SECRET DE FAMILLE
Publié le 26 Novembre 2022
En utilisant l’incipit de la nouvelle de Romain PUERTOLAS intitulée
L’incroyable stylo Bic quatre couleurs de Benjamin Bloom
pour incipit de ce texte :
Quelques mètres après avoir franchi l’entrée de la librairie, l’écrivain à succès Benjamin Bloom stoppa net devant l’un des présentoirs. Sur celui-ci étaient placés non pas les derniers prix littéraires mais quelques livres plus anciens qui avaient sans doute eu un certain succès lors de leur parution.
Son regard fut attiré par la couverture de l’un d’eux et surtout par l’illustration qui y figurait. C’était une photo en noir et blanc qui représentait une femme fort belle, vêtue comme dans les années 1920.
Benjamin Bloom se sentait captivé par ce visage sans bien comprendre pourquoi. Une émotion commençait à l’envahir et il n’entendait plus clairement les appels de la libraire. Il en oubliait qu’il était venu ici pour une séance de dédicace de son dernier roman « Joséphine B. », un roman de fiction, une histoire d’amour entre Joséphine B. et un soldat revenu de la guerre.
Benjamin avait choisi d’imaginer cette idylle à partir de quelques souvenirs qui circulaient dans sa famille de génération en génération mais aussi des non-dits et des événements dont on préférait ne pas parler. On disait par exemple qu’une ancêtre, Joséphine, avait connu une fin tragique en 1918 après une brève aventure amoureuse.
L’écrivain s’assit à la table qui lui avait été réservée et ses lecteurs invétérés commencèrent à attendre patiemment d’arriver jusqu’à lui. Mais il était distrait, son regard allait de son stylo au livre posé sur le présentoir dont il n’avait même pas lu le titre.
Entre deux dédicaces, il prit le temps de s’en approcher et lut : « Portraits de femmes après la guerre ». Benjamin Bloom se dit qu’il lirait cet ouvrage dès que possible pour en savoir plus sur la personne de la photo. Chaque fois que son regard se posait sur son visage, il se passait quelque chose de troublant en lui.
Quand la séance de dédicace fut terminée, il acheta le livre et commença immédiatement sa lecture, dans la librairie. Peu à peu, ce fut comme une révélation, tellement de liens entre ce livre et le sien ! Mêmes lieux, même époque, même enthousiasme de retrouver les plaisirs de la vie dans l’après-guerre !
Dans ces « Portraits de femmes », l’auteure évoquait essentiellement la vie de son aïeule Marthe dans les années 1920 mais aussi celle de deux de ses amies, Jeanne et Louise.
Avec l’aide de la libraire, à qui il confia ses impressions et émotions et qui connaissait l’auteure, Benjamin Bloom prit contact immédiatement avec elle par téléphone.
Il lui demanda si le portrait de la couverture était sa grand-mère Marthe. « Non ! » lui répondit-elle. « C’est celui d’une de ses deux amies. »
« Jeanne ou Louise ? » insista Benjamin Bloom, sentant de nouveau naître une émotion en lui.
« J’ai changé leurs prénoms pour l’écriture de mon livre. C’est le portrait de Jeanne. Mais son vrai prénom, dont je ne me souviens pas, est certainement écrit derrière la photo originale. Je vais la chercher, ne quittez pas »
Benjamin Bloom attendit non sans impatience pendant quelques minutes et enfin entendit à l’autre bout du fil :
« C’est Joséphine B. et il y a une date aussi, 1924 »