LE CHOC
Publié le 18 Décembre 2022
Avec, pour incipit, un emprunt à Pierre LEMAÎTRE
Ce fut un instant d’euphorie soudaine, comme il nous arrive à tous, où l’on dit : laissez c’est moi qui paie ou tu veux qu’on se marie ? Des phrases dont on ne mesure pas les conséquences.
Ce matin là, une foule à quatre vingt pour cent féminine se pressait sur le parvis du Tribunal de Nice. Les affaires jugées en ASSISES attiraient mille et un curieux épris de sensations fortes.
Un viol de surcroît ! Un Commissaire de Police niçois avait fait la une du journal NICE MATIN durant plusieurs semaines. Trois femmes avaient osé porter plainte contre des « hommes hauts placés » lors d’une soirée mondaine, dont un digne responsable de la Police des mœurs.
Le procès de ce dernier avait donc lieu ce six septembre mille neuf cent soixante dix.
Assistante d’un juge, je faisais partie de l’aventure. Pourtant habituée à ce genre d’affaire, je vous avoue que là, j’étais loin d’être à mon aise.
La raison était personnelle. Mon jeune âge, j’avais tout juste vingt ans m’avait entraînait dans une histoire peu reluisante, voire éprouvante. J’avais vécue des interrogatoires qui me laissaient encore un goût très amer.
Le choc passé, j’avais repris mon travail. Malgré ma demande de retrait pour cette audience, le Juge avait été intraitable je serai son assistante. Il considérait que cette épreuve serait un plus pour ma carrière.
Dans le brouhaha de la salle des avocats, je mettais mise à l’écart, un chocolat chaud dans ma main, histoire de réchauffer le froid glacial que mon corps ressentait.
Là je me mis à repenser à notre première rencontre :
Dans mon bureau attenant à celui du Juge avec lequel il avait rendez-vous. Il se présenta Marc B…. commissaire de police de la brigade des mœurs. Très impressionnée par son titre, mais totalement sous le charme de cet homme séduisant, le mot est faible.
Je le priais de s’asseoir sur le siège face à mon bureau, ce qu’il fit tout en souriant, un regard insistant posé sur moi. Ses yeux clairs me transperçaient, je sentais une chaleur m’envahir j’étais incapable de répondre au téléphone ce qui parut l’amuser.
Notre idylle commença peu de temps après. Malgré sa trentaine il accepta de connaître la joyeuse bande d’amis de mon âge. Un voyage à l’ile Maurice était prévu pour les vacances, le sable blanc dans ses bras me faisait rêver.
Le rêve s’arrêta brutalement avant les congés judiciaires. Ce matin là, à peine arrivée dans mon bureau, le juge me pria de le rejoindre, il avait la mine grave.
Il prit un chaise face à la mienne, une grande inspiration et enchaîna sans attendre me laissant totalement hébétée.
En quelques minutes ma vie s’effondrait. Je venais d’apprendre que Marc, mon Marc avait été incarcéré pour viol. Je fus prise d’un vertige, je n’entendais plus rien...je me retrouvais assise dans un fauteuil humant des arômes forts qui me ramenèrent à la réalité.
Le Juge me tenait les mains me réconfortant avec des mots chaleureux.
Le choc fut fatal ! Le soir, pleurant à chaudes larmes j’écrivais le récit de cette journée sur mon journal intime.
Une sonnerie stridente me tira de ma rêverie. L’entrée en salle d’audience était éminente.
Le Juge venait vers moi, rassurant, souriant, il me murmura gentiment Mlle MARTINO tout va bien se passer …
JM