LIBERTÉ DANS LA BIBLIOTHÈQUE
Publié le 19 Décembre 2021
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Résumé
A la bibliothèque de Nice, les livres prennent enfin la parole.
Sous la houlette de leur chef de file Mimile,
ils manifesteront sur leur conditions de couverture.
Ils ne veulent plus de ces emballages guindés et tellement moisis.
Ils militent désormais pour des reliures douces au toucher,
pour toutes ces mains qui se posent sur leur dos,
pour qu'elles puisent une énergie tranquille et chaude
dans des pages d'ailleurs, après une journée compliquée.
Ensuite, ce sera autour des CD.
Camille, classée entre le C et le D des audios
aimerait une trace vivante des ouvrages.
Elle voudrait entendre le bruit de la page qui tourne,
du papier qui se froisse,
un brin de livre qui se cacherait dans ces lectures froides.
Qui veut perdre définitivement
l'humanité de sa face
dans le pile des machines à lire ?
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Quatrième de couverture
Dans la bibliothèque de Nice,
un vent de contestation souffle sur les couvertures.
Mimile agite son manifeste.
Va t-il parvenir à convaincre le numéro 5 de Chanel ?
Une volonté délibérée de casser les codes
Là, c'est Camille qui lutte.
Dans la machine et son froid débit de dires,
le papier trouvera-t-il encore une place au creux des sillons ?
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LA LIBERTÉ DANS LA BIBLIOTHÈQUE
Cette nuit les bouquins ont fait leur cinéma.
Dans un bruit d avant-première,
ils ont cassé l alphabet et plié les rayons.
Tout de suite les gardes ont bloqué les pages.
Les épiloguistes ne crèveront pas de la fin
et boiront le dernier vers.
Ci-dessous un extrait de leur revendication libertaire,
au résultat non encore avenu :
Nous les livres et livrets, nous ne voulons plus restés enfermés
dans des couvertures cuir cramoisies et carton papier mâché,
voire cornées en coins dans des reliures stressées.
Nous exigeons un enveloppé aguicheur et plein de tendresse.
Nous souhaitons une jaquette souple,
enveloppante, chaude et soyeuse, d'invitation ravageuse
pour les mains câlines des lectrices à cajoler
ou les doigts rugueux de ces messieurs à chouchouter.
En bonne et due forme,
nous exigeons tout l'emballé-feuilles dans une couette.
Oui, une couette, aérienne de plumes,
au contour débonnaire pour des lectures bonheur.
Une couette qui sentira bon la douce soirée coussins,
après une journée souvent compliquée.
signé : Mimile Un de vos fidèles compagnons de chevet.
Président des Bouquins En Colère - B E C - de la ville de Nice
Remis ce jour, en main propre et douce de la Responsable des Bibliothèques.
Donc après cette intervention de Mimile, les livres, en attente d'une réponse,
décidèrent de ranger leurs auteurs entre les cimaises jusqu'à l'aube.
C'était sans compter un cambrioleurs qui venait de s'introduire dans les lieux.
Tout était cadenassé mais le fantôme de Spaggiari était revenu
par un autre tunnel, accompagné de l'intelligence artificielle de son petit fils.
L'intrus fut surpris de trouver l'endroit sans dessus dessous
et les bouquins rageurs groupés en petits soldats, très vindicatifs.
Pour les couettes, on verrait plus tard. Il y avait urgence du moment.
Mimile du haut de son M majuscule, ouvrit toute grande sa couverture cuirassée
et reliée serrée. Tous les livres en firent autant.
Notre cambrioleur ne put jamais remettre la main sur le livre de son histoire.
Dans un claquement de pages Mimile lui avait ouvert la veine
et il s'échappa, non sans perdre, au passage sa dernière dent de lait,
comme on perd de la face, son enfance.
Vers la fin de la matinée, le Député du Club de Lecture de la Métropole,
invité par Madame la Responsable des Bibliothèques de la Ville de Nice
firent le tour de presque toutes les étagères.
C'était maintenant ou jamais, qu'il fallait se faire remarquer.
Les bouquins avaient tous revêtus leurs plus beaux habits
sauf Mimile qui brassait son impatience en éventail.
