrouver sur la tombe de Fidel. De partout, des bougies, de la musique, la fumée odorante du copal, sorte d’encens à base de résine et sciure de bois, et des bouquets de cumpasuchil, ses fleurs orange, spécifiques pour cette célébration.
On est restés là, jusqu’au lever du jour, et on est rentrés.
La tête alourdie par la bière et trop de tequila, je buvais un café très fort pour me réveiller.
Ana-Lucia se tenait près de moi, en fumant une cigarette. Toujours son petit sourire au coin des lèvres, elle me demande :
– Pourquoi le Pérou ? Il y a une Chiquita, une femme qui t’ attends là-bas ?
– Oui, j’ai répondu, mais pas comme tu l’imagine !
Et comme les effluves de l’alcool ingurgité tout au long de la journée précédente stagnaient encore dans mes cellules et que la caféine n’agissait pas encore, en pleine désinhibition, je me suis mis à lui raconter ma vie, mon histoire obsédante avec les vieux cailloux de du cosmos, ma fascination pour les ruines du passé, la véritable raison de mon odyssée.
Et je lui parlais du Pérou, des géoglyphes mystérieux du désert de Nazca et de Maria.
Tous ces alliés complices qui ont, un soir, pris en otage ma curiosité maladive, expliquant ma position actuelle en temps et heures sur ce bout d’espace terrestre.
 
Voilà plusieurs mois, dans ma chambre d’auberge de jeunesse de Vik, en Islande, à quelques mètres d’une plage de sable et galets noirs, minuscules fragments de la lave basaltique qui recouvre la région, je ne trouvais pas le sommeil. Je passais d’une chaîne à l’autre sur ma télé sans savoir, d’un coup je tombe sur un vieux reportage en noir et blanc, le visage patiné par le temps de Maria Reiche la dame de Nasca, et son désert insolite inondèrent ma fenêtre cathodique.
Il y a plus de 2000 ans, au Sud du Pérou, le peuple Nazca, ancêtres des Incas, gravaient dans ce désert où il n’y a presque pas de vent, où il ne pleut presque jamais, des œuvres monumentales et, aussi incroyable que cela puisse paraître, cette relique humaine est demeurée secrète durant plusieurs siècles. A la fin des années 20, des archéologues grimpent une colline observent dans cette vallée de curieux sillons, ils n’y prêtent peu d’attention, pensent que ce sont justes d’anciens chemins d’irrigation. En fait ils ignorent encore qu’ils viennent de mettre à jour un trésor du monde, passé et actuel. Le reportage montra alors une vision aérienne en noir et blanc du site et les figures apparurent, un homme stylisé de plus de 30 mètres, un colibri, un singe, un poisson. Et Maria repris sa narration, elle avoua que depuis son arrivé, dans les années 40, elle avait répertorié plus de 800 lignes dont certaines s’étalent sur plusieurs kilomètres et des centaines de gravures titanesques, passant chaque jour à les dessiner, classer et à les balayer toutes ces lignes au fur et à mesure.
 
Imaginer, son corps voûté, courbé par l’âge, suivant chaque trace avec son balai, pour éloigner cette poussière du temps, figée sur ce morceau de monde…
Bien des théories, par la suite, furent échafaudées, des plus farfelues aux plus hypothétiques, mais c’est Maria qui, à force de les côtoyer, a révélé leurs véritables fonctions, un gigantesque horoscope céleste à destination des dieux.
La région était oubliée, voire juste un point sur la carte, mais tout son travail colossal accompli à remis à jour et rendu célèbre ce pays désertique. Son combat pour la préservation aboutit le jour elle réussit à le faire classer au patrimoine de l’humanité. Aujourd’hui, elle repose juste en face de ses lignes.
 
