L’ÉVEIL DE LUCIE

Publié le 14 Décembre 2021

L’ÉVEIL DE LUCIE

RÉSUMÉ :

Lucie, jeune femme dont le travail consiste à transformer les produits de son potager en conserves et confitures, se sent prisonnière de sa vie monotone et s’évade dans la lecture. Un jour, un roman la bouleverse en lui faisant prendre conscience de l’étendue de sa solitude et de son manque d’amour. Sur un coup de tête, elle s’inscrit sur Meetic et rencontre un homme qui saura la séduire.

Lucie découvre alors l’amour, la liberté, et quelques nouvelles contraintes liées à sa nouvelle vie, contraintes qu’elle surmonte rapidement, en prenant de plus en plus d’assurance, de confiance en elle, jusqu’à envisager de changer de métier pour devenir libraire.

 

QUATRIÈME DE COUVERTURE :

Lucie, jeune femme solitaire, prisonnière de sa vie monotone, s’évade dans les romans. Un jour, une de ses lectures lui fait prendre conscience de sa solitude et de son manque d’amour. Sur un coup de tête, elle s’inscrit sur Meetic et rencontre un homme. Une rencontre qui aura de grandes conséquences dans sa quête de liberté...

 

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L’ÉVEIL DE LUCIE

 

Le journal de Lucie

Comme une ivresse. Oui, la liberté comme une ivresse. Quelque chose qui se dilate dans la poitrine, un envol vers ton paysage intérieur, l’évasion dans ta tête qui te propulse vers tous les possibles. Un idéal de petite fille exaltée mais aussi une réalité à laquelle tu te frottes tous les jours. Et des questions : qu’est-ce qu’être libre ? Est-ce pouvoir aller où tu veux, comme tu veux, est-ce pouvoir dire ce que tu veux, comme tu veux ? Où sont les autres dans ta liberté ? Est-ce que pouvoir vivre dignement suffit à être libre ? Où est l’argent dans la liberté ? Est-il nécessaire, inutile ?

Peut-être crois-tu que la liberté ne supporte aucune entrave… Détrompe-toi. La seule liberté absolue est en toi. Libre de vagabonder de pensées en pensées, libre d’imager ton histoire, d’y croire, de réécrire ta vie. Une tromperie de l’esprit qui enchante ton quotidien. La liberté serait-elle un rêve ? Pourquoi pas. C’est joli, les rêves, tout y est possible.

La liberté, ici, aujourd’hui, c’est une plume tombée de inaccessible pour se matérialiser en quelques mots d’espoir...

 

Rêver plus loin

Quinze heures sonnent au clocher de l’église. Zut ! Faut que j’aille ouvrir… Lucie referme son livre en soupirant. Absorbée par le roman, elle n’a pas vu le temps passer. Et du temps, elle n’en a guère. Sa petite entreprise l’occupe du matin au soir.

Son travail ? Transformer les produits de son potager en conserves et confitures, les installer joliment dans sa boutique, sur la place du village, ou bien sur un étal les jours de marché des cités alentours, mais aussi semer, repiquer les plants, arroser, désherber, récolter. Saison après saison, toujours recommencer.

Parfois, comme aujourd’hui, elle parvient à s’octroyer un petit moment de liberté. Trop court pour envisager une escapade mais suffisamment long pour s’installer confortablement dans une chaise longue à l’ombre du grand chêne avec un bon bouquin. Là, elle s’abandonne à la lecture, voyage dans des pays inconnus, des villes étourdissantes, rencontre des personnages improbables, émouvants, attachants, croise des vies palpitantes. Son quotidien s’efface ; le travail oublié, les contraintes abolies, elle s’évade…

Mais quinze heures ont sonné au clocher. Retour à la réalité, horaires à respecter, la boutique doit ouvrir. Elle a juste le temps. La tête encore pleine de la belle histoire, elle se dirige vers le village, s’identifiant à l’héroïne qui, la veinarde, a trouvé son amoureux.. Ça ne m’arriverait pas, ça, à moi ! Dans son monde étriqué, il y a peu de place pour la romance et peu de prétendants acceptables. Alors les livres libèrent, les livres compensent… en attendant… peut-être… un jour. On peut rêver…

