NATURELS, LES VOYAGES ?

Publié le 18 Février 2023

 
INDESTRUCTIBLE
 
« Élégant, gigantesque, robuste, indestructible, Rome a-t-il construit une œuvre pareille ? »
C'est ce qu'a déclaré Cléopâtre lorsqu'elle m'a présenté à César. C'est la seule fois où j'ai cru apercevoir un semblant de sourire sur son visage. Je m'en rappelle encore. Je suis le phare d'Alexandrie construit en 300 avant JC. Voilà seize siècles que j'existe.
Je ne suis pas encore une des merveilles du monde, mais tout le monde m'admire.
Il faut dire que les dieux se sont penchées sur mon berceau. Le plus grand mathématicien jusqu'à aujourd'hui, Euclide, a mis en application son postulat de géométrie tout en guidant l'architecte dans ma construction. Équilibre, inébranlable, proportions sans failles pour les trois étages...
Bon ! J'arrête il vaut peut-être mieux vous raconter mon histoire !
Le soleil se lève dans la douceur de l'orient lumineux. Les pierres s'animent...
Les meilleures pierres de granit d’Égypte, les clavetages en plomb fondu les plus judicieux pour assembler ce mastodonte.
Un premier étage carré, pyramidal de soixante-dix mètres de hauteur.
Une rampe intérieure accessible aux hommes et aux bêtes pour approvisionner en papyrus, herbes sèches, huile de combustion le deuxième étage octogonal de trente-quatre mètres où tout est transporté à dos d'hommes vers le troisième étage cylindrique. Et là brûle le feu permanent, de jour comme de nuit, visible cinquante lieues à la ronde.
Cent trente cinq mètres de hauteur, vous vous rendez compte du jamais vu !*
Il faut dire que la côte ici est plutôt plate, rectiligne, parfois même elle se confond avec un mirage, mais les récifs tranchants, immergés sont bien là pour rappeler qu'il ne faut pas la longer mais bien s'en éloigner.
Tous les capitaines de navires savent depuis des siècles qu'il faut rester en mer jusqu'à ce qu'ils m'aperçoivent. Alors il faut naviguer face à mon repère, manœuvrer à quatre-vingt dix degrés et se diriger vers ma lueur salvatrice.
Combien de cris de joie ai-je entendus lorsqu'ils franchissent la passe de l’îlot de Pharos où l'on m'a construit et apportent toutes sortes d'offrandes à la statue gigantesque de Ptolémée pour le remercier de sa bienveillance.
Finis les dangers, les angoisses. Je suis là sous la protection de Zeus pour apporter espoir et salut aux navigateurs.
Je suis une légende vivante. Les tempêtes de Méditerranée, ciel noir, coups de tonnerre, éclairs, déferlantes, Poséidon sait bien qu'il y aura toujours LE phare d'Alexandrie pour guider ces malheureux à bon port !
Encore une journée passée avec le bonheur d'entendre les clameurs de l'équipage de ce « nave onerariae » chargée de marchandises passer le goulet de Pharos.
Le soleil se couche dans le rougeoiement de quelques nuages épars. Les vaguelettes s'alanguissent le long du quai nord. Le vent de la mer arrive avec son murmure caractéristique. La nuit s'installe, calme. Un air d'éternité...
Un grondement sourd venu d'on ne sait d'où s'installe, s'amplifie. Les vaguelettes s'agitent… frétillent... Sur le quai nord des fissures apparaissent… Quelques clavettes en plomb fondu s'échappent… Ptolémée vacille. Nous sommes en 1303...
* Il faudra attendre des siècles avant qu'un gratte ciel de New-York le surpasse avec le « Singer Building » et ses 187 mètres. Construit en 1908 et démoli en 1968 !
VOL DE COLOMBES
 
