SAINT-ROCH LA NUIT

Publié le 21 Octobre 2022

 

Comme j’ai souvent du mal à trouver le sommeil, et après avoir épuisé ma télévision, je sors, très tard pour la dernière balade du chien Ulysse.

A peine franchi le palier de l’immeuble, on s’engouffre dans le boulevard en robe de nuit. En premier lieu le silence domine mais très vite une population sonore se réveille. Dans le feuillage des arbustes qui bordent la rue, une brise joue sa partition, légère et feutrée, et accompagne les premiers pas de ma virée nocturne.

Quelques mètres après, je capte le bourdonnement électrique d’un lampadaire, comme pour saluer mon passage tout près de lui. Au départ presque inaudible, un ronronnement mécanique se faufile dans ce calme en suspension. Il grandit peu à peu, à mesure qu’il remonte ou redescend le boulevard, avant de s’éteindre à nouveau.

E t tout le long du trottoir j’aperçois la longue guirlande des feux tricolores qui poursuivent impassibles leurs litanies lumineuses clignotantes pour des passages cloutés et des carrefours désertés.

Parfois intempestifs, soudains et rebelles, des coups de freins, des cris des chocs se font entendre avant de se dissiper dans le noir.

Et moi j’avance toujours, je passe devant le bourdonnement métallique d’un panneau publicitaire pour des affiches défilant devant une foule invisible.

Et pour soutenir cet orchestre noctambule, en guise de mélodie, les pattes du chien Ulysse cliquent sur le bitume avant d’aller s’échouer dans l’herbe du terre-plein du tram qui venait juste de passer en faisant tinter sa cloche. Le sommeil tape à ma porte, je me décide à rentrer.

D’ici quelques heures très courtes, à travers les volets j’écouterai ce même boulevard reprendre son langage matinal. Le camion du service municipal rugira avec son moteur rustique en projetant depuis sa citerne des jets d’eau brutaux qui iront se fracasser sur les angles des trottoirs. Et sur la place les portières des fourgonnettes déverrouilleront leurs serrures aux sons d’éclats de voix, du choc des caisses jetées à terre, et des étals qui s’ouvrent et s’installent.

Extraits de leurs torpeurs des moteurs s’allumeront avant de se faire avaler par l’asphalte, emportant dans leur habitacle une population qui part pour le travail. Des pas hâtifs claqueront en passant devant ma fenêtre pour une course vers un train, un bus à ne pas rater.

Si je devais sortir, après une ou deux enjambées, je serais assailli par les effluves suaves, les odeurs parfumées de beurre et sucre chaud, celles des croissants, pains et brioches, à peine sortis du four, posés dans des panières, et prêts à la vente.

Et tout mis bout à bout, quelque chose nous murmurera à l’oreille qu’enfin une nouvelle journée commence.

 

Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ville

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