Trouvant ensuite une once d’évasion dans mon sommeil paradoxal, je fis des rêves peuplés de traits entremêlés et animaux au contours bizarroïdes. A mon réveil, l’aube pointait son museau, une évidence me pétrifia, il fallait que je parte, que je découvre par moi-même, ce fragment d’histoire démesuré. Après la traversée d’une mer, d’un océan et d’un continent, je touche presque qu’au but. Quand j’ai fini de lui parler de tout ça, Ana-Lucia a jeté sa cigarette, a fixé ses yeux dans les miens, elle a juste dit :
– En route je t’emmène là-bas.
Guatemala, Nicaragua, Équateur, Colombie, notre périple touche presque à son but.
On roule toujours, on a quitté Lima depuis six heures.
Le soleil se dandine tout en haut du vieux combi Volkswagen pour que la chaleur dans l’habitacle s’en donne à cœur joie. J’ai très soif, on a fini les dernières bouteilles d’eau et nos sodas qui, même tièdes et éventés, nous auront bien dépannés. Pas de station-service ou de drugstores en vue. La Pan Americana, long serpent de bitume, s’étale devant nous au milieu du sol aride et rien qui bouge.
Mon dos accuse le coup de ce voyage interminable, les amortisseurs du véhicule, s’ils existent encore et au vu du ressenti de mes lombaires, ils ne servent plus à rien. Sans doute aussi vieux et usés que cet espace au visage lunaire que nous parcourons.
A côté de moi, mains scotchées au volant, pied figé sur l’accélérateur pour mieux faire couiner les roulements à bille du moteur, Ana-Lucia, ma conductrice et guide imprévue, n’arrête pas de sourire et me regarde en fredonnant les paroles d’une chanson qui bourdonne dans la radio :  Cuando el viaje acabe, tal vez sea feliz...
Avec mon espagnol sud-américain un peu bancal ça se traduit ainsi : quand le voyage sera terminé, peut être que je serai heureux. Devrais-je me sentir tout à coup concerné, moi qui parcourt notre monde depuis si longtemps ?
Et elle éclate de rire, comme pour me narguer. Le vent de la vitesse qui s’engouffre par la vitre absente de sa portière se joue de ses longs cheveux noirs grisonnants, comme les filaments désordonnés d’une comète espiègle.
Je m’assoupis quelques minutes. Un coup de frein, me secoue, je me cogne contre ma vitre.
Ana-Lucia se tient hors du fourgon. Je la rejoins.
– Regarde ! Sur le sol, m’intime-t-elle.
Et je regarde, de part et d’autre de la nationale, un long sillon coupé par le goudron. Sans un mot, nos pensées se rejoignent, et on suit l’une d’elle. Elle escalade la pente d’une colline, on adopte en parallèle cette même trajectoire, et on arrive, avec elle, tout au sommet. Les pierres roulent sous nos pas, il fait chaud, l’atmosphère ambiante est sèche. Et puis il y a ce petit sifflement, ce mince filet de vent qui flirte avec les rochers chauffés à blancs. Et puis je sens une main qui se met à serrer très fort mon avant-bras. Je regarde Ana-Lucia, elle pointe son doigt, mes yeux suivent cette direction et dans ce presque silence, comme figé dans une sorte d’Espace-Temps, je les parcours, les paupières grandes ouvertes, ébahi. Les Lignes de Maria, elles partent dans toutes les directions, de manières précises et mystérieuses. Inimaginable de songer un seul instant que des milliers d’années auparavant des personnes aient pu concevoir pareil ouvrage, le témoin silencieux d’une épopée humaine aujourd’hui disparue.
Tout à coup Ana-Lucia éclate de rire.
– Et ta Maria elle a balayé tout çà ?
On est restés là, jusqu’au coucher du soleil, on avait faim, soif, on avait besoin d’une bonne douche, on a repris la route jusqu’à la ville. On a laissé le soir venir, recouvrir une fois de plus le désert de ses secrets et sa légende. A mesure que la voiture s’éloignait, j’ai compris que, parfois, on passe son temps a chercher des réponses qu’on ne trouvera sans doute jamais, que certaines doivent restées ainsi, irrésolues et clandestines.
Il était temps pour moi, de rentrer.
...
AMAZONIA
 
