PARTIE 3 : LA RUSE

Publié le 1 Février 2022

Avec un extrait de Inge

 

Des hommes travaillent, courbés. Pantalons jusqu’aux chevilles, chemisettes nouées à la taille, chapeaux de paille…La tenue apparait humanisée pour des esclaves arrachés à leurs destins.

Lorsqu’ils aperçoivent le petit convoi, un signe de la main et le travail reprend.

A la vue du père Raphaël en robe de bure, tous sont rassurés. Le convoi s’arrête enfin sur la placette centrale, face à « l’église » bâtie de pierres et couverte d’une toiture de palmes. Sur le côté une tour un peu plus haute munie à son sommet d’une cloche, don d’un précédent convoi, et recouvert lui aussi de palmes.

Un peu plus loin un local sommaire, plutôt un hangar sans murs mais couvert des mêmes palmes ressemble à une école.

Frère Pia apparaît sur le seuil de « son » église et souhaite la bienvenue aux voyageurs.

-Vigo, Dieu soit loué, tu es de retour, et s’apercevant de l’équipage au complet,

-Tu as réussi. Bienvenue à San Miguel. Vigo s’agenouille et embrasse les mains de frère Pia.

Père Raphaël prend la parole :

-Je me nomme Raphaël de las mesas et je suis père Dominicain. Père Arana, notre supérieur, a décidé de m’envoyer ici pour vous seconder.

-Dieu du ciel, tout cela pour notre petite mission ? Notre rôle de protecteur de ces malheureux serait-il enfin reconnu ?

-Vigo m’a fait part de votre manque de beaucoup de choses. Nous avons un petit chargement pour essayer de le combler et j’y ai rajouté…Père Raphaël soulève la bâche d’une des mules et décroche un petit tonnelet de vin de messe.

-Voilà ce qui doit manquer à vos offices !

-Trop… C’est trop… Dieu que cette journée soit bénie. Mais j’en oublie l’hospitalité, entrez, entrez vous reposer !

Soudain un brouhaha, des cris, un mouvement de panique…

Matéo ouvre les yeux. Un groupe de singes hurleurs se poursuit là-haut sous la canopée.

La moustiquaire sur son hamac de lianes est déjà recouverte de ces maudits moustiques. Il fallait s’en protéger toute la journée. Lorsqu’il marchait il avait équipé son chapeau d’un voile dont le bas se glissait dans sa chemise à la manière des éleveurs d’abeilles.

En tournant la tête, il aperçoit Diego et les quatre autres volontaires qui préparent le repas du matin. Un bol de soupe lyophilisée et un maté. Il ne fallait pas être trop difficile. En s’étirant, le hamac bouge et les moustiques s’envolent pour se reposer aussitôt sur le voile.

-Tu penses qu’il pourrait s’agir de descendants d’esclaves échappés après le démantèlement des missions Dominicaines ?

Diego ne réponds pas.

-Comment peuvent-ils imaginer qu’une femme leur veut du mal ?

-On peut tout imaginer Matéo, tout !

Diego a trouvé des pieds de cannes à sucre sauvages, Il débite avec sa machette des bâtonnets que l’on pourra sucer durant toute la journée.

-Les coups de fatigue seront plus faciles à supporter, précise t-il…

Matéo s’extirpe de son hamac. Ses bottes ont été placées à l’envers sur des piquets afin d’éviter termites et serpents. Il les secoue et les enfile…

Les cours de « survie en milieu hostile » obligatoires avant de postuler pour la Transamazonienne lui revenaient en mémoire. Diego s’adresse à tous :

-Aujourd’hui il faudra avoir les idées claires. On n’est pas loin de leur campement.

Le groupe d’hommes marche en silence depuis quelques heures, feuillages qui fouettent les visages, fusils à l’épaule. Seul Matéo s’est équipé de son revolver avec la ferme intention de ne pas l’utiliser. Diego, en tête, lève le bras. Il désigne d’une main ce qui ressemble à un piège. Une liane courbée enfouie sous les feuilles précédée de pics acérés dépassant du sol.

D’une voix chuchotée il précise son idée :

-Ils nous attendent par ici, et bien on ne va pas les décevoir !

Le sac à dos est posé au sol. L’appareil est fixé au tronc d’un arbre, la molette est tournée sur le maximum.

Diego fait signe de reculer et de prendre un autre chemin. Chacun s’exécute en silence.

Un peu plus tard, une clairière apparaît au travers des feuillages. De vagues huttes, des arbres abattus, un feu de campement. L’équipe s’accroupit cachée par des buissons à l’opposé du chemin avec le piège. A l’extérieur d’une case, Matéo aperçoit Corinne qui se repose assise à même le sol. Elle est intriguée par une suite de petites couleurs… rouge, bleu, jaune… rouge, bleu, jaune qui tournoient sur un tronc d’arbres au sol. Le laser de Matéo insiste en silence. Elle finit par découvrir l’origine de ces couleurs bizarres qui tournent sans cesse. Un grand espoir l’envahie.

Deux des hommes de la forêt ont remarqué cette anomalie. Visiblement ils se posent des questions tout en regardant le visage impassible de Corinne. Ses deux compagnons l’ont rejoint.

Brutalement la Chevauchée des Walkyries du film Apocalypse Now hurle à tue-tête au travers des bois. Les cors impriment les esprits, les violons augmentent le côté tragique, irréel de la chevauchée. Les hommes sont stupéfaits, ahuris. Après un instant d’hésitation ils décident de se regrouper et de s’approcher arcs en main de cette drôle de chose.

Le minuteur du magnétophone lié au tronc d’arbres s’était déclenché.

Diego, Matéo se précipitent tant bien que mal vers la hutte. Corinne et ses deux compagnons courent vers eux.

-Vite, vite, on y va, notre équipe est en couverture !

Le groupe au grand complet s’enfuit dans la jungle à l’opposé des walkyries…

Ce soir là, « Elle se sent comme enveloppée par lui, même plus, elle se sent imprégné de lui, de sa gentillesse. Avant de s’endormir, elle décide que la prochaine fois, elle le laissera faire, elle lui rendra même son baiser. C’est bien de faire l’amour, si c’est avec amour »(Inge)

 

Gérald IOTTI

Rédigé par Gérald

Publié dans #Divers

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