Je relis le texte sur le phare d'Alexandrie, merveille du monde qui n'existe plus, et je me dis que des merveilles du monde qui existent il y en a encore.
L’Italie toute entière ressemble à un musée à ciel ouvert, c’est bien connu.
Firenze, Cremona, Gubbio, Venezia, Roma et son Colisée...
Je potasse l'Italie, la vraie, celle de l’empire, celle de la ville éternelle, celle des ruines, des colonnes tronquées, des arcs de triomphe. Celle des hommes aussi mais figés dans le marbre, prenant des postures autoritaires, comme celle des femmes vêtues de draperies sensuelles pour l’éternité.
C'est décidé nous irons à Rome.
Nous y arrivons en traversant une série de vallons et collines. Le soleil est déjà haut pour cette heure matinale. L'air est doux. La lumière intense. Brouhaha anarchique d'une grande ville du Sud. Tri-porteurs pétaradants zigzaguant d'un bord de la route vers l'autre. Les marques sur la chaussée étant le dernier souci de tout le monde !
De grandes artères et soudain il apparaît impressionnant, majestueux gigantesque... colossal.
J'imagine très bien quelle a dû être la sensation des Romains à l'époque de sa construction. Le Colisée est face à nous. Prouesse d'architecture. Génie des architectes romains. Les arcades encore parfaites, malgré les dégradations du temps, se superposent sur quatre étages, imposantes, majestueuses Elles abritent toujours couloirs, escaliers, gradins. Les sous-sols rivalisent d'ingénuité avec cages et monte-charge actionnés par cordes et poulies qui amenaient directement dans l'arène centrale les animaux sauvages face au Secutor, Gladiateur avec glaive, casque, bouclier long et jambières ou Rétiaire avec filet, trident, casque et poignard, quand ils ne s'opposaient pas l'un face à l'autre. Un pouce vers le haut ou vers le bas et une vie était sauvée ou pas face à des milliers de spectateurs. Du sang. Beaucoup de sang. C'est ce qui plaisait à l'époque. On peut critiquer, bien sûr, ces mœurs heureusement disparues. N'oublions pas aussi ces premiers chrétiens suppliciés mais dont l’extrême dénuement a été reconnu plus tard.
Mais les blocs de travertin ayant servis à la construction de cet ensemble reflètent, encore, la splendeur de la Rome antique et on ne peut qu'en être admiratif.
Le rayonnement du Colisée a dépassé les frontières de la « mare nostrum ». Le cinéma a fait le reste. Il est maintenant connu dans le monde entier.
Fellini Roma, Vacances Romaines et tant d'autres. Pour ma part je préférerais la fontaine de Trevi de La Dolce Vita mais la vedette qui s'impose, c'est l’œuvre millénaire...
Tout près, les cloches de l'église Santa Maria di Loretto s'égrennent, diffusant comme un parfum de tranquillité après tant d'agitation.
Là-haut, tout là-haut sur ces arcades qui ont traversé 2000 ans, un vol de colombes se pose à la recherche d'une goutte d'eau.
La voilà la merveille que je cherche.
L'AVENTURE
 