Le soir tombe sur Copacabana, le Corcovado et son Christ en béton se drapent d’orange. Depuis le début de mes voyages, c’est bien la première fois que le mal de chez moi se manifeste. Comme un petit mordillement, sur le bord de ma carte mémoire qui sauvegarde mes souvenirs originels.
Le soleil se barre de plus en plus. Au loin, en pleine perpendiculaire de ma chambre d’hôtel, une autre lumière s’allume, électrique, une carapace fluorescente d’un insecte chimérique. Un rugissement s’échappe de ses poumons translucides et tout d’un coup ça se met à cogner, comme la pulsation d’un cœur, aux battements de plus en plus réguliers, de plus en plus sourds, de plus en plus forts. Pareil au feulement d’un tigre subitement revenu à la vie, ce qui n’était que rumeur devient clameur, ce qui n’était que murmure devient bruit. Le sambodrome explose et Rio se réveille. Le tempo des batucadas claquent. Les sifflets enflamment l’espace. De ma rambarde, je distingue le haut des gradins, qui se soulève, balance, sans interruption, comme la crête en écumes multicolores d’une vague emportée par le tumulte frénétique et incandescent des rythmes de la Samba des Cariocas.
Et d’un coup l’espace-temps me téléporte à un moment de mon enfance, du carnaval dans ma ville, pas le corso qui défilait dans le centre, non, celui qui s’animait dans mon quartier. Un carnaval fait de bric et de broc, où la farine remplaçait les confettis. Où on se masquait avec des bouts de cartons, se déguisait en costumes de feuilles crépons. Un seau vide devenait un tambour sur lequel on tapait avec des baguettes en bouts de cagettes. On slalomait entre les grosses têtes biscornues en papier mâché et les caddies de supermarché transformés, pour l’occasion, en chars royaux. Et cette cohue bringuebalante terminait son périple tonitruant sur la place du marché, dans un tintamarre ahurissant et dissonant.
Quand tout le monde s’en allait, il ne restait plus sur le trottoir comme une espèce de neige volatile et vaporeuse, prête à s’envoler aux premières bribes de vent.
Je reviens de mon voyage extra-temporel, devant moi la fête redouble de danses, de sons endiablés d’une foule qui se déchaîne. Ça hurle, ça chante, ça crie.
Le bruit c’est la vie. Ici encore plus qu’ailleurs. Et la nuit commence à peine...
...
DES RÊVES DE POUSSIÈRE
Après avoir tant parcouru ce monde du nord au sud, d’est en ouest, me revoilà revenu à mon point de départ, le seuil de ma porte retraversé en sens inverse. Après avoir parcouru tant de lieux des plus peuplés aux plus désertiques, côtoyé des personnes des plus solitaires aux plus chaleureuses. Je me remémore chaque paysage, chaque visage.
Plusieurs jours se sont écoulés depuis mon retour, le regard accroché à ma tasse de café, posée sur cette table pleine de poussière, que j’arrive toujours pas à ôter, comme si elle conservait en elle le témoignage fossilisé de ma si longue absence.
Après avoir vécu tout ça, je déchiffre au travers toutes mes trajectoires, toutes ces lignes, ces traces qui j’ai suivies, que les véritables trésors, ils subsistent, sur une île éperdue qui flotte quelque part à l’intérieur de nous.
Qu’il n’existe aucune richesse, que ce soit sur cette Terre, dans un quelconque recoin inexploré de l’UNIVERS, sur une galaxie inaccessible, que cette fortune de vivre, respirer, et sentir cette pulsation unique, qui se nomme Cœur.
Que le meilleur voyage qui soit, que l’on doive entreprendre, c’est celui d’apprendre à le connaître. La direction la plus ultime, demeure celle qui nous mènera toujours à lui. Je repense à cette chanson qui dit :
« C’est pas moi qui est fait des voyages, c’est les voyages qui m’ont fait… »
A présent à vous de faire le votre de Voyage…
 
Jean-Michel ANDREIS

Rédigé par Atelier Ecriture

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