L’HOSPITALITÉ DE L’ABBÉ MARIUS
Publié le 13 Décembre 2022
Avec un emprunt à Dany-L pour incipit
Il avait parlé, Monseigneur Koko sur son lit de mort.
L’abbé Marius ressasse cette phrase dans sa tête en empilant pêle-mêle des vêtements dans sa valise. Le temps presse. Bientôt ils seront là. Tout ça parce qu’il a aidé la mère Francine ! Comment aurait-il pu savoir ce qu’elle manigançait !
Elle lui avait demandé d’héberger son neveu pour deux nuits, le temps qu’elle s’organise et lui prépare une chambre dans sa maison. Il avait accepté bien sûr ! Comment refuser l’hospitalité quand on est un bon chrétien… Francine lui avait amené le garçon, un ado de douze ans, un soir après les vêpres. Ils avaient dîné tous les trois dans son petit appartement à côté de l’église et Francine était repartie, un sourire aux lèvres. Un drôle de sourire. Il s’en rend compte maintenant… quelque chose clochait.
L’abbé ferme rageusement sa valise. Bon sang ! Il s’était bien fait avoir ! Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Le gosse s’était révélé charmant. Il lui aurait donné le Bon Dieu sans confession, sauf que sous son visage d’ange, il noir, pourri, menteur. Sale gosse ! Avec la complicité de sa tante, il avait utilisé sa chambre pour cacher des objets précieux qu’il dérobait dans l’église. Puis, après les deux nuits passées sous son toit, lui et Francine étaient allés voir Monseigneur Koko pour le dénoncer. Ils l’avaient accusé de vol, recel d’objets sacrés et, pour faire bonne mesure, d’attouchements sur le gamin.
L’abbé jette un dernier regard à son petit appartement, s’essuie les yeux. Tout est contre lui. Il n’a même pas pu avoir une conversation avec Monseigneur Koko sur cette affaire, ce dernier ayant eu la mauvaise idée de mourir sans l’avoir entendu, mais en ayant eu le temps, sur son lit de mort, de rapporter cette histoire à sa bonne qui fila l’apporter dare-dare à la police.
La police, le déshonneur, il n’y survivrait pas. Il préfère s’enfuir, ailleurs, loin de ces âmes malveillantes. Mais il n’en a pas le temps. Une sirène retentit devant sa maison. L’abbé Marius est perdu. Il s’assied, vaincu, sa valise à ses pieds.
On tape à sa porte. Un policier entre :
« Bonjour l’Abbé, dit-il avec douceur. Vous vous souvenez de moi, le petit André ? J’ai été votre enfant de chœur. Quand j’ai eu vent de cette histoire, je n’en ai pas cru un seul mot. Moi, je sais qui vous êtes, je sais que jamais vous ne vous écarteriez du chemin tracé par le Seigneur. J’ai vite fait de confondre la mère Francine et son neveu et je suis vraiment content de vous apporter cette bonne nouvelle : vous êtes entièrement disculpé. C’est Francine qui a tout organisé pour vous faire tomber. Elle voulait le poste de curé de la paroisse pour son autre neveu, le grand frère du gamin. On a pu aussi établir que c’est le grand frère qui a eu cette brillante idée. Francine et le petit l’ont exécutée. Inutile de préciser qu’il est dès à présent un prêtre défroqué. »
L’abbé, assis sur sa chaise, vacille, blêmit, joint ses mains en signe de prière. Seigneur, ayez pitié de vos brebis égarées….