AMAZONIA

Publié le 21 Février 2023

 
Le soir tombe sur Copacabana, le Corcovado et son Christ en béton se drapent d’orange. Depuis le début de mes voyages, c’est bien la première fois que le mal de chez moi se manifeste. Comme un petit mordillement, sur le bord de ma carte mémoire qui sauvegarde mes souvenirs originels.
Le soleil se barre de plus en plus. Au loin, en pleine perpendiculaire de ma chambre d’hôtel, une autre lumière s’allume, électrique, une carapace fluorescente d’un insecte chimérique. Un rugissement s’échappe de ses poumons translucides et tout d’un coup ça se met à cogner, comme la pulsation d’un cœur, aux battements de plus en plus réguliers, de plus en plus sourds, de plus en plus forts. Pareil au feulement d’un tigre subitement revenu à la vie, ce qui n’était que rumeur devient clameur, ce qui n’était que murmure devient bruit. Le sambodrome explose et Rio se réveille. Le tempo des batucadas claquent. Les sifflets enflamment l’espace. De ma rambarde, je distingue le haut des gradins, qui se soulève, balance, sans interruption, comme la crête en écumes multicolores d’une vague emportée par le tumulte frénétique et incandescent des rythmes de la Samba des Cariocas.
Et d’un coup l’espace-temps me téléporte à un moment de mon enfance, du carnaval dans ma ville, pas le corso qui défilait dans le centre, non, celui qui s’animait dans mon quartier. Un carnaval fait de bric et de broc, où la farine remplaçait les confettis. Où on se masquait avec des bouts de cartons, se déguisait en costumes de feuilles crépons. Un seau vide devenait un tambour sur lequel on tapait avec des baguettes en bouts de cagettes. On slalomait entre les grosses têtes biscornues en papier mâché et les caddies de supermarché transformés, pour l’occasion, en chars royaux. Et cette cohue bringuebalante terminait son périple tonitruant sur la place du marché, dans un tintamarre ahurissant et dissonant.
Quand tout le monde s’en allait, il ne restait plus sur le trottoir comme une espèce de neige volatile et vaporeuse, prête à s’envoler aux premières bribes de vent.
Je reviens de mon voyage extra-temporel, devant moi la fête redouble de danses, de sons endiablés d’une foule qui se déchaîne. Ça hurle, ça chante, ça crie.
Le bruit c’est la vie. Ici encore plus qu’ailleurs. Et la nuit commence à peine...
 

Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Trésors du monde

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