IL LAGO MAGGIORE
Publié le 29 Janvier 2023
Maya ne m’avait pas donné de ses nouvelles pendant plusieurs jours après sa visite au Mont-Saint-Michel. Puis je reçus un texto d’elle me disant qu’elle traversait la France en diagonale depuis la Normandie. Elle envisageait même de passer par l’Italie du Nord avant son retour à Nice. Elle avait écrit : « Tu m’as tellement parlé de cet endroit magique qu’il faut que j’aille le voir de mes propres yeux ». J’ai compris tout de suite à quel lieu Maya faisait allusion. Je lui avais décrit la région sud du lac Majeur entre le Piémont et la Lombardie avec force détails et avec tout l’enthousiasme que cet endroit avait fait naître en moi quand je l’avais découvert quelques années auparavant.
Et voilà que tous les souvenirs des moments heureux passés au bord du lac Majeur me revinrent pêle-mêle intensément en mémoire. La première fois qu’il m’était apparu au détour de la route après plusieurs heures de voiture au départ de Nice, cela avait été comme un coup de foudre. Enfin il était là ! Sa couleur verte reflétant la nature environnante et son calme avaient ravi mes yeux, quelque chose d’impalpable s’en émanait et j’ai su à cet instant là que cette rencontre allait donner un autre sens à ma vie.
Il avait plu souvent en fin de journée lors de mes séjours à Angera, petite ville italienne au bord de l’eau. Au crépuscule, de la fenêtre de l’hôtel ouverte sur le lac, j’aimais écouter le bruit de la pluie tombant sur les larges feuilles des bananiers, le crépitement des gouttes sur l’eau, et sentir l’odeur âcre de l’herbe mouillée. Dans le silence de la nuit, ce murmure me berçait, le lac me paraissant plus sombre, presque noir.
La journée, je prenais souvent la navette pour aller sur l’autre rive et découvrir ses pittoresques petits villages. Certains, comme Arona, étaient animés les jours de marché par les commerçants et leurs voix italiennes chantantes, et je me mêlais avec plaisir à cette ambiance chaleureuse. D’autres étaient plus tranquilles mais tout aussi charmants, comme Belgirate. Celui-ci me plaisait particulièrement avec son église bleue que l’on apercevait de loin, son joli restaurant aux jardinières fleuries qui embaumaient l’air et son tiramisu un régal pour les papilles !
Mais la beauté du lac Majeur je l’ai surtout trouvée éclatante quand, de Stresa, j’ai pris le bateau pour aller aux îles Borromées. Trois îles bien différentes, telles des bijoux posés sur l’eau dans ce décor magnifique qui enchante le visiteur. Je me souviens des parfums des jardins d’isola Bella et d’isola Madre et de la saveur des plats de poissons dégustés sur l’isola dei Pescatori dans un sympathique restaurant au bord de l’eau.
Je trouvais tellement de charme aux petits ports endormis le long des berges, juste quelques barques souvent, dont certaines même prenaient l’eau. Elles semblaient se laisser porter avec douceur et confiance par le clapotis de cette onde paisible. A certains endroits il était facile d’approcher la rive et de toucher l’eau, elle était fraîche et pure sous mes doigts et je m’étais contentée d’y plonger une main et un pied.
Dans cet environnement grandiose entre plan d’eau et montagnes, les belles villas d’époque parsemées sur les rives me faisaient rêver et naître en moi une imagination débordante.
Je me sentais inspirée par leur stature imposante, entourée de jardins verdoyants qui descendaient parfois jusqu’au lac ou par leur ressemblance à de petits châteaux de conte de fée. Et j’inventais, derrière leurs volets souvent fermés, des histoires romanesques de couples valsant sur les parquets cirés.
Maya allait donc découvrir ce lieu qui est devenu pour moi comme un trésor, inspirant et émouvant. Je sentis alors le besoin irrépressible d’y retourner pour revivre toutes ces sensations, poursuivre l’écriture de ce roman commencé là-bas et retrouver cette ambiance italienne, celle de la terre de mes ancêtres. En un instant ma valise à roulette fut remplie. Demain j’irai rejoindre Maya, je reverrai il Lago Maggiore et j’entendrai à nouveau le capitaine de la navette annoncer « Prossima fermata ! »