TO LEAVE OR NOT TO LIVE ?
Publié le 15 Décembre 2022
TO LEAVE OR NOT TO LIVE ?
(QUITTER OU NE PAS VIVRE ?)
Avec, pour incipit, un emprunt à Madeline MARTIN...
Grace Bennett avait toujours rêvé de vivre à Londres. Mais elle n’aurait jamais imaginé qu’un jour, ce serait sa seule solution.
Elle avait beaucoup hésité mais définitivement elle n’avait plus le choix si elle voulait être pleinement heureuse.
Elle avait rencontré Sir Edmund Callangher il y a maintenant quelques années lors d’un voyage en Inde. Elle, elle y était partie un peu sur un coup de tête, un coup de « mode », un désir d’une vie plus simple (elle y aura été servie de nombreuses fois !), une envie de zénitude… Fuir les « business plans » que son boss machiavélique lui demandait de monter et de démontrer… Fuir une routine quotidienne qui lui pesait de plus en plus, même plus le temps de profiter des amis, des sorties et de la culture environnante tant elle était épuisée par ses journées de 12 à 15 heures, agrémentées de quelques heures de transport. La fin de semaine arrivait avec son lot de contingences matérielles insupportables : courses, ménage et surtout dormir, se reposer… C’était l’année où les Beatles chantaient « All you need is love », « I want to hold your hand » et surtout « Strawberry fields forever »… Elle rêvait sur « I feel fine » et « Something ».
Elle avait donc négocié âprement une année sabbatique pour partir se retrouver un peu. Elle avait laissé ses colocataires lui trouver une remplaçante, laissé ses quelques affaires non indispensables dans un coin de leur cave et rempli son sac à dos de « l’absolument nécessaire ». Son billet d’avion –aller simple- pour Delhi et son passeport posés sur sa table de nuit n’attendaient plus que son feu vert.
De Delhi elle avait pris de nombreux bus qui l’avaient emmenée petit à petit vers l’état d’Uttar Pradesh. Lors de ses déplacements elle avait appris la culture indienne, sa gentillesse, son ascétisme bienveillant. En revenant d’Agra où elle avait passé une journée à s’imprégner du Taj Mahal, elle était arrivée à Varanasi, ville sacrée où elle avait fait la rencontre de personnages extraordinaires, membres d’une communauté créée par un organisme anglais. Elle s’y était arrêtée quelques jours, avait participé aux actions qui y étaient menées, avait apporté sa culture française et elle y était restée plusieurs semaines qui s’étaient transformées en quelques mois.
Le jour de Holi, fête hindoue de l’équinoxe de printemps, elle avait fait la connaissance de celui qui était à l’origine de cette communauté de vie, Sir Edmund Callangher. Des discussions infinies avaient été échangées avec cet être exceptionnel, qui s’était maintenant retiré à Londres pour raisons de santé et qui ne revenait ici qu’une ou deux fois par an. Il poursuivait sa « mission » en Angleterre, une sorte de « télétravail » avant l’heure, entouré de quelques personnes d’exception, glanées au cours de ses déplacements.
Le déclic était venu de par le sens même de cette fête : « Holi », un jour spécial durant lequel on oublie les règles sociales, durant lequel toutes les castes se mélangent, et durant lequel les êtres « inférieurs » ont le droit d’insulter ceux devant qui ils ont dû s’incliner toute l’année…
Grace y voyait un signe, essentiellement l’arrêt de mort de sa vie parisienne somme toute insipide et creuse. Elle allait pouvoir intégrer un organisme où son « travail » serait infiniment plus concret et satisfaisant en rejoignant l’équipe d’Edmund qui œuvrait sur les bords de la Tamise.
Elle se voyait déjà, dans très peu de temps, mettre en pratique la fête de Holi dans le bureau de celui qu’elle considérait déjà comme son ex-manager, en l’aspergeant de piments et d’eau colorés pour reproduire ce rituel de renversement de hiérarchie teinté de joie.