Une agitation en courant d'air que ces deux cartons pâte opposés
donnait à échapper l'odeur moisie de la Réserve,
pour attirer toute l attention du numéro 5 de Chanel.
Le Député décida de favoriser d'une couette sur mesure, notre Président.
Même si Mimile n'était pas blanc comme neige,
il souffrait d'une grande empathie et ne vivait que de traits d'union.
Alors, il s'inclina sur son vouloir faute de devoir accepter son pouvoir.
Pas question de jouir seul de la douce enveloppe.
Pour Mimile et les autres, les habillages de cuir brut
resteront définitivement de mise à la Bibliothèque de Nice.
Là où commence la gêne ... finit la liberté.
Pendant que la désolation mélangeait les chapitres,
les idées se ressaisirent.
Gêne, toi de là, pousses toi.
Entre les C et les D, Camille végétait au rayon des audio.
Jusqu'à présent, elle n'était que décibels en CDI.
Elle se contentait d'un son mal fait sur une suite de mots
pour susurrer des histoires.
on aurait vraiment dit qu'elle mangeait un bonbon.
A l'occasion de la visite de Madame la Directrice
Camille décida de prendre attache avec Mimile.
Tant pis s'il était un peu trop syndicaliste
et rond de cuir un peu démodé.
Camille supportait mal la petite aiguille qui lui grattait le dos,
parfois même jusqu'au sang et surtout,
la vibration de l'écrit en colonnes la mettait en désordre.
Un agencement en pied de page devenait indispensable.
Camille héla Monsieur le Député de la Métropole.
- Plus besoin de mouiller son doigt, bien sûr pour changer de page
mais ce qui manque c'est la sonorité du papier qui tourne,
le bruit de la page qui nous quitte pour la suivante qui nous accueille.
- Nous aimerions garder cette respiration pour nous et nos emprunteurs.
- Que nous puissions laisser s'échapper de nos chapitres écrantés
le reste résonnant d'un brin de livre, un bout de libre pour un goût de vivre.
- Nous voulons crier notre humanité pendant qu'il en est encore temps,
parce que nous avons peur de l'intelligence des machines
qui prendraient froidement notre nous, peur de dé-exister à jamais.
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Quand les bouquins se lisent
Entre eux, ils s'avalent.
Quand leur digestion s'enlise
On dirait des cannibales.
Quand ils crachent les mots
dans des bruits de syllabes.
Quand ils lâchent leurs rots
On dirait de vieux nababs.
Quand on laisse parler le papier
Même avec la bouche pleine.
Quand les coins sont repliés
On dirait un chiffon de peine.
Quand on lit mal les différences
entre des lignes bienveillantes.
Quand on prive l'itinérance
On dirait une mort lente.
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PLAGE VUE DU FIEL
Depuis quelques kilomètres, ça sentait fort la merguez.
Le moteur de la Simca 1000 devait manquer d'un peu d'huile.
Francis et Eric décidèrent de garer leur bébé au plus vite.
Ce petit parking près de la cabane des CRS de Pampelonne conviendrait.
Francis fit le tour de l'affaire. Personne.
Avait juste poussé là quelques brins d'herbe devant la porte bleue comme la Grande, du cagibi, dans un tas de mégots.
Pendant qu'Eric, lui, le pro de la mécanique s'engouffrait sous le capot, Francis trouva ce petit escalier avec cette marche
goudronnée tout à fait à son goût pour embrayer sur la méditation.
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IL est vrai qu'il est un pro de la débine, Francis.
Mais... quelle ne fut pas sa surprise, oui, là-bas entre deux monticules
de sable, oui, blanches des fesses, contrastées cannelle, une dame
promenait sa nudité en toute liberté.
Elle avait un soutien gorge sans le dos et un tas d'habits dans les bras probablement inutiles pour le moment.
Soudain, un coup de klaxon rappela à Francis qu'il était temps de voir plus loin.
- Si tu savais Eric, je viens de voir sur la plage une fille au moins du signe de la Vierge.
Dans tous les sens de leur horoscope, les signes des gémeaux se mirent à courir mais la belle dame avait déjà disparue.
Ils n'ont jamais pu la prendre nue, ni vêtue, dans la Simca 1000.
Dany-L
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