DÉCOMBRES

Publié le 18 Février 2023

 

LE TRAIN DE WALLRICH

Perdu dès 1942 après avoir été abandonné lors d'un bombardement sur la ligne de front en Alsace, les Allemands qui devaient me convoyer jusqu'à Berlin furent anéantis. Les combats d'une rare violence persistaient dans cette région. Plusieurs bataillons allemands ou alliés se trouvèrent face à face, avançant ou reculant jusqu'à la retraite de l'armée d’Hitler. Le train, oublié d'abord, disparut comme par enchantement. 1943, des mercenaires bien renseignés volèrent tous les trésors entassés dans les wagons. Après plusieurs jours d'errance nous nous retrouvâmes dans les Alpes-Maritimes, enfouis dans une grotte d'une proche colline. Des travaux de terrassement furent entrepris pour pouvoir nous enfouir, puis la grotte fut murée. Des années plus tard, une bande de jeunes munis d'une corde essayèrent de pénétrer à l'intérieur. Ce devait être des amateurs car ils n'étaient pas équipés pour cette aventure. Après cet échec ils ne revinrent pas. Ils sont tout de même arrivés près du but car on nomma cet endroit : grotte des "grattas pignatas".

NICE

Quittant les grottes, nous avons fait une halte au bistrot du coin pour boire une limonade. Le patron, après nous avoir écouté, nous indiqua d'autres lieux à explorer sans danger. Le dimanche suivant nous partîmes de la place du port pour une ballade jusqu'à l'embouchure du Var. Après une génuflexion et un signe de croix sur les marches de l'église, nous nous dirigeons vers le monument aux morts. Édifice construit dans les années 1924 pour honorer les morts de la guerre 14/18. Édifié en pierres blanches au bas de la colline du Château, toutes les commémorations se font à cet endroit. Face à lui, à droite de la digue, un emplacement réservé pour les bennes qui viennent déverser dans la mer les ordures ménagères de la ville. J'ai assisté une fois, ébahi, à cette manœuvre. Nous empruntons la rue Rauba Capeu, le virage du même nom. Nous longeons les maisons basses du quai des États-Unis car l’accès aux terrasses est fermé. A notre gauche la mer évidemment, les bains de la police, la plage des Ponchettes ou les pêcheurs tractent les pointus sur les galets. L'Opéra Plage face à l'arrière du bâtiment, plus loin Beau Rivage puis l'embouchure du Paillon. A quelques pas, le merveilleux casino de la Jetée construit en 1882, et démoli par les Allemands avant la débâcle. Début de la promenade des Anglais avec le Rhul, grand hôtel, plus loin le Palais de la Méditerranée, suivi par le Négresco, limite de la ville. Quelques petites villas jusqu'à Magnan, des îlots d'habitations comme Carras, Ferber, les collines avec les orangers, citronniers. La route se rétrécit, une rangée de pins parasols est plantée en séparation d'un aéroport avant l’embouchure du Var. Un virage serré à droite, et en bordure du fleuve, un hippodrome.