Un coup de fil de Marc m'avait surpris.
-Vous êtes toujours en vacances en Italie ?
-Oui, oui, nous sommes à Rome et on n'arrêterait pas il y a tant de choses à voir !
-A Rome ? Nous arrivons demain à Ancône avec « L'aventure ». On vous attend. On rejoindrait Venise par l'Adriatique, et on visiterait la Sérénissime en canoë, ça vous tente ?
Je me suis laissé séduire par ce voyage hors du commun, proposé avec tant de conviction par mon ami Marc.
-« il faut toujours viser la lune car en cas d'échec on atteint les étoiles »
Toi alors avec tes phrases... Tu la sors d'où celle-là ?
-Peu importe, alors, on vous attend ?
Nous venons d’arriver à Venise avec « L’Aventure », voilier de onze mètres, piloté par Marc et amarré au petit port de l’île San Giorgio Maggiore, face à San Marco. Deux canoës à fond plat et l’annexe à moteur du voilier sont mis à l'eau et vont assurer l’intendance du périple.
En face, la place Saint Marc avec encore quelques lumières et ses gondoles amarrées qui se balancent mollement. Derrière, la Chiesa delle Zitelle et son jardin chargé de fleurs et de pergolas croulantes sous les vignes. A gauche le Grand canal et sa perspective jusqu’au « Ponte de l’Accademia ». A droite la lagune avec l’échappée vers la « Punta-Sabbioni » et le Lido. Les oiseaux se réveillent… Leurs chants se superposent… C’est le cœur de l’aube. Nous débutons notre odyssée !
Le voyage vers Dorsoduro et la « Dogana-della-Salute » est plutôt difficile. La traversée du canal San Marco très dangereuse car très fréquentée. Vaporetti, motoscafi, motonave, Riva-taxi circulent dans tous les sens, agitent l'eau du canal, ronflent, éclaboussent, nous bousculent. Les pilotes Vénitiens ont le sens de l’esquive dans ce qui semble être une anarchie de navigation. Des bacs à deux pontons relevés, du type transport sur le Mississippi, véhiculent voitures et camions du port de Venise vers le Lido avec force coups de Klaxons. Cette apparition me rappelle le film Show Boat de la MGM en 1951.
Décidément, ici tout retient le souffle !
Les deux canoës sont à la remorque de l’annexe à moteur de « L’Aventure » et suivent la riva degli-Schiavoni. Passent face au Palazzo Danieli, fameux hôtel cinq étoiles aux sols en marqueterie de marbre, aux salons avec tapisseries murales et lustres en cristal. Le Harry’s bar près des Giardini Reali, rendu immortel par Ernest Hemingway (Mais quel bar cet écrivain n’a-t-il pas fréquenté ?). Le Palazzo Ducale apparaît avec ses colonnes en marbre sur deux niveaux, lumineuses, imposantes. Puis, est atteint le « passage protégé » recherché où traversent ces longues gondoles avec passagers debout. Nous l'empruntons prudemment derrière les Traghetti. Le grand canal est remonté jusqu’au ponte dell’Accademia. Musique par-ci, brouhaha par là, rires, craquement des marches en bois du pont, nous ne savons plus vers où regarder. Ici la densité de palais et de musées est impressionnante. Nous sommes surveillés par Véronèse, Bellini, Tiepolo, Tintoretto, Ernst, Calder.
Paola qui connaît le grand canal comme sa poche décrit chaque palais rencontré : Palazzo Gritti, transformé en luxueux hôtel avec ses parquets en chêne clair et acajou, ses chambres aux moquettes épaisses. Rio dell’albero, canal d’accès à la Fenice pour élégantes et élégants (arriver à la Fenice, le jour d’un concert, par la façade sur le Rio dell’albero est ici un must !) Palazzo Barbaro qui abrita Monet et sa bibliothèque en ronce de noyer éclairée par des fanaux de trirèmes vénitiennes du dix-huitième siècle. Un peu plus haut, l’ambassade d’Allemagne où ont été tournés les différents épisodes de la série TV « Commissaire Brunetti ». Je regarde défiler les fenêtres de tous ces palais. Je rêve lorsqu’un grand lustre apparaît au travers d'une fenêtre à serliennes dans l’ombre un salon élégant. On ne perçoit aucun son, mais mon imagination entend les conversations, la musique, les verres de cristal qui tintent, l’explosion des bouchons de champagne…
