L'INSAISISSABLE

Publié le 17 Mai 2022

Dix années sont passées. Bert a connu d’autres villes, d’autres murs mais persiste à rester anonyme. L’affaire Marie Dupuy est oubliée depuis bien longtemps. Plus personne n’en parle, le nom de Bertrand Dupuy n’évoque plus rien à quiconque, d’autres drames ont occupé les médias et le gens au fil du temps. Sauf pour Bert. Marie, sa gorge ensanglantée, le couteau de cuisine reviennent régulièrement dans ses cauchemars. Pour les fuir, il a quitté Trantor, erré de bourgs en villages, vivant de petits boulots, trois mois ici, six mois là-bas, laissant une trace de son passage sur les murs.

Ce vagabondage artistique et anonyme lui a valu quelques articles élogieux dans les revues d’art. Son œuvre avait un côté jeu de piste qui passionna un temps les amateurs d’art. Il s’agissait pour eux de deviner où Bert l’Insaisissable irait peindre sa prochaine œuvre. Mais Bert vivait chichement. Ses revenus plus que modestes ne lui permettaient pas souvent l’achat de peinture et matériel. Ses fresques se firent de plus en plus rares, les gens se lassèrent et finirent par l’oublier. Avec le temps, ses peintures monumentales se dégradèrent et furent recouvertes par les tags colorés de jeunes artistes.

Aujourd’hui, Bert ne peint plus sur les murs. Il s’est installé dans une petite ville au bord de la mer, travaille comme manutentionnaire dans le supermarché de son quartier, juste au-dessous de son studio. Solitaire, toujours insaisissable, il a découragé toutes les tentatives d’amitié de ses collègues.

Quant à l’amour… Trop dangereux pour lui… et surtout pour elle.. Trop peur de la récidive, trop de douleur, de remords, trop… de tout. A éviter définitivement. Juste la solitude et les souvenirs pour compagnons. Le prix à payer.

Le soir, quand le passé se fait trop présent, il va marcher au bord de la mer. Sur le large trottoir aux pavés mauves, du sable, déposé par le vent ou peut-être la vague, crisse sous ses pas. Il aime ce moment apaisant. La mer s’étale, tranquille. Le ciel change de couleur, passe du bleu au rose en s’approchant de l’horizon. L’horizon, parallèle à la balustrade en colonnes. Paysage graphique. Graphique… c’est le mot juste. Des lignes, des plans et rien d’autre. Minimaliste comme sa vie.

 

Alors Bert s’évade. Il saute par dessus la balustrade, vole vers le grand large, loin de sa petite vie.

 

 

Épilogue

 

ON A RETROUVÉ BERT,

L’INSAISISSABLE ARTISTE DES RUES

 

Qui se souvient de Bert ?

L’artiste avait connu quelques moments de célébrité avec ses peintures sur les murs des villes, comme autant d’indices d’un jeu de piste. Mais personne n’a jamais réussi à l’approcher, puis l’Insaisissable avait disparu, ses fresques monumentales aussi, effacées par le temps et les bombes des tagueurs.

C’est en promenant son chien sur la plage au petit jour, qu’une dame a trouvé Bert, inconscient, au pied de la balustrade. A côté de lui, un carton à dessin et les esquisses d’anciennes œuvres qu’il avait peintes sur les murs de diverses cités, ce qui a permis de l’identifier.

L’homme a-t-il fait une chute ou a-t-il sauté ? Pour l’instant, nous n’avons aucune réponse à cette question. Bert est actuellement à l’hôpital, ses jours ne sont pas en danger, pour la plus grande joie des amateurs d’art qui commencent à arriver dans la ville pour faire enfin sa connaissance. La galerie Jeanne Frescot souhaite vivement exposer les esquisses de l’artiste. Une renaissance pour Bert ? L’avenir nous le dira...

 

Rédigé par Mado

Publié dans #Ecrire sur des photos

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