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LES VILLAGES
 
Tel un kangourou, je fais un bond des années 1950 à un nouveau siècle. De mes randonnées à vélo me reviennent des sensations que je croyais oubliées. Aujourd'hui je vous amène de Nice nord à Gairaut. Je laisse sur ma droite les deux kilomètres le long du canal. Lorsque les vannes sont ouvertes l'eau s'écoule lentement, prenant son temps, sinuant en couple avec le chemin prisé par des promeneurs ou autres sportifs adeptes de courses à pieds.
Coté nord des arbres d’essences différentes le bordent. Selon la saison, ce sont des pins qui bourgeonnent sans bruit. Les aboiements de chiens troublent un peu ce moment agréable où l'on assiste au lever du soleil sur la Méditerranée. Coté est du canal quelques figuiers hésitent à s'éveiller car les saisons sont chamboulées. Les mûres noires des buissons sèchent avant leur maturité à cause de la sécheresse. Les plaqueminiers le vivent mieux. Si les kakis sont de petits calibres, ils sont délicieux. Les couper en deux et mordre à pleines dents dans cette chair orange est un pur bonheur pour le palais.
Je me suis égaré, je voulais vous amener voir les chutes d’eau de la cascade de Gairaut et l'église avec son cimetière où est enterré l'ancien maire de Nice, Mr Jacques Médecin. Nous y reviendrons par beau temps car aujourd'hui la pluie menace. Je continue ma grimpette sur une route sinueuse qui m'amène à Aspremont, charmant village qui domine la plaine du Var, et carrefour de plusieurs petites routes. La pluie menace mais nous avons le temps d'arriver à Saint-Blaise. Dominant le village, un moulin à huile construit au 18ème siècle, restauré en l'an 2002, pour permettre les visites. Mais mon but est surtout la charmante chapelle à l'entrée du village. Que des bonnes ondes, un havre de paix.
Un temps de recueillement et direction Levens où nous débouchons sur le grand pré. Qu'elle est ma surprise quand je reconnais mon âne Cadichon qui m'avait accompagné il y a quelques années dans certaines péripéties ! Je vous amène en haut du village où une piscine dominante a été construite dans les années 1950 alors qu'elles étaient très rares dans les villas qui commençaient à se bâtir.
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RESSENTIMENT
 
Nice, ville de carnaval ! Mais que reste-t-il du carnaval populaire, grotesque volontairement, créé pour les Niçois du peuple, personnages rustiques. Je ne suis pas contre le progrès, le changement. J'ai assisté au fil des ans à son évolution, les cavalcades ont disparu mais les chars sont devenus des œuvres d'art. Les grands panneaux noirs ont encerclé de plus en plus la place Masséna au pied de laquelle ont poussé des gradins pour touristes fortunés. De fête populaire le carnaval est devenu interdit aux Niçois. Les anciens n'y vont plus. Les plus jeunes s'essaient à resquiller, mais impossible, les forces de l'ordre encerclent tout le parcours du défilé.
Malheureusement, un certain soir de 14 juillet, ils étaient ailleurs. Oui, la ville s’embellit, la promenade du Paillon est une réussite, le changement s'accélère. On démolit des théâtres construits quelques années auparavant. On plante de la verdure le long des trottoirs pour compenser tant soit peu le bétonnage de l'ouest de la ville.
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Ils sont venus à Nice pour voir et entendre le carnaval. Ils ont payé cher pour des places dans les tribunes. La musique envahit la place Masséna bien avant le défilé. Des bruits haut perchés, des sons d'instruments inqualifiables dans ce brouhaha. Évidemment chaque char, chaque groupe a son orchestre. Les oreilles morflent, car peut-on encore nommer musique cet entrelacement de sons d'instruments différents qui ne jouent pas le même morceau. Heureusement il y a les lumières vives, violentes, les couleurs chamarrées des personnages plus que grimées qui circulent en se faufilant entre les chars. Le roi du carnaval est magnifique, habillé richement de vêtements multicolores, animé par une machinerie invisible mais efficace, il salue ses sujets du haut de son trône.
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Relisant mes deux derniers essais sur le carnaval, je m'aperçois que je n'ai pu m’empêcher de critiquer. La critique, mon gros défaut. Sachant que le carnaval va être plébiscité, je me plais à souligner les envers du décor. Si les jeunes de mon époque ont connu l'après-midi des plâtres, l'évolution des grimaces en sourires, la construction des chars et les groupes en œuvres d'art laissent un peu dubitatif. Le but et la finalité de ces festivités est tout autre qu'à l'origine.
Mercredi 15 février je suis allé sur la place Masséna pour admirer les deux chars du roi et de la reine. Bravo aux carnavaliers. Je suis reparti par le boulevard Jean Jaurès. A nouveau ces panneaux noirs que j'exècre. Même pas quelques miettes pour le peuple. Les Niçois qui le peuvent se sont exilés vers les stations de skis qui en ont fait leurs choux gras.
 
Louis NARDI
 

Rédigé par Louis

Publié dans #Trésors du monde

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