JE ME SOUVIENS... DU MAGASIN...

Publié le 17 Octobre 2022

 

Je me souviens le boulevard d’avant le tram, avec les platanes, la rue plus large.

Je me souviens d’avoir juste la rue à traverser pour aller dans l’épicerie de ma grand-mère

Je me souviens de cette personne qui venait parfois et qui criait : « VITRIER »

Je souviens du Milk Club, chez Jeannette et Olive, des glaces a l’eau parfumée au cola, de la gratta keka.

Je me souviens des courses cyclistes certains soirs d’été, tout autour du quartier.

Je me souviens des vieux bus verts N°5

Je me souviens d’avoir appris à lire l’heure en décryptant la position des aiguilles sur l’horloge du clocher de l’église.

Je souviens des bancs couleurs moutarde et verts aussi

Je souviens du bruit des roulettes des patins sur le trottoir.

Je souviens de la vue sur la colline en face avant qu’une paroi d’immeuble ne la cache.

Je me souviens du manège sur la place.

Je souviens de l’auberge de la tranquillité, du bruit des boules, qui tapaient contre le mur de la salle à manger, de la fiesta d’un soir de mai 81 qui a durée une semaine.

Je me souviens des premières descentes et remontées en mobylette du boulevard.

Je me souviens des chars de la bataille des fleurs qui passaient devant la maison direction la promenade.

Je me souviens des gros réservoirs d’essence de Bon voyage.

Je me souviens du marché qui s’étalait tous le long avant d’échouer sur la place.

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Souvenir du magasin de ma grand-mère

 

Un quartier c’est comme un village, le mien Saint Roch, il ne déroge pas à cette règle.

J’y suis né et je vis dans la même maison en plein centre du boulevard depuis quasiment depuis toujours.

Mes dix premières années je les ai passées dans l’épicerie de ma grand-mère maternelle, sur le trottoir juste en face. Ma mère l’aidait et c’était le point de rendez-vous de toute la famille. Celle d’ici et celle en dehors de Nice. Avec les autres magasins, la petite boucherie, le salon du photographe, la boucherie chevaline de ma marraine, la petite mercerie tout à côté c’était aussi comme une autre famille.

J’ai appris à lire l’heure en regardant les aiguilles du clocher de l’église, on allait "au" docteur dans l’immeuble juste à deux pas de porte. L’été quand c’était la saison des fraises j’allais chercher de la chantilly, à la boulangerie juste au coin. Après l’école je jouais devant, en apprenant à faire du vélo ou du patin à roulette.

Je le quittais parfois quelques secondes pour courir acheter pour 1 franc de bonbons au Milk Club, ou des glaces à l’eau au parfum cola ou menthe.

L’épicerie ne fermait presque jamais et le dimanche souvent c’était consacré à nos repas de famille, interminables.

Et puis en 74 ma grand-mère l’a vendu. Cette période mon existence a pris une nouvelle direction.

Le magasin est devenu une banque avec des murs noirs et des vitre teintées et occultantes sur l’intérieur.

La vie a repris son cours.

Bien des années plus trad, je parle de presque trente ans, au moment du tram… la banque a déménagé à son tour et s’est vu remplacée par un commerce de vêtements et accessoires de mode. Au départ je n’y ai pas prêté attention ; des ouvriers s’affairaient à des travaux de rénovations. C’est un soir en sortant mon chien que ça m’a chopé au cœur. J’ai tourné la tête vers ce passager assoupi de mon enfance dépourvu de sa vitrine opaque et j’ai revu son intérieur plein de lumière.

Comme si on apposait les causses électrifiés d’un défibrillateur sur les flancs immobiles d’une poitrine en arrêt cardiaque. Et revoir le souffle reprendre sa course en la soulèvent doucement. Je suis resté là à regarder ce spectacle. Quand il a rouvert un après midi je me suis décidé. Prétextant un achat d’anniversaire pour une amie, j’y suis retourné et en y pénétrant de nouveau la magie à opérée. Quelle Douce sensation soudaine ! Comme retrouver son foyer après de longues années d’absence.

Sans prévenir, une délicieuse émotion s’est emparée de moi, comme jeté brusquement dans les airs, un album de photos s’est ouvert tout en grand à l’improviste dans ma tête. J’ai revécu mille souvenirs, j’ai ressenti mille odeurs, j’ai réentendu mille mots phrases, rires.

J’ai revu ma mère et ma grand-mère derrière le comptoir, je me suis rappelé la cuisine dans l’arrière salle, j’ai revu mon oncle et ma tante et de leur pote d’école ; et la première fois ou j’ai fait connaissance de celui et celle qui en les épousant deviendraient une autre tante et un autre oncle, j’ai revu les marmites qui mijotaient tout le temps.

Je me suis souvenu de la camomille qu’on m’obligeait à boire quand j’étais barbouillé.

J’ai revu le vieux poste radio, et le lit dans le fond caché par un rideau rouge à fleurs. Je me suis souvenu que c’est ici qu’on m’avait annoncé qu’un petit frère venait d’arriver. C’était plein d’images qui surgissaient pêle-mêle devant mes yeux… Ce n’était pas triste juste nostalgique.

Et puis je suis ressorti, avec un sourire en dedans, comme empreint d’une légère ivresse, du genre qui nous donne cette sensation de marcher d’un pas tout léger. Je dis toujours qu’un quartier c’est un village, c’est vrai, mais moi ce village, mon village c’était ce petit bout de trottoir et petit bout de mon histoire.

 

 

Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ville

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