 

Le choix de Lucie

Lucie hésite. Plusieurs hommes sont attablés à la terrasse du café. Elle les observe derrière ses lunettes de soleil. Aucun ne lui plaît vraiment…

Pourtant, l’un d’entre eux est son rendez-vous Meetic. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle eu de s’inscrire sur ce site ! Tout ça parce qu’elle a lu ce roman d’amour ! L’histoire était si belle, l’héroïne émouvante, son amoureux tellement romantique, trop romantique. Elle en a eu la gorge serrée, les larmes au bord des cils, et sa solitude lui a explosé en plein cœur.

Alors, elle a sauté dans l’inconnu, sans réfléchir davantage. Clic sur Meetic. Tout plutôt que de continuer sa petite vie monacale. Un compagnon, quelqu’un à aimer, quelqu’un pour partager, vibrer, comme l’héroïne du roman. Peut-être pas des choses aussi extraordinaires, mais exaltantes, à deux, enfin.

Ses yeux piquent derrière les lunettes noires. Dans quel guêpier s’est-elle fourrée ! Un amour romantique, tu parles ! Ça n’existe pas dans la vraie vie ça, du moins pas dans la sienne. Les hommes, là devant, n’ont rien de palpitant. D’ailleurs, lequel d’entre eux est celui qui l’attend ? Il a dit qu’il aurait une fleur…

Balayage rapide du regard.. C’est lui, sous ce parasol, une rose magnifique posée près de sa tasse.

Lucie le détaille. Finalement, il n’est pas si mal… ressemble à sa photo… Il a de beaux yeux.. Elle hésite encore. Le choix, c’est la liberté, a-t-elle lu quelque part… En l’occurrence, un choix sans grande prise de risque, juste un rendez-vous dans un café. Mais Lucie a peur, peur de voir la déception dans le regard de l’inconnu.

Quel choix lui laisse sa maudite timidité, son manque d’assurance ? C’est contre elle-même qu’elle doit lutter. Comme l’a fait l’héroïne du roman, son double, son amie. A deux, on est plus fortes.

Lucie ôte ses lunettes de soleil et, en pleine lumière, s’avance vers l’inconnu à la rose.

 

Le journal de Lucie

 

Un cahier, un confident

Pour chercher la liberté

Et ma plume

Glisse sur le papier blanc

 

Un livre comme un amant

Pour rêver une romance

Et mon cœur

Pris dans la tourmente, attend

 

Une place ensoleillée

Pour l’éveil de tout mon être

Et l’amour

A la rose s’est piqué

 

Lucie en liberté

Depuis que Chantal, l’héroïne d’une autre histoire de ce recueil, s’est installée sur la parcelle d’à côté, Lucie se sent revivre. Un souffle nouveau, une liberté qu’elle croyait ne jamais pouvoir atteindre ont transformé sa vie. Chantal est devenue son amie. Elle lui a proposé de s’occuper de ses plantations, de tenir sa boutique pour lui permettre de partir en week-end avec son amoureux.

Car, oui, Lucie a un amoureux ! L’homme à la rose s’est révélé être des plus charmants. Ils se sont vus et revus depuis quelques mois, toujours avec le même ravissement. Mais ce n’étaient à chaque fois que quelques heures volées à son emploi du temps bien rempli. Alors, quand la compatissante Chantal s’est portée volontaire le temps d’un week-end, Lucie n’a pas hésité.

La voilà à présent sur le départ, à attendre son amour qui ne saurait tarder. D’ailleurs, un vrombissement caractéristique, reconnaissable entre tous, est en approche. La 2CV rose, aussi rose que la rose offerte au premier rendez-vous, débouche au coin de la rue, s’arrête devant sa porte. La capote roulée jusqu’à la lunette arrière, la carrosserie toute pimpante, la deudeuche distille à elle seule l’insouciance et la liberté.