Passé le ponte dell’Accademia, le rio San Barnaba conduit au petit marché du même nom où accostent des bateaux à fond plat croulant sous des monticules de fruits et légumes. Station obligatoire, immersion dans un monde de cris, de vacarmes, d'interpellations amusées, de parfums de fleurs, de fumet de cafés, d’épices. Régal des yeux face aux contrastes de couleurs des étals de poissons. Harangue des vendeurs de cœurs d’artichauts (carciofo), cette denrée si prisée et si fragile. On apprendra de la vendeuse, très cultivée, que Federico Fellini qui détestait Casanova, lui fit dire que son cœur d’artichaut était en réalité un cœur de castrat (un cuore di castraura). Pas fait pour les voyageurs pressés. Personne ne se bouscule, en permanence des scusi, scusi avec le sourire.
On s'éloigne un peu à regret. Le rio de San-Trovaso conduit au dernier chantier naval artisanal de conception et de réparation des gondoles.
Une visite des ateliers avec Stefano, le responsable du site, nous révèle la particularité des gondoles plus longues d’un côté que de l’autre. Cette dissymétrie, nous explique-t-il, est équilibrée par le poids du gondolier. Paola et Vincent s’intéressent particulièrement à cette pièce qui supporte et guide la rame du gondolier (la forcola) et qui leur épargnerait tant d’efforts. Je caresse ce bois lisse, doux, arrondi à souhaits, sensuel. Stefano nous conseille de partager son repas à une trattoria (un bacaro) du quartier autour d’un risotto « come fatto a casa » et d’une (voir plusieurs) bouteilles de Soave, ce vin sur treille de Vénétie à l'odeur délicate et au goût si harmonieux (s'en méfier). C’est ici que nous apprendrons l’histoire curieuse de la Marquise Farsetti très appréciée pour sa générosité par les habitants du quartier. Nièce du patriarche Farsetti, richissime négociant à l’aube du dix-neuvième siècle, cette marquise devait être l’originale de la famille. Ses manières « Poco curante » de l’époque l’avaient conduite à créer « una mensa dei poveri » avec l’aide du sacristain de la paroisse. Très pieuse, chaque fois qu’elle passait devant une église, elle se signait cinq fois. Au front, pour les pensées condamnables, sur la bouche pour les paroles déplacées, sur le cœur pour les sentiments inavouables, à l’ongle du pouce pour les gestes coupables puis un signe de croix grand comme un campanile sur tout le buste.
Voilà qu’elle sembla mourir d’un infarctus à son domicile (en fait son cœur s’était arrêté brusquement). Le sacristain qui lui lisait la bible pensa que sa dernière heure était arrivé et essaya d’en profiter pour lui dérober une très belle bague à son doigt… Impensable ! La Marquise se réveilla tout aussi brusquement. Le sacristain se mit à crier et à se signer. Elle, pensa que ce « miracle » était dû aux prières de son protégé, aussi fut -il largement récompensé.. à vie… Nous en rions tous copieusement …
Le départ fut plutôt laborieux… Le soave peut être ?
Une autre merveille ?
...
DU SOUFFLE AU PATRIMOINE
Quel voyage !
Notre coucou descend à la vitesse grand V vers l'aéroport de Lukla au Népal. Une heure entre Katmandou et Lukla nous évite 12 heures de marche et nous propulse à 2400 mètres d'altitude.
Les pneus crissent sur l'asphalte et déjà les rétro-moteurs s'enclenchent avec une série de coups de freins qui nous chahutent pas mal. Ouf ! Enfin stoppés. La piste de 500 mètres inclinée à 12 % a été entièrement absorbée.
Notre guide nous attend avec mules et matériel pour rejoindre le village de Solukumbu dans la vallée du Sagarmatha à plus de 5000 mètres d'altitude.
 
La fête de l'été dans la vallée du Sagarmatha, au pied de l'Everest est classée au patrimoine mondial de l'immatériel pour ses rituels nous avaient dit nos amis et on avait eu la faiblesse d'accepter sans se douter de ce qu'il nous attendait.
La marche, je devrai dire l'ascension, commence et déjà le premier pont suspendu d'une largeur de deux mètres, avec cordages et platelage en aluminium, qui se balance au dessus de gorges impressionnantes. Un Sherpa hors d'âge veille sur son entretien toute la journée et il ne faut pas oublier de laisser une participation. Espérons que les Dieux seront de notre côté. On s'engage les yeux à moitié fermés et lorsqu'on les ouvre c'est pour découvrir un convoi de yacks chargés en sens inverse ? Ah non ! C'était pas prévu au programme ça ! On se plaque contre les filets faisant office de garde corps, on se croise et… on rejoint la terre ferme.
Tout ça va durer six jours dans des paysages somptueux. Partout des drapeaux constitués de lanières rouge, blanc, bleu, jaune, vert qui flottent au vent omniprésent. Un ciel d'un bleu azuréen. Un vent qui, ici, est tout un symbole et représente le souffle des anciens.
Le chemin d'accès à la vallée de Sagarmatha également classé premier itinéraire culturel du Népal et patrimoine de l’humanité, longe rivières tumultueuses, bois épars, vallées profondément encaissées. Nous apercevons de très nombreux trekkers en groupe ou isolés, cheminant avec sacs à dos, chaussures de rechange suspendus au sac, pèlerine imperméable, chapeau vissé sur la tête et l'inévitable guide avec son yack.
Étapes de 10 heures par jour nous permettant de nous habituer peu à peu à l'altitude par larges chemins ou sentiers étroits et rocailleux. Ici deux murets de pierres sèches protègent parcimonieusement du vent et toujours en ligne de mire les montagnes de cristal.
Traverser ces étendues sous la domination au loin des plus de 8000 mètres a quelque-chose d'irréel. Arriver à un col, trempés de sueur, mesurer songeur l’effort qu’il faudra encore accomplir pour terminer la journée. Bizarrement la fatigue disparaît face à tant de beauté.
Et puis... Le village est atteint.
L'accueil des étrangers chaleureux. Nous nous installons à notre maison du thé.
Le soleil se couche. Les plus de 8000 mètres au loin flamboient du pied au sommet, comme illuminés de l’intérieur, tandis que la vallée se teinte de violet, puis les couleurs s’effacent. Les montagnes s’éteignent.
Le ciel bleu devient rose. La voûte noire s’impose comme chaque nuit avant que les étoiles ne viennent s’installer et éclairer l'Annapurna, le Sagarmatha, l'Everest.
Nous sommes réveillés le lendemain par des danses avec groupes de femmes en costumes traditionnels rouges et noirs, sous une pluie de pétales de fleurs. Les rouleaux de drapeaux de couleurs décorent maisons, temples, murets, flottent au vent. Toujours les cinq couleurs. Il y en a pour tout le monde : le ciel, l'air, le feu, la terre, l'eau. Personne n'est oublié. Tout le monde est remercié. Les cylindres de prières sont entraînés de droite vers la gauche, par une foule recueillie et diffusent à l'attention des Dieux des paroles bienveillantes. Nous suivons le mouvement. Voilà qu'un son puissant nous surprend. Les dung-chen, ces longues trompes de plus de trois mètres avec extrémités recourbés ne peuvent s'adresser qu'à l'au-delà. Les danses sont rythmées par ces sonorités dominatrices.
La fête continue, elle durera plusieurs jours. Je comprends que le vent qui agite tous ces drapeaux, les tenues des danseuses, le souffle de ces instruments sous le regard des géants de notre terre, se soient transformé en patrimoine mondial.
Nous rejoignons notre maison du thé...
 
...
BRAZIL... BRAZILEO
 
-Mamma, je suis en retard. Aide moi à m'habiller !
-Tu devrais dire te déshabiller, Maria !
-Mamma, s'il te plaît ; Beija-flor m'attends !
 
Beija-flor c'est une des plus grandes écoles de samba de Rio, et on connaît le succès de ces écoles au carnaval de Rio. La préparation des spectacles, c'est une année de travail pour la recherche de nouveaux rythmes, de nouvelles sonorités, de nouveaux costumes.
Fernanda est descendue de sa favela entraînée par sa fille Maria. Machinalement elle pose le diadème piqué de fleurs d’Amazonie, assemble le bustier avec ses ailes d'animaux fantasmagoriques au dos et les balconnets de face qui sculptent le corps de Maria. Elle doit en convenir, la petite est douée pour la danse sous toutes les musiques.
L'orchestre débute. Tous les rythmes sont fouillés, revisités. Très vite l'envoûtement s'installe comme un parfum suave, doux qui pénètre au plus profond de l'âme.
Bossanova, Frevo, Maracatu, Forro Nordestinien et surtout l'harmonie phare : la Samba.
Un rythme très puissant s'impose. Une musique lumineuse s'installe. Aussitôt, le soleil entre à gros bouillons par les fenêtres. Pourtant à l'extérieur de la Quadra de ce quartier éloigné des lumières de Copacabana, quelques lampadaires diffusent un éclairage blafard dans la nuit Brésilienne.
La flûte coule comme une chimère dans cette forêt de fureur. L'accordéon syncopé s'envole, s'efface, s’effeuille, s'égaille. Les cuivres balancent, décollent, s’effacent, s'évanouissent comme une vague capricieuse. Les percutions. Ah ! Les percussions qui nous glissent des fourmis dans les jambes, balancent, cadencent, scandent, installent l'harmonie générale, envoûtent le corps des danseurs. Rythmes d'un autre âge. Force qui vient du passé. Triomphe de tous les obstacles : la Vie quoi !
Le corps de Maria suit, précède, intègre toutes ces influences. Elle est comme possédée. Ses hanches, ses bras, ses jambes, son torse, ses mains subliment la musique, ensorcellent les spectateurs, enivrent les ultimes réticents.
La chorégraphe du groupe lève un bras. Immédiatement la magie se tait. Le silence s'installe.
-Maria je pense que tu peux rejoindre la Sambista da Comissäo de Frente.
La Sambista da Comissäo de Frente c'est le fin du fin. C'est le groupe de danseurs qui précède le char de l'école et qui effectue, sur le thème choisi, des danses en habits de lumière. Mais il faudra répéter encore et encore, s'améliorer sans cesse si l'on veut rester en tête.
Maria a les yeux dans les étoiles.
Allez ! On reprend !
Le grand jour, je devrais dire la grande nuit arrive. Les paillettes étincellent et le corps des danseurs est plus en valeur sous les projecteurs. La tradition veut que les meilleurs passent en dernier. Sur la plage d'Ipanema, la foule est là, immense, chaloupée, déjà conquise. Indifférente, peut-être, à cette lune qui illumine la baie de Rio sous le sourire bienveillant du Corcovado.
Les Cariocas se déchaînent. Les percussions charment, hypnotisent, ensorcellent, possèdent le public. Le charme s'installe.
Le char de l'école Beija-Flor apparaît précédée de la Sambista da Comissäo de Frente. Fernanda dans les gradins ne voit que Maria. Les danseurs se démènent.
Le roulement des percussions en impose, le parfum des instruments à vent se glisse furtif, diffuse son arôme léger, aérien, englobe les jambes qui se retrouvent plus légères, les hanches qui ondulent, les mains ouvertes qui diffusent le don de ce succès. La féerie c'est ici.
La foule hurle son bonheur d'être là, vibre à chaque figure des danseurs. Maria passe devant sa mère et ne la reconnaît pas.
Fernanda se penche vers sa voisine,
-C'est Maria, ma fille, vous savez ?
Brazil… Brazileo… Je te chanterai dans mes vers,
                               Je suivrai cette fille en habits de lumière…
 
Ah ! Eternel Roberto Gil...
...
J’ÉTEINS LA LUMIÈRE
 
Je regarde par la fenêtre le soleil décliner sur la ville. La promenade s'étire. La façade du Palais de la Méditerranée est la dernière éclairée.
Mes mains entourent la tasse brûlante. Un couple de pigeons insouciants plane, ailes déployées vers cet alignement de pins là bas au loin.
Le pointu du dernier pêcheur Niçois rentre au port. Le phare de la jetée s'allume.
La lune se paye un bain de nuit. Par la fenêtre entr'ouverte les clameurs du carnaval arrivent jusqu'ici. J'éteins la lumière… et savoure mon café chaleureux...
Et s'il était ici le trésor que je cherchais aux quatre coins du monde ?
 
 
Gérald IOTTI
 
 

Rédigé par Gérald

Publié dans #Trésors du monde

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