Claquement de portière, baiser sucré, bagage dans le coffre et en route.

Le vent s’engouffre par le toit ouvert, apporte avec lui des parfums de printemps rose, ébouriffe les cheveux, caresse les joues, le cou, d’une douce fraîcheur. La route déroule devant le capot, bordée d’arbres roses, de genêts jaunes, de ciel bleu, de bonheur multicolore. Le ronronnement du moteur berce les rêves, berce l’amour.

Destination, la plage, le sable, la mer…

Lucie se l’est promis, elle se baignera nue, libérée de ses peurs, libérée des contraintes qu’elle s’imposait.

Libérée, nue...

Libre.

 

La lettre de Lucie

Chère Chantal,

Merci encore pour t’être occupée de mes plants et de ma boutique. Grâce à toi, j’ai passé le plus merveilleux des week-ends ! Un week-end amoureux, mais surtout, un week-end de liberté absolue !

Comme une ivresse, la liberté comme une ivresse…

J’avais écrit ces mots sur mon cahier, au début de ce récit, comme un prologue, un espoir, un cri peut-être… C’était avant, dans une autre vie, avant d’oser, avant de le rencontrer, avant de te rencontrer…

Je la pressentais ainsi, la liberté. J’avais raison. C’est ainsi que je l’ai vécue ces derniers jours. La seule différence avec ces quelques phrases tombées de mon ancienne solitude, c’est que je croyais alors que la seule liberté possible était spirituelle, nourrie de mes rêves et de mes pensées.

« Quelque chose qui se dilate dans la poitrine, un envol vers ton paysage intérieur, l’évasion dans ta tête qui te propulse vers tous les possibles. Un idéal de petite fille exaltée... », voilà ce que j’écrivais alors…

Il y a de ça, mais il y a beaucoup plus. Comment te décrire ma liberté toute neuve ?

Un souffle puissant, un torrent de montagne, un été doré, l’odeur du foin coupé, celle de l’iode qui s’immisce, le sac à dos dans la deudeuche, le bruissement vert de la forêt… C’est tout ça, ma liberté. C’est le roseau sur la dune qui se balance au gré du vent, qui s’enracine au plus profond de moi. Et le sable coule, mais je reste debout.

Oui, Chantal, je ne me suis jamais sentie aussi libre, comme si j’avais jeté mes vieux habits empesés de contraintes pour courir nue dans la lumière.

D’ailleurs, je me l’étais promis et je l’ai fait : je me suis baignée nue !

Moment de pur délice, la vague sur mon corps, l’écume sur mes seins, le soleil sur ma peau. Comme un animal libre de pudeur, de bienséance, de convenances.

Peut-être l’amour y est-il pour quelque chose ? Est-ce lui qui me rend libre, ou du moins qui agit pour que je me perçoive ainsi? Est-ce que je confonds liberté et bonheur ?

Peu importe, je suis vivante, ouverte à tous les possibles, libre quoi !

Tu dois te demander pourquoi cette longue lettre alors qu’il suffit de t’inviter à boire un café pour te raconter tout ça ?

C’est que je ne suis pas sûre de savoir le raconter en paroles, justement. L’écriture permet la réflexion, le temps de choisir les mots, le temps pour toi de les lire.

Je t’embrasse de toute mon amitié, et que tout ce bla-bla ne t’empêche pas de venir quand même un de ces jour boire le café sous ma tonnelle…

A bientôt..

Lucie

 

Les escarpins de Lucie

L’amoureux de Lucie aime les escarpins.

Quelle guigne ! Lucie n’en a jamais porté de sa vie. Elle n’aime pas ça, elle. Et pourtant, la voilà vacillante devant son miroir, perchée sur dix centimètres de talons pointus, instables, malveillants. Des trucs sournois qui n’existent que pour la faire tanguer, trébucher, tomber, se ridiculiser, c’est sûr !

Comment marcher avec le petit orteil écrasé, le gros orteil asphyxié, le pied comprimé, la cheville étirée ? C’est vraiment pour lui plaire qu’elle a acheté ces instruments de torture !

Certes, elle est élégante ainsi. Sa robe rouge s’évase en douceur autour des ses genoux, ses jambes s’allongent, sa silhouette gagne en finesse. Elle se trouve belle… à condition de rester immobile !

Car dès qu’elle marche, fini l’élégance. Le pas est lourd, disgracieux. Elle a mal de partout, un début d’ampoule brûle à l’arrière du talon gauche, ‘‘l’oignon’’ du pied droit pique, le mollet tire.

Pourtant, il faudra bien en passer par là, elle le lui a promis. Elle regarde avec tendresse, avec reconnaissance, avec envie ses bonnes vieilles chaussures confortables avec leurs talons plats et leur stabilité à toute épreuve.

Soupir…

« Le besoin de plaire, première restriction de la liberté individuelle »…

La citation, sortie d’elle ne sait où, probablement ingérée au cours d’une lecture, la percute soudain. Lucie s’exclame devant son miroir :

Mais c’est vrai ! Tout ça, c’est juste pour lui plaire, à lui, pas à moi. Serais-je en train de renoncer à mon indépendance… Quand je pense à la lettre exaltée que j’ai écrite à Chantal… Où est donc partie mon ivresse, où est ma liberté ? Sûrement pas dans ces escarpins qui m’empêchent de marcher !

 

Lucie en devenir…

Lucie a persévéré et dompté les escarpins.

Aujourd’hui, c’est une jolie femme, parfaitement à l’aise, qui déambule sur talons aiguilles, la démarche élégante, la robe virevoltante. Une liberté gagnée. Le choix. Talons hauts, talons plats, tout va ! Un plus si elle décide de changer de métier… Une idée qui trotte… qui galope de plus en plus fort...

Assise sous son chêne, elle fait le bilan.

Son amoureux, l’homme à la rose, est toujours… amoureux mais, pour l’instant, elle tient à son indépendance. Elle a organisé sa vie, partage son temps entre travail, escapades en deudeuche rose et précieux moments de lecture. Depuis quelques mois, elle fait partie d’un club, le « cinq rue droite ». Un club créé dans une autre histoire de ce recueil, un antre réservé aux passionnés de littérature, collectionneurs et amateurs d’ouvrages insolites, de livres oubliés… ainsi que le décrit le narrateur.

Elle le fréquente régulièrement avec son homme. L’autre jour, on lui a parlé d’une librairie à reprendre. François, son ancien propriétaire et personnage d’un autre texte de ce recueil, vient de mourir et Jacques, à qui il l’avait léguée, a refusé l’offre, préférant le sacerdoce de la soutane. Lucie est tentée par cette nouvelle aventure. Depuis qu’elle s’est libérée de ses peurs, qu’elle a gagné tous ses combats, même celui contre les escarpins, elle se sent capable de tout oser. Elle envisage de louer son terrain et sa boutique à l’association de son amie Chantal et se lancer…

Son fiancé – oui, son fiancé car, parfois, Lucie se plaît à penser mariage – l’encourage :

– L’important dans la vie, c’est de ne pas avoir de regrets. Si tu as envie de le faire, fais-le. Que risques-tu à essayer ? Si ça ne marche pas, tu reviens à la terre… Et moi, tu sais que je serai toujours là pour toi.

Lucie sourit. Aux arbres, au potager, à son devenir qui vagabonde parmi quelques histoires de ce livre en surfant sur cette citation de Bernard Weber :

‘‘Le secret de la liberté, c’est la librairie.’’

Alors, oui, elle va la rependre cette librairie et devenir un personnage du texte « Le Pavillon des Pas Perdus », là où va se poursuivre sa vie, sous la plume d’un autre.

 

 

Rédigé par Mado

Publié dans #